vendredi 22 février 2008

Pour que l'éducation à la citoyenneté ne dérape pas


je ne peux m'empêcher d'observer les primaires américaines avec l'oeil de la pédagogue. J'y vois les origines bien vivantes de l'éducation à la citoyenneté républicaine -- une plaie, vous me permettrez-- une dérive de la citoyenneté libérale imaginée par les philosophes des Lumières.

Examinons ...
La citoyenneté préconisée par Locke et actualisée dans le contexte sociohistorique de la Révolution américaine vise «…une égalité de coexistence, c’est-à-dire d’individus égaux en vertu de leur identité de nature ou d’essence, mais néanmoins différents.» (Galichet, 2002 : 108). Cette citoyenneté en est une de droits et libertés naturels et inaliénables (égalité, liberté, souveraineté du peuple). Selon cette conception dite libérale (Pagé, 2001; Weinstock, 1999) les droits et libertés individuels priment sur ceux de la collectivité. D’ailleurs, Pagé (2002) qualifie cette vision d’individualiste.

L’éducation à la citoyenneté en ce sens est une éducation aux droits, aux institutions et aux documents garants de ces droits dans une perspective historique qui en explique la genèse.
«…un gentleman, dis-je, doit dédaigner l'étude de la chicane autant que s'appliquer diligemment à l'étude de la loi, afin de rendre par là des services à son pays. À cet effet, je crois que pour un gentleman la bonne méthode d'étudier nos lois, quand il n'a pas à en faire une étude spéciale en vue de sa profession, c'est de prendre une idée de la constitution et du gouvernement de l'Angleterre dans les anciens livres de droit commun, et chez quelques écrivains modernes qui après eux ont dressé le tableau de ce gouvernement. Quand il s'en sera fait une idée exacte, qu'il lise alors l'histoire de son pays, en associant à l'étude de chaque roi celles des lois faites sous son règne. Par là il pénétrera dans l'esprit de nos lois ; il verra sur quels principes elles ont été établies, et en comprendra mieux l'autorité.» (Locke, 1693 : 187)



Ce modèle d’éducation à la citoyenneté est le modèle dominant aux Etats-Unis et en France et porte le nom d’éducation civique. À l’heure actuelle, il est difficile de dégager le portrait précis de l’éducation à la citoyenneté aux Etats-Unis, puisque chacun des 50 états est responsable de l’élaboration de son propre programme. Les préoccupations des programmes sont de l’ordre des défis posés aux droits et de la réponse requise du citoyen au sein même des institutions publiques pour assurer justice et égalité, ainsi que la souveraineté de la nation (ministère de l’Éducation nationale de France, 2000; Feldman, 2007). Selon le programme du primaire français :

«On naît citoyen, on devient citoyen éclairé. L’éducation civique ne peut tout embrasser […]. Elle concerne les règles élémentaires de la vie démocratique et se borne donc à quelques domaines essentiels : la conduite sociale responsable, les institutions politiques et administratives, la place de la France dans le monde. L’éducation civique apprend à l’enfant qu’il ne vit pas seul, qu’il procède d’une histoire, qu’il a des droits mais aussi des devoirs. Éminemment morale, l’éducation civique développe l’honnêteté, le courage, le refus des racismes, l’amour de la République. » (ministère de L’éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports, direction des écoles, 1994). ARRRRRRRKKKKKKK !!

Basée sur la dimension juridique, sur les droits et les pouvoirs du citoyen, cette éducation se fait par étude de cas, de situations sociales (notamment scolaires) pour favoriser l’appropriation des concepts de la citoyenneté juridique et politique. La genèse des institutions publiques y est également très importante (Audigier, 2002).

Dans un contexte pluriethnique, toutefois, l’éducation à la citoyenneté libérale peut devenir outil de régulation sociale et d’assimilation.

C'est pour ça que les élans de promotion d'une identité nationale me donnent des boutons !

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