vendredi 22 février 2008

De mes étudiantes (et mon étudiant) partis en stage

C'est normal d'être triste de les voir partir ?

J'ai été des plus choyée tout au long de la session. J'ai, depuis l'an dernier, le privilège énorme de suivre un groupe d'une cinquantaine de jeunes femmes en formation à l'enseignement préscolaire et primaire, ainsi qu'un petit groupe d'irréductibles en enseignement du français au secondaire. Cette session encore, j'ai pu les accompagner dans trois cours. Et aujourd'hui, notre dernier cours, j'ai le coeur gros de les voir partir.

Détrompez-vous, elles ne sont ni faibles, ni vulnérables. Ce sont des institutions en devenir, des femmes d'une rare force de conviction et d'une passion pour le bien-être total des enfants. John Dewey aurait été fier, Freinet aussi. La simple idée qu'elles s'en vont bientôt dans les écoles, pédagogues critiques qu'elles sont devenues, me réconcilie avec le potentiel de l'enseignement.

SI je me fais du souci, c'est que je sais qu'elles devront se plier à toutes sortes de contraintes pour réussir leur stage, qu'elles étoufferont un peu ce qu'elles sont. Ça me peine, car elles subiront peut-être les contrecoups d'une profession dévalorisée et épuisée des jugements de sens commun à son égard, une profession de laquelle on exige des miracles et à laquelle on ne donne rien. je ne veux pas qu'elles se découragent de rayonner de toutes leur puissance créatrice et de leur humanité profonde. Je ne veux pas qu'elles se mettent à parler de Virginie et qu'elles deviennent cyniques autour de la table à dîner dans la salle des enseignants. Je veux qu'elles continuent à voir des petits princes, des roses et des renards à apprivoiser.

Mais je vais faire confiance, respirer un peu, les remercier de m'avoir appris autant cette session et de m'avoir inspirer à être autre chose que cynique !

9 commentaires:

Missmath a dit…

Chère Stéphanie, tu arrives exactement à exprimer ce que je ressens quand je lis certains billets de Monsieur A (Rotules).

Anthony est l'un de ces étudiants qui marquent la vie d'un prof et il m'a fait l'honneur de partager avec moi de belles réflexions et de belles discussions tout au long de sa formation en enseignement des mathématiques au secondaire. Je connais son potentiel, je sais qu'il a le sens de la pédagogie critique, je sais qu'il pourra faire la différence chez les jeunes, je sais qu'il saurait changer l'école, mais je constate que dans son école, on ne fait rien pour lui faciliter la tâche, on se plait même à lui mettre des bâtons dans les roues et cela, ça me tue.

Stéphanie Demers a dit…

Tu vois, Missmath, c'est dimanche aujourd'hui et j'ai envie de les appeler une à une pour le dire de revenir au sanctuaire que nous avions créé ensemble... c'est nul, mais je me sens vraiment trop mère-poule !

Anonyme a dit…

Ah Stéphanie, ne sois pas triste! Tu nous as si bien préparées à affronter le monde. Tu es de celles et de ceux, rares, qui font la différence dans notre formation.

J'aimerais te rassurer, te dire que tout va bien, que j'ai hâte d'aller en stage et que la flamme pour l'enseignement brille toujours en moi. Ce que je peux te dire par contre, c'est qu'en ce moment, il n'y a à peu près que tes propos qui me poussent à croire encore. Car certains événements récents ont contribué à augmenter de manière considérable mon cynisme.

On verra en stage. Ça s'annonce bien pour moi. Et n'ait pas peur pour nous, on est fortes et on sait se défendre.

Stéphanie Demers a dit…

Merci ma chouette, je crois en vous !

Cynthia BM a dit…

Chère Stéphanie, j'ai lu ce message avant de débuter mon stage et je me demandais pourquoi tu pouvais avoir si peur que l'on se décourage (étant donné que j'avais eu, jusqu'à présent, de très belles expériences en milieu scolaire.)Je savais bien qu'il pouvait m'arriver d'être associée à une enseignante avec une vision de l'enseignement différente de la mienne, mais jamais je n'aurais pu m'imaginer en être aussi révoltée, frustrée, enragée et découragée...Je me souviens de ces mots que tu avais écrits au tableau avant que nous partions en stage: First, do no harm...et bien j'aurais envie d'écrire ça sur des bouts de papier et de les coller sur le front des élèves de la classe afin que l'enseignante soit peut-être un peu plus consciente du mal qu'elle fait à ces enfants...Je dois donc jouer un jeu, et ce, pendant 4 terribles semaines encore. Je me sens comme une pédagogue critique emprisonnée dans un costume qui m'oblige à être la marionnette d'une femme qui est tout le contraire d'une inspiration...Je n'étouffe pas UN PEU ce que je suis, j'ai l'impression d'avoir perdue totalement ma flamme, je suis éteinte et blessée...
J'essaie ce matin d'aller puiser un peu de forces et d'humanité dans tes écrits...ils me réconfortent et me rapellent que des pédagogues intelligents existent dans le milieu scolaire...Ils me poussent à être moins faibles et vulnérables, je m'en sortirai j'imagine...je ne peux pas croire qu'elle aura raison de moi...
Cynthia

Cynthia BM a dit…

oups faible et vulnérable sont au singulier...j'espère que mon enseignante associée ne verra pas cela...!! hehe

Stéphanie Demers a dit…

Cynthia, ma belle cocotte

Comme Freire, je te dirai que tu as droit à une rage légitime. Sache d'ailleurs qu'elle est entièrement légitime et une force de motivation puissante. Tu sais ce que tu ne veux jamais être et tu sais qui tu es : une force de la nature, une humaniste, une pédagogue (une vraie), critique et consciente de son rôle social. Je te dirai aussi que des centaines de parents et d'élèves que tu croiseras sur ton passage éprouveront envers toi une reconnaissance sans borne pour avoir été la personne que tu es.

Je te dirais enfin de te réconforter du fait que ton enseignante-associée a une vision du monde complètement différente de la tienne, qu'il ne faut pas lui en vouloir, qu'elle n'a pas été formée comme toi, et qu'elle évolue dans sa classe selon ses convictions (j'espère) que ce qu'elle fait est pour le mieux des enfants.

Je sais que c'est difficile et ça me brise le coeur, mais dis-toi qu'il te faut ce papier pour aller changer le monde, ma chouette. Lâche pas et crois-moi quand je te dis que je t'envoie tout mon appui et que je pense à toi.

Anonyme a dit…

merci Stéphanie...je t'ai relu plusieurs fois cette semaine, pour m'aider à tenir le coup et ne pas foutre le camp de cette classe, peut-être sans le savoir tu m'as beaucoup aidé...(encore une fois.)Les enfants m'aident aussi à garder le sourire malgré plusieurs tentatives de l'enseignante de me faire perdre mon amour de l'enseignement...selon ce que je peux conclure des propos de MissMath, elle n'est probablement pas la première personne que je rencontrerai dans le milieu scolaire qui voudra me mettre des bâtons dans les roues...! Une chose est certaine, c'est que je l'obtiendrai ce fameux papier et que le petit monde que je créerai dans ma classe sera bien différent de ce que je vis en ce moment...!

Stéphanie Demers a dit…

Tu vas être une enseignante extraordinaire et contrairement à ceux qui se ferment à cette possibilité, tu vas beaucoup apprendre des enfants. Je n'ai aucun doute que ta classe sera à la fois sanctuaire, utopie et lieu de conscientisation commune.

je suis fière de toi