dimanche 6 juin 2010

Les enseignants sont dangereux (et doivent le devenir encore plus)

C'est un fait. Les enseignants sont dangereux. Pour le statu quo, pour les puissants... Entre leurs mains se trouvent soit le maintien et la reproduction du statu quo (donc, le maintien du pouvoir de l'élite et des conditions actuelles de l'asservissement de la société à leurs intérêts) soit son renversement.

Stage, Muller, Kinzie, and Simmons (1998, p. 57) précisent: “Education’s role is to challenge inequality and dominant myths rather than socialize students into the status quo. Learning is directed toward social change and transforming the world, and ‘true’ learning empowers students to challenge oppression in their lives»


Le hic, c'est que l'on a enterré les enseignants sous une telle pile de travail, on les a placés dans une telle lutte pour affirmer à la fois leur légitimité, leur professionnalisme et leur pertinence sociale, que ce pouvoir a été perdu de vue.

C'est pourquoi j'appuie les enseignants qui seront en grève demain, qui revendiquent leur juste place et leur juste valeur... et que je les incite à devenir plus dangereux encore et à s'approprier ce pouvoir qui est le-leur - celui d'ouvrir aux générations qui passent par leur classe les portes du pouvoir collectif pour le changement social.
Comme le propose Aronowitz (1993, pp. 8–9) “[...] to offer a system in which the locus of the learning process is shifted from the teacher to the students. And this shift overtly signifies an altered power relationship, not only in the classroom but in the broader social canvas as well.”

Des lectures pour y arriver

Études de cas en pédagogie critique
Ressources en pédagogie critique
Pour une pédagogie critique en société
Une pédagogie interculturelle de transformation sociale

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Ça me rappelle...

Michel Folco, dans son dernier roman, met en scène un instituteur de village, toc et rancunier. À un certain moment, le village se ligue contre lui. Il décide de se venger. Sur ce que le village a de plus précieux, ses enfants... pendant des années, il a mal enseigné. Au bout du compte, il en a fait des ignorants.

Bon, on peut argumenter sur la valeur morale de l'histoire, mais l'idée est simple : il y a un pouvoir à enseigner. Maintenant, comment s'en sert-on ?

P

Stéphanie Demers a dit…

Tu as bien raison, Rouge. Plusieurs théoriciens et plusieurs praticiens se sont penchés sur la question du comment - il n'y a pas consensus, sinon pour les principes suivants :
- on ne peut éduquer à prendre pouvoir et à être actif dans la société par des approches passives, coercitives, qui reproduisent les relations de production présentes dans la société actuelle - il faut exercer le pouvoir et être actif pour apprendre à le faire (Dewey !)
- il faut donner les outils pour construire les connaissances plutôt que de «transmettre» des connaissances présélectionnées et jugées dignes par l'élite qui s'en sert pour rester au pouvoir
- il faut rejeter le tri social par l'évaluation
- il faut sortir l'éducation des quatre murs de l'école et engager les élèves dans leur communauté

Kimpton a dit…

C'est formidable de voir enfin une partisane ouverte du bourrage de crâne gauchiste pour les jeunes, et qui ne cache aucunement son intention de transformer l'école en un camp de formation pour révolutionnaires.

C'est d'ailleurs ironique de voir que la FAE que vous dites appuyer dans ses revendications -et dont je fais partie- ait justement été à l'avant-garde de la lutte enfin victorieuse contre cette dégénérescence intellectuelle que représente le constructivisme radical.

Avec des appuis tels que les vôtres, on a définitivement pas besoin d'ennemis !

Mme Demers, merci enfin, grâce à vous les choses sont enfin claires.

Stéphanie Demers a dit…

Merci, Kimpton, de bien vouloir vous prononcer.

J'appuie les revendications des enseignants pour de meilleures conditions de travail - j'ai été enseignante, je connais le milieu. Je n'appuie pas une régression qui va à l'encontre de plus de 80 ans de recherche scientifique sur l'apprentissage. La «dégénérescence» à laquelle vous faites référence, soit le constructivisme, est l'approche identifiée comme optimale dans le développement humain dans la vaste majorité des pays du monde, des États-Unis en passant par l'Europe, l'Amérique latine, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, etc. Ce n'est pas parce que cette approche requiert un changement qui gène l'aise de certains qu'elle doit être rejetée. Si vous avez des preuves de quelques effets négatifs du constructivisme, je vous prie de les partager.

Si demander que les élèves développent les outils de leur autonomisation, telle la pensée critique, vous semble du bourrage de crâne, je me demande ce que vous faites des connaissances à mémoriser que les opposants au constructivisme exigent. SI vous croyez que de donner aux élèves les outils pour remettre en question le monde dans lequel ils évoluent constitue un camp de révolutionnaires, je déduis que c'est parce que vous êtes satisfait du statu quo et que vous croyez qu'il n'y a rien à changer. Je ne suis pas de votre avis.

Vous me reprochez ma transparence et mon honnêteté ? J'assume toutes mes prises de position ... je ne vois pas pourquoi je ferais autrement, je n'ai rien à cacher...même pas mon nom !