dimanche 10 février 2008

L'inspiration de la pédagogie critique


Si nous nous targuons de dépasser les interprétations ingénues et formelles de la tâche humaine de l’éducation, il ne peut s’agir que du point de départ d’une réflexion critique ou dialectique. Si cet esprit critique nous fait défaut, soit parce que notre aliénation nous porte vers une pensée statique et non dynamique, soit parce que nous avons des intérêts idéologiques, nous sommes incapables de percevoir le rôle véritable de l’éducation ou, si nous le percevons, nous le travestissons. Nous avons tendance à méconnaître ou à travestir le rôle de l’éducation qui, parce qu’elle est une «praxis» sociale, sera toujours au service soit de la domestication des hommes, soit de leur libération. C’est ainsi que nous nous perdons presque toujours dans des considérations verbeuses sur ce qu’on appelle la «crise de l’éducation» ou sur la nécessité d’introduire des réformes dans les processus didactiques : face aux problèmes fondamentaux de structure qui se posent au cours du processus pédagogique, nous nous adonnons à ces jeux.

À d’autres moments, alarmés par le choix inévitable qu’il nous faut faire entre l’éducation considérée comme un moyen de domestication et l’éducation considérée comme un moyen de libération, nous nous mettons en quête d’une troisième voie – qui n’existe pas en soi. Nous déclarons que l’éducation est neutre, comme si elle n’était pas une obligation humaine, comme si les hommes n’étaient pas des êtres insérés dans l’histoire, comme si le caractère téléologique de la praxis pédagogique n’était pas le facteur qui rend sa neutralité impossible. De plus, tout ce que nous faisons en affirmant cette neutralité, c’est d’opter en faveur de la domestication que nous nous mettons simplement à déguiser.

Freire, P. (1972). L’éducation : domestication ou libération ? Positions, Contreverses, Perspectives, 2 (2).

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