Demandons-nous à nos élèves et à nos étudiantEs de simplement croire les savoirs propositionnels que nous avons développés ? Soumettons-nous, comme enseignantEs et professeurEs, nos croyances à l'épreuve de la justification et de l'adéquation avec la vérité, aussi transitoire puisse-t-elle être, avant de les présenter aux élèves, aux étudiantEs ?
Leur apprenons-nous à distinguer savoirs de croyances ? À en faire l'euristique ? À évaluer la justification et l'adéquation à la vérité des savoirs propositionnels ? À évaluer l'expertise de ceux qui leur proposent ?
Traduction libre de
Robertson, E. (2009). The Epistemic aims of
education. Dans H. Siegel (dir.). The Oxford Handbook of Philosophy of
Education (pp. 12-34). New York : Oxford University Press.
«the educational ideal of rationality… is aligned
with the complementary ideal of autonomy, since a rational person will also be
an autonomous one, capable of judging for oneself the justifiedness of
canadidate beliefs and the legitimacy of canadidate values» Siegel, «Cultivating
Reason»
Si l’éducation vise le savoir et que le savoir
requiert vérité et justifications, ces dernières doivent donc aussi faire
partie des finalités épistémiques de l’éducation. Elles ne peuvent toutefois
pas être les seules finalités épistémiques. Personne ne suppose que n’importe
quelle croyance de vérité justifiée devrait être incluse dans un curriculum
éducatif. Par ailleurs, l’on considère communément les étudiants non seulement
comme consommateurs d’information experte,
mais également comme apprentis aux communautés cognitives qui produisent
le savoir (en fonction de leurs buts et de leur stade de développement).
Toutefois, même les apprentis aux
communautés cognitives peuvent être asservis à la construction du savoir par
l’expert. Les éducateurs devraient-ils ainsi formuler des finalités plus
ambitieuses, orientées vers un certain niveau d’autonomie cognitive, rendant
possible pour l’étudiante de «juger pour elle-même, la justifiabilité des
croyances soumises à l’examen» comme le dit Siegel (2003, p. 307) ?
La réponse à ces questions crée une image
abstraite d’un «savant/sachant» idéal dont les caractéristiques incarnent un
ensemble de finalités épistémiques normatives. Cette caractérisation d’un
savant idéal est considérée comme trop abstraite par certain, puisqu’elle
suppose qu’il n’existe aucune différences épistémologiquement pertinentes entre
ceux qui savent. Elle ne prend pas en compte les différences dans la situation
et les dimensions de savants potentiels qui sont pertinentes aux savoirs qu’ils
construisent. La culture, le genre, la race et la subordination ou l’oppression
de groupes, par exemple, sont incarnés dans les caractéristiques de la personne
qui construit le savoir, qui ne peuvent être négligées dans la formulation
d’une théorie du savoir. Abstraire les caractéristiques du savoir et de ceux
qui savent nie ou obscurcit le rapport entre le savoir et le pouvoir, une
dimension dont une théorie utile, moralement et politiquement juste du savoir doit
tenir compte. Ainsi, comprendre les conditions sociale et politique de la
production et de la dissémination du savoir est une finalité épistémique
cruciale de l’éducation.
Il
importe aussi de questionner comment les finalités éducatives épistémiques
devraient reconnaître la dépendance de chaque individu sur le savoir des
autres. D’une part, il est plausible que
les éducateurs enseignent aux étudiants comment penser par eux-mêmes. D’autre
part, nous vivons dans un monde où la dépendance sur le témoignage et le
jugement expert des autres est omniprésente. Comme le soutient Elgin (1996, p.
116), «La compréhension et le savoir sont des accomplissements collectifs.» Les
contenus du curriculum enseignés dans les écoles sont les résultats de
l’activité cognitive d’une communauté de chercheurs, la communauté des
historiens, par exemple. Le savoir d’un apprenant s’alimente des ressources de
corpus de savoirs publics, créés par ces communautés. Il existe, comme l’avance
Goldman (2002), des voies sociales vers le savoir, qui incluent non seulement
les producteurs de savoirs, mais aussi ceux qui le disséminent, comme les
médias et les systèmes d’éducation.