vendredi 28 mars 2008

Sur l'identité des enseignants

J’ai enseigné la session dernière le cours de Portfolio II, qui vise entre autres à outiller les étudiants pour construire leur identité professionnelle. Contre toute attente, j’ai adoré ce cours. En nous basant sur l’excellent travail de Gohier, Anadón, Bouchard, Charbonneau et Chevrier (1997, 1999), nous avons exploré les dédalles de l’identité professionnelle, particulièrement dans un contexte de changement. L’étonnant, c’est que cette activité a poussé les étudiants à se poser des questions qu’ils ne s’étaient jamais posées, sur l’éthique, sur l’introspection, sur l’ouverture à la critique, sur l’évaluation de leur enseignement (auto, par les pairs, par la direction, etc.), mais surtout sur leur philosophie profondément personnelle de l’éducation.

J’y reviens car, comme toujours, Marc-André me suggère des lectures palpitantes, dont celle de Clarke (2008) The Ehtico-politics of Teacher Identity (Educational Philosophy and Theory) qui se sert des quatre axes de l’éthique de Foucault pour penser l’identité des enseignants de façon à favoriser la détermination discursive (se raconter, se défendre) et à reconnaître et construire leur pouvoir d’action éthique. Il est intéressant que l’on se penche sur l’identité plutôt que sur le rôle des enseignants, lequel se réfère à la fonction, alors que l’identité s’associe beaucoup plus à l’implication personnelle selon une certaine façon de concevoir le monde et la place qu’on y occupe. On peut apprendre à enseigner en apprivoisant théories et techniques, mais on devient enseignant en prenant position face à nous-mêmes et face à ces théories et techniques. L’identité n’est jamais terminée, elle reste ouverte face aux possibilités de restructuration et d’enrichissement.

Apprendre à enseigner, pour un nombre croissant de théoriciens, c’est en fait la construction de son identité comme enseignant, où l’identité se réfère à la connaissance de soi et la capacité qu’a un individu à se raconter, se décrire, se nommer, ainsi que la reconnaissance qu’ont les autres de cet individu comme étant tel ou tel type de personne. C’est un processus de regard tourné sur soi, sur ce que l’on fait, ce que l’on est capable de faire, sur ce en quoi l’on croit. Si cela semble aller de soi pour vous, croyez-moi lorsque je vous dis que c’est particulièrement bouleversant pour des étudiants en formation. En outre, il y a cette dialectique entre l’identité que nous assigne la société, parcellaire, unidimensionnelle, techniciste et souvent neutre et celle qui se construit : culturelle, politique, personnelle, collective.

Voilà la porte d’entrée du pouvoir éthique de l’enseignant, dans cette dialectique et dans la reconnaissance des relations de pouvoir qui jouent sur la formation de l’identité, dans cette marge de liberté qui amène nécessairement la réflexion et l’éthique – car du moment où l’on dispose de liberté d’action, il est question d’éthique. La formation d’une identité éthique, nourrie d’une réflexion sur les relations de pouvoir, sa philosophie personnelle, culturelle et politique de l’éducation, offre aux enseignants la possibilité d’augmenter leur liberté, leur pouvoir d’action et les marges de manœuvre transformative de l’école

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