vendredi 13 février 2009

De la crise économique

Quelle ironie que ce n'est qu'en temps de crise que le rôle de l'État apparaisse soudain comme une bonne idée !

Je suis tombée par hasard, en relisant certains textes, sur cette analyse de Sir Bernard Crick, l'influent auteur du Rapport Crick qui a servi de fondement aux programmes d'éducation à la citoyenneté en Grande-Bretagne :
«The ‘defeat’ of the USSR and the ‘victory’ of the West also appeared to imply the rejection and then the demise of ideology. However, political prudence and pragmatism did not take over, rather there emerged the rapid, almost wildfire spread of the belief that market forces will resolve all major problems on a global scale, or at any rate cannot be resisted. So it matters little whether regimes are autocratic or democratic so long as they are capitalist in the full-blooded sense of being part of a global economy. Economics itself becomes an ideology

Vous conviendrez avec moi qu'il s'agit d'un coup dur pour cette «idéologie» qui n'a d'idée que lorsqu'il s'agit de la promotion d'intérêts particuliers et financiers !

Il n'en reste pas moins que le consommateurs ne peut remplacer le citoyen «And capitalism is an international system whose imperatives can only be ignored at a heavy price – say North Korea and Cuba, or by the luck, while it lasts, of oil in the sands. But it does not then follow that price must then determine every human relationship, least of all the civic

Dans le cadre de la crise actuelle les interventions étatiques sont de nature à chercher à stimuler le consommateur plutôt que le citoyen. C'est ironique dans la mesure où le citoyen voit l'érosion de ses droits économiques et sociaux et des acquis syndicaux, par exemple, qui servent réellement et au-delà de tout pouvoir d'achat à maintenir sa qualité de vie. C'est pourquoi les réductions d'impôts sont antithétiques à la réponse requise par l'État qui se doit de mobiliser le citoyen dans l'examen critique du système qui fait défaut pour envisager, de façon délibérative, des alternatives. En fait, cette crise doit provoquer le retour du citoyen aux dépens du consommateur.

Crick offre cette mise en garde avec laquelle je ne peux qu'être en accord «If people see themselves purely as grateful consumers they will lose all real control of government. Governments will then rule by bread and circuses, even if not by force; and torrents of trivial alternatives will make arbitrary and often meaningless choice pass for effective freedom (what George Orwell in Nineteen Eighty-Four satirised as ‘prolefeed’)

Crick, B. (2007) Citizenship : the political and the democratic. British Journal of Educational Studies, 55 (3), 235-248.
* Je ne partage pas la même vision du monde ou de l'école que Crick, mais cette analyse d'un grand philosophe politique est très pertinente.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Ce qui m'intrigue le plus, c'est que les gens, les êtres humains derrières leurs masques de citoyens, ne s'aperçoivent pas qu'il font partie d'une grosse machine et qu'ils sont en fait des esclaves de celle-ci et de l'économie.

Stéphanie Demers a dit…

Pour le comprendre, il faut qu'on les conscientise. Le hic, c'est que le puissant appareil du statut quo fait tout son possible pour qu'on ne soit pas conscientisé... en nous nourrissant de Loft Story et de fausses terreurs, par exemple, on nous écarte de ce qui devrait être le véritable objet de nos préoccupations. Sans compter que tout ça favorise le retranchement sur soi et nous fait oublier les autres.

Bien contente de te lire chez moi, Redge. J'aime bien que tu y sois !

Stéphanie Demers a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Dominique a dit…

Bonjour, imaginez si c'est difficile de faire comprendre à une population d'adultes qu'une baisse d'impôt n'est que de la poudre aux yeux et que le tout est ridicule, comment expliquer tout ça à des jeunes adultes votant...

Comment leur expliquer la logique du '' acheter pour faire rouler l'économie +++ '' en ces temps difficiles ?

Comment répondre à leurs questions, c'est difficile...

Une chance qu'ils ont confiance en leurs parents et en leur ''MENTOR''.

Bonne journée.

Stéphanie Demers a dit…

Merci Dominique !

c'est justement le rôle de l'école de les rendre sceptiques face à un tel discours.

on continue, nous vaincrons !

Aaron a dit…

Question: est-ce vraiment le "rôle" de l'école que de promouvoir un point de vue idéologique plutôt qu'un autre?

Est-ce vraiment le rôle de l'école que de "conscientiser" les jeunes, que ce soit en leur bourrant le crâne de théories de gauche ou de droite?

Le rôle de l'école n'est-il pas plutôt de leur donner les outils nécessaires à leur développement, tout en les laissant libres de choisir ce qu'ils en feront?

Apprendre à des jeunes à lire, écrire et compter est déjà assez difficile (et le bilan est assez piètre au Québec à cet égard), je trouve que dans un tel contexte il est assez absurde de se mettre à détourner de l'énergie et des ressources à des buts qui n'ont aucun lien avec le rôle des professeurs.