lundi 18 février 2008

François Dubet sur la violence scolaire

Le grand sociologue de l'expérience se penche sur les raisons qui sont à l'origine du désengagement des élèves dans les écoles françaises. (Revue Sciences humaines http://www.scienceshumaines.com/-0arencontre-avec-francois-dubet-ecole--la-revolte-des---vaincus----0a_fr_13752.html)

«La violence contemporaine manifeste un autre registre de domination. Affirmer que les élèves sont libres et responsables de leurs actes, que l'école fait tout pour leur réussite, c'est rendre les individus coupables de leurs échecs puisque, justement, ils sont libres et égaux. Cet impératif du mérite menace à proprement parler le sujet, sa personnalité. Beaucoup de travaux montrent que ce que les élèves vivent le plus mal aujourd'hui, c'est la peur du mépris, de la relégation et finalement la perte d'estime de soi. Devant cette expérience de découverte de son inégalité, il existe trois types de réaction :

- La première consiste à dire : « Je ne joue plus » ; l'élève se retire. Cette réaction, plus fréquente que l'on ne croit, est sous-estimée car elle ne fait pas scandale puisque ces élèves-là ne font pas de bruit ; ils se protègent en considérant que la vraie vie est ailleurs...

- La deuxième consiste à jouer le jeu de manière routinière. C'est la situation « Canada Dry » : tout ressemble à l'école, mais ce n'est pas vraiment l'école. Cette stratégie conduit à faire son métier d'élève, à être présent pour assurer une sorte de survie sans vraiment s'engager... Or à l'école, si on ne s'engage pas dans l'apprentissage, on a peu de chances d'apprendre.

- La troisième réaction, souvent le fait d'enfants des « cités », surtout des garçons, consiste à sauver son honneur en rejetant un système qui vous met en échec et donc vous oblige à vous invalider. Il s'agit de renverser le stigmate : « Comme l'école m'oblige à me vivre comme étant nul, je déclare la guerre aux professeurs et au système... » Pour ces élèves, le moindre regard ambigu ou la moindre remarque blessante devient alors le prétexte à agresser l'enseignant pour ne pas perdre la face. Même si les autres élèves n'approuvent pas forcément cette attitude perturbatrice, cette révolte bénéficie de l'indulgence due à Robin des Bois : on salue son courage, sa capacité de résistance au-delà de la condamnation de sa déviance.

Si un grand nombre d'élèves se construisent comme des sujets grâce à l'école, d'autres se construisent contre l'école.»

3 commentaires:

Missmath a dit…

Que faire pour ajouter un peu de pétillant dans la vie scolaire de nos étudiants Canada Dry ?

Stéphanie Demers a dit…

Moi, je crois fermement à l'idée d'ancrer les situations-problèmes à résoudre dans leurs préoccupations. En statistiques descriptives, par exemple, se servir des données de l'Enquête Styles de vie des jeunes de l'Outaouais, http://www.santepublique-outaouais.qc.ca/app/
DocRepository/12/Stylesdevie.pdf Ou encore mieux, leur demander d'identifier des problématiques auxquelles ils veulent s'attaquer. Au secondaire, je suis toujours restée très heureusement impressionnée par la profondeur de leurs interrogations.

Faire des situations-problèmes ainsi, c'est aussi les engager sérieusement à prendre un rôle actif dans leur société.

Missmath a dit…

Merci pour le lien. Je partage également ton opinion.