vendredi 29 février 2008

Difficile interprétation...


...de cette recherche de la Direction de la santé publique sur la maturité scolaire des élèves de maternelles publiques à Montréal En route pour l'école

D'abord, parce que la définition de la maturité scolaire laisse planer le doute sur ce que sont les attentes de l'école "La maturité scolaire se définit comme le degré de préparation des enfants leur permettant de satisfaire les exigences de l’école. Des chercheurs ont démontré que cette mesure, prise à la maternelle, permet de prévoir jusqu’à 60 % de la variance aux tests de 3e année du primaire et qu’il s’agit d’un bon indicateur de l’état de développement de l’enfant à son entrée à l’école : « La proportion d’enfants qui, au moment de commencer l’école, sont déjà vulnérables dans au moins une dimension de leur développement, est un facteur
très déterminant du succès que connaîtra l’école dans sa tâche d’aider les enfants à atteindre leurs compétences scolaires de base ».

Je suis entièrement en accord avec l'analyse de l'impact des facteurs de risque et de la comorbidité des troubles d'adaptation psychosociale et des difficultés scolaires. On présente les domaine de l'instrument de mesure, dont un qui me chicote
"Compétence sociale : Habiletés sociales, confiance en soi, sens des responsabilités, respect des pairs et des adultes, respect des règles et des routines de la classe, habitudes de travail et autonomie, curiosité." Or, ce sont les enseignants de la maternelle qui remplissent le questionnaire... je suis inquiète, mais comme je suis incapable pour l'instant d'explorer le questionnaire, je fais confiance que les questions ne portent pas trop à interprétation, surtout en ce qui concerne "respect des règles et des routines de classe" "respect des adultes" et "habitudes de travail"

Mais... je me questionne

- quelles sont les attentes de l'école ? qui les détermine ?
- de quels tests de 3e année parle-t-on ?

Il va falloir fouiller plus creux, je crois. Mais toute recherche qui oblige la société à se pencher sur le sort qu'elle réserve à ses enfants est d'une valeur inestimable. Que faire devant ce cosntat de retard ?

permettez-moi de retourner en Scandinavie, où l'appui aux parents pour favoriser le développement des enfants est particulièrement bien pensé et subventionné. De plus, je réitère ma revendication d'un réel système de garderies publiques, avec des programmes de stimulation précoce qui ont fait leurs preuves un peu partout dans le monde. À noter que mêmes les États-Unis dépensent plus que nous pour les programmes de petite enfance !

jeudi 28 février 2008

La preuve de notre échec collectif

En Californie, un garçon de 14 ans est tué de deux balles à la tête, à l'intérieur de sa salle de classe, par un collègue de classe. La raison ? La victime était homosexuel ...

Il a survécu à la violence familiale (il vivait dans un centre pour enfants violentés) pour se faire abattre si lâchement pour sa différence.


«Nationwide Vigils for Gay Teen Slain in Apparent Hate Crime

Back in the United States, candlelight vigils continue across the country for a gay teenager murdered in an apparent hate crime. Fourteen-year-old Lawrence King of Oxnard, California was declared brain-dead on February 13th, one day after a classmate shot him twice in the head during a morning class. The suspect, fourteen-year-old Brandon David McInerney, has been charged with murder and a hate crime. Students at the school say King was often taunted over his sexuality. McInerney and other male students had apparently confronted him on other occasions. King was living in a shelter for abused and troubled children at the time of his murder. A memorial website has been established at rememberinglawrence.com.»
Democracy now ! (www.democracynow.org)

C'est vraiment dire que l'on est incapable d'apprendre à être humain. C'est comme la goutte de trop ... je me retiens à peine de sombrer dans le cynisme et la misanthropie.

Il faut raconter ça aux élèves, il faut définir l'horreur avec eux, il faut leur faire voir l'absurdité de ce qu'on est devenu

Quand j'enseignais au secondaire, je disais à mes élèves que s'ils ne sortaient pas de mes classes enragés et armés d'au moins une idée pour agir, je n'avais pas fait mon travail. Je n'enseigne plus au secondaire, alors j'écris ce billet dans l'espoir que quelqu'un d'autre va entamer cette discussion avec les jeunes.

Pour que je ne sombre pas totalement dans le cynisme que j'essaie de garder loin...

«Well the darkness has a hunger that's insatiable
and the lightness has a call that's hard to hear..
.» Indigo Girls, Closer to Fine

mardi 26 février 2008

Henry Giroux en entrevue

Que d'émotions au visionnement de cette entrevue avec le co-fondateur de la pédagogie critique, Henry Giroux et celui qui détient la Chaire de recherche du Canada en pédagogie critique, Joe Kincheloe.

C'est dire que nous venons tous à la pédagogie critique pour trouver des solutions aux problèmes de pouvoir et de justice sociale. Giroux raconte qu'il a lu La pédagogie des opprimés de Freire après avoir été réprimandé par son directeur alors qu'il enseignait au secondaire parce qu'il avait placé les pupitres de ses élèves en cercle. J'ai ri, car la même chose m'est arrivée, en 1999, alors que j'enseignais le français en cinquième secondaire. Des enseignants m'accusaient même d'avoir ruiné leur année scolaire. Comment est-ce que je croyais pouvoir les contrôler ? Les empêcher de parler entre eux, de regarder ce que leurs voisins écrivaient ? (C'est ça, l'idée !!) J'avais des citations de Sartre, de Beauvoir, de Luther King, de Camus sur les murs et on m'accusait d'enseigner la politique et non le français. Quand j'ai fait lire Speak White, on voulait savoir pourquoi je n'abordais pas la poésie avec les classiques (Beaudelaire, Hugo). Pire encore, nous avons étudié, les élèves et moi, ce poème dehors, à l'ombre d'un pin magnifique, assis par terre. Là encore, mes propres collègues étaient révoltés du tort que je venais de causer «ils vont tous nous demander d'aller dehors, maintenant !» déploraient-ils. Comme si l'école, c'était 4 murs.

Ouf... écouter et lire Giroux me réconforte, surtout que je rencontre encore de la résistance dans les cours que je négocie avec les étudiants en formation à l'enseignement. C'est un phare pour tous les «subversifs» qui osent dire aux élèves et aux étudiants que le pouvoir se partage, des connaissances se construisent, ce qu'ils ont à dire et ce qu'ils croient est important pour nous, un mode meilleur est à notre portée car nous avons le pouvoir et la praxis pour le changer.

Presse-toi à gauche

Ouf ! Ça chauffe sur la toile !

La réponse que j'avais formulée à Mathieu Bock-Côté et qui a été publiée sur le site de Presse-toi à gauche a fait l'objet d'une réplique ma foi troublante. Ce qui me rend perplexe, c'est ce réflexe qu'ont trop de ceux qui se prononcent sur la question d'attribuer au Renouveau pédagogique la genèse de tous les maux du système d'éducation québécois. À l'instar de la ministre Courchesne qui imputait les difficultés langagières récentes des cégepiens à la réforme et à sa très inexacte perception que cette réforme évacuait des connaissances (la réforme n'est rendue qu'en 3e secondaire- c'est dire qu'elle a le doigt dans l'oeil jusqu'à l'omoplate, la ministre), M. Casgrain rejette les possibilités du nouveau programme sous prétexte que l'État subventionne des écoles privées.

Pire encore, je me suis fait accusée d'être cognitiviste ;-)

Ma réplique à M. Casgrain

dimanche 24 février 2008

Le projet international Paulo et Nita Freire pour la pédagogie critique


Le projet sera lancé le 13 mars 2008, à l'Université McGill, Montréal


http://freire.education.mcgill.ca/

C'est un départ !

une alternative à la citoyenneté qui dérape



Ce modèle nous vient d'Éthier et Lefrançois (2007), un article incontournable qui sera bientôt un pivot de l'éducation à la citoyenneté.


Nul doute que vous aurez deviné que ni la citoyenneté libérale, ni la citoyenneté républicaine ne peuvent satisfaire à la pédagogie critique.

Il existe d'autres modèles, qui offrent plus de promesses de transformation sociale, politicoénonomique. Le modèle délibératif renvoie au modèle de la démocratie athénienne, où tous les citoyens sont formés pour participer aux délibérations de l’Ecclésia et aux institutions telle la Boulè et l’Héliée, instances législative et juridique du système athénien (Pagé, 2001). Il inclut la dimension juridique du modèle libéral, mais y ajoute en premier lieu la dimension politique, qui s’articule dans la connaissance et l’exercice des valeurs et des principes à la base de la démocratie participative, ainsi que des occasions et des moyens de participation sociale (Éthier et Lefrançois, 2007). Dans cette conception la dimension politique est analogue à la vision de Rousseau, c’est-à-dire que «…la participation politique est vue comme la possibilité qu’ont les citoyens appartenant à des groupes particuliers différents de défendre leurs convictions et leurs intérêts, mais en les subordonnant à la perspective de contribuer à la décision collective.» (Pagé, 2002 : 128-129) Pour Constant (1998), la citoyenneté ainsi conçue est comme un ensemble de rôles sociaux liés à la participation active à la vie de la cité, soit une action politique où le citoyen s’engage à délibérer et à agir dans les affaires politiques de la cité dans le but d’agir sur le pouvoir et sur sa structure.

Dans une perspective de société en mutations, seule la délibération citoyenne permet à la structure sociale de s’autocorriger via l’implication des divers groupes (exclus ou marginalisés) véritablement inclus dans les processus démocratiques (Habermas, 2000). Une éducation à la citoyenneté délibérative est donc porteuse de potentiel transformateur.

vendredi 22 février 2008

Pour que l'éducation à la citoyenneté ne dérape pas


je ne peux m'empêcher d'observer les primaires américaines avec l'oeil de la pédagogue. J'y vois les origines bien vivantes de l'éducation à la citoyenneté républicaine -- une plaie, vous me permettrez-- une dérive de la citoyenneté libérale imaginée par les philosophes des Lumières.

Examinons ...
La citoyenneté préconisée par Locke et actualisée dans le contexte sociohistorique de la Révolution américaine vise «…une égalité de coexistence, c’est-à-dire d’individus égaux en vertu de leur identité de nature ou d’essence, mais néanmoins différents.» (Galichet, 2002 : 108). Cette citoyenneté en est une de droits et libertés naturels et inaliénables (égalité, liberté, souveraineté du peuple). Selon cette conception dite libérale (Pagé, 2001; Weinstock, 1999) les droits et libertés individuels priment sur ceux de la collectivité. D’ailleurs, Pagé (2002) qualifie cette vision d’individualiste.

L’éducation à la citoyenneté en ce sens est une éducation aux droits, aux institutions et aux documents garants de ces droits dans une perspective historique qui en explique la genèse.
«…un gentleman, dis-je, doit dédaigner l'étude de la chicane autant que s'appliquer diligemment à l'étude de la loi, afin de rendre par là des services à son pays. À cet effet, je crois que pour un gentleman la bonne méthode d'étudier nos lois, quand il n'a pas à en faire une étude spéciale en vue de sa profession, c'est de prendre une idée de la constitution et du gouvernement de l'Angleterre dans les anciens livres de droit commun, et chez quelques écrivains modernes qui après eux ont dressé le tableau de ce gouvernement. Quand il s'en sera fait une idée exacte, qu'il lise alors l'histoire de son pays, en associant à l'étude de chaque roi celles des lois faites sous son règne. Par là il pénétrera dans l'esprit de nos lois ; il verra sur quels principes elles ont été établies, et en comprendra mieux l'autorité.» (Locke, 1693 : 187)



Ce modèle d’éducation à la citoyenneté est le modèle dominant aux Etats-Unis et en France et porte le nom d’éducation civique. À l’heure actuelle, il est difficile de dégager le portrait précis de l’éducation à la citoyenneté aux Etats-Unis, puisque chacun des 50 états est responsable de l’élaboration de son propre programme. Les préoccupations des programmes sont de l’ordre des défis posés aux droits et de la réponse requise du citoyen au sein même des institutions publiques pour assurer justice et égalité, ainsi que la souveraineté de la nation (ministère de l’Éducation nationale de France, 2000; Feldman, 2007). Selon le programme du primaire français :

«On naît citoyen, on devient citoyen éclairé. L’éducation civique ne peut tout embrasser […]. Elle concerne les règles élémentaires de la vie démocratique et se borne donc à quelques domaines essentiels : la conduite sociale responsable, les institutions politiques et administratives, la place de la France dans le monde. L’éducation civique apprend à l’enfant qu’il ne vit pas seul, qu’il procède d’une histoire, qu’il a des droits mais aussi des devoirs. Éminemment morale, l’éducation civique développe l’honnêteté, le courage, le refus des racismes, l’amour de la République. » (ministère de L’éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports, direction des écoles, 1994). ARRRRRRRKKKKKKK !!

Basée sur la dimension juridique, sur les droits et les pouvoirs du citoyen, cette éducation se fait par étude de cas, de situations sociales (notamment scolaires) pour favoriser l’appropriation des concepts de la citoyenneté juridique et politique. La genèse des institutions publiques y est également très importante (Audigier, 2002).

Dans un contexte pluriethnique, toutefois, l’éducation à la citoyenneté libérale peut devenir outil de régulation sociale et d’assimilation.

C'est pour ça que les élans de promotion d'une identité nationale me donnent des boutons !

L'école est mon Ecclésia...

... ses dialogues quotidiens, petits et grands, sont les délibérations sur un monde à construire

les élèves, les enseignants, les intervenants sont ses citoyens engagés à construire, maintenir et améliorer leur cité

l'école, communauté de ces citoyens et citoyennes, c'est ma patrie sans frontières.

Ce n'est pas un édifice, c'est des mondes intérieurs en dialogue qui cherchent à comprendre ensemble. C'est ce lieu de rencontre entre des consciences.

j'y crois

De mes étudiantes (et mon étudiant) partis en stage

C'est normal d'être triste de les voir partir ?

J'ai été des plus choyée tout au long de la session. J'ai, depuis l'an dernier, le privilège énorme de suivre un groupe d'une cinquantaine de jeunes femmes en formation à l'enseignement préscolaire et primaire, ainsi qu'un petit groupe d'irréductibles en enseignement du français au secondaire. Cette session encore, j'ai pu les accompagner dans trois cours. Et aujourd'hui, notre dernier cours, j'ai le coeur gros de les voir partir.

Détrompez-vous, elles ne sont ni faibles, ni vulnérables. Ce sont des institutions en devenir, des femmes d'une rare force de conviction et d'une passion pour le bien-être total des enfants. John Dewey aurait été fier, Freinet aussi. La simple idée qu'elles s'en vont bientôt dans les écoles, pédagogues critiques qu'elles sont devenues, me réconcilie avec le potentiel de l'enseignement.

SI je me fais du souci, c'est que je sais qu'elles devront se plier à toutes sortes de contraintes pour réussir leur stage, qu'elles étoufferont un peu ce qu'elles sont. Ça me peine, car elles subiront peut-être les contrecoups d'une profession dévalorisée et épuisée des jugements de sens commun à son égard, une profession de laquelle on exige des miracles et à laquelle on ne donne rien. je ne veux pas qu'elles se découragent de rayonner de toutes leur puissance créatrice et de leur humanité profonde. Je ne veux pas qu'elles se mettent à parler de Virginie et qu'elles deviennent cyniques autour de la table à dîner dans la salle des enseignants. Je veux qu'elles continuent à voir des petits princes, des roses et des renards à apprivoiser.

Mais je vais faire confiance, respirer un peu, les remercier de m'avoir appris autant cette session et de m'avoir inspirer à être autre chose que cynique !

lundi 18 février 2008

François Dubet sur la violence scolaire

Le grand sociologue de l'expérience se penche sur les raisons qui sont à l'origine du désengagement des élèves dans les écoles françaises. (Revue Sciences humaines http://www.scienceshumaines.com/-0arencontre-avec-francois-dubet-ecole--la-revolte-des---vaincus----0a_fr_13752.html)

«La violence contemporaine manifeste un autre registre de domination. Affirmer que les élèves sont libres et responsables de leurs actes, que l'école fait tout pour leur réussite, c'est rendre les individus coupables de leurs échecs puisque, justement, ils sont libres et égaux. Cet impératif du mérite menace à proprement parler le sujet, sa personnalité. Beaucoup de travaux montrent que ce que les élèves vivent le plus mal aujourd'hui, c'est la peur du mépris, de la relégation et finalement la perte d'estime de soi. Devant cette expérience de découverte de son inégalité, il existe trois types de réaction :

- La première consiste à dire : « Je ne joue plus » ; l'élève se retire. Cette réaction, plus fréquente que l'on ne croit, est sous-estimée car elle ne fait pas scandale puisque ces élèves-là ne font pas de bruit ; ils se protègent en considérant que la vraie vie est ailleurs...

- La deuxième consiste à jouer le jeu de manière routinière. C'est la situation « Canada Dry » : tout ressemble à l'école, mais ce n'est pas vraiment l'école. Cette stratégie conduit à faire son métier d'élève, à être présent pour assurer une sorte de survie sans vraiment s'engager... Or à l'école, si on ne s'engage pas dans l'apprentissage, on a peu de chances d'apprendre.

- La troisième réaction, souvent le fait d'enfants des « cités », surtout des garçons, consiste à sauver son honneur en rejetant un système qui vous met en échec et donc vous oblige à vous invalider. Il s'agit de renverser le stigmate : « Comme l'école m'oblige à me vivre comme étant nul, je déclare la guerre aux professeurs et au système... » Pour ces élèves, le moindre regard ambigu ou la moindre remarque blessante devient alors le prétexte à agresser l'enseignant pour ne pas perdre la face. Même si les autres élèves n'approuvent pas forcément cette attitude perturbatrice, cette révolte bénéficie de l'indulgence due à Robin des Bois : on salue son courage, sa capacité de résistance au-delà de la condamnation de sa déviance.

Si un grand nombre d'élèves se construisent comme des sujets grâce à l'école, d'autres se construisent contre l'école.»

samedi 16 février 2008

Sur le thème de l'aliénation

La pédagogie critique avec la musique de Green Day. Soyez avertis du langage parfois explicite.

Un coffre à trésor de situations-problèmes pour le secondaire.

1. Quelles caractéristiques de la société occidentale actuelle sont particulièrement aliénantes pour les adolescents ?

Chanson : Jesus of Suburbia
Domaine général de formation : santé et bien-être, médias
Domaine de formation : anglais langue seconde, éthique et culture religieuse

2. Comment l'école aliène-t-elle ceux qui ne se conforment pas à ses attentes ?

Chanson : Working class hero (une chanson de John Lennon, mais reprise pour un CD au profit d'Amnistie internationale par Green Day)

Domaine général de formation : santé et bien-être, vivre-ensemble et citoyenneté
Domaine de formation : anglais langue seconde, éthique et culture religieuse

Aliénation socioscolaire prise trois

Vous me permettrez, j'espère, d'ajouter que ce processus d'évaluation scolaire aliène tout autant les enseignants, dont le travail consiste à accompagner les élèves dans leur construction de sens. On les aliène du produit de leur travail à coup de statistiques, de palmarès des écoles, de discours sur la mauvaise qualité de leur français.

Quel sens peuvent-ils alors donner à leur travail ?

Aliénation socioscolaire prise deux

Et si l’évaluation scolaire provoquait également une sorte d’aliénation ?

Premier postulat : par l’évaluation, l’élève est aliéné du produit de son travail.

Si le produit du travail de l’élève doit être l’apprentissage et la construction subjective de sens, mais qu’en réalité, tel un salaire pour l’ouvrier, ce qui lui est remis pour ses efforts, c’est une côte, une note ou un bulletin qui sert au tri social, l’évaluation aliène les élèves du fruit de leur travail.

Selon la théorie marxiste de l’aliénation :

«The first aspect of alienated labour is the separation of the worker from the products of the worker's labour. Quote 5:
All these consequences follow from the fact that the worker is related to the product of his labour as to an alien object. For it is clear on this presupposition that the more the worker expends himself in work the more powerful becomes the world of objects which he creates in face of himself, the poorer he becomes in his inner life, and the less he belongs to himself. ... The worker puts his life into the object, and his life then belongs no longer to himself but to the object. The greater his activity, therefore, the less he possesses. What is embodied in the product of his labour is no longer his own. The greater this product is, therefore, the more he is diminished. The alienation of the worker in his product means not only that his labour becomes an object, assumes an external existence, but that it exists independently, outside himself, and alien to him, and that it stands opposed to him as an autonomous power. The life which he has given to the object sets itself against him as an alien and hostile force.» (Marx, Manuscripts, pp. 13-14)


Dans ce cas, l’objet par lequel l’élève est lié à son travail est étranger à lui-même, puisqu’il s’agit d’un valeur accordée à ce travail par une personne en position de pouvoir qui confère par le fait même à ce travail la possibilité d’aliéner l’élève de sa société (par le tri social).

Comme le dit Marx, l’école devient un lieu de travail sans plaisir, parce que ce travail ne sert pas à construire une satisfaction personnelle ou un sentiment de plaisir, mais à faire plaisir aux autres. Les parents, les cégeps, la structure scolaire qui sous-tirent de l’élève des notes pour avoir accès à des conditions de vie décentes sont comme ces marchands capitalistes qui sous-tirent aux travailleurs l’argent requis pour manger, se loger, etc.

b. From the Process of Production or from Work Itself. Quote 6:
«... he does not fulfil himself in his work but denies himself, has a feeling of misery rather than well-being, does not develop freely his mental and physical energies but is physically exhausted and mentally debased. The worker, therefore, feels himself at home only during his leisure time, whereas at work he feels homeless. His work is not voluntary but imposed, forced labour. It is not the satisfaction of a need, but only a means for satisfying other needs. »(Manuscripts, p. 15)

Aliénation socioscolaire prise un

L’aliénation des jeunes est depuis longtemps un sujet de débat, d’inquiétudes et de recherche dans les sociétés occidentales (Frymer, 2006). Toutefois, depuis les mouvements contestataires généralisés des années 1960, l’étude de la jeunesse aliénée s’est fragmentée : l’aliénation urbaine, rurale, culturelle, différenciée selon les sexes, etc. Dans la foulée du postmodernisme et de son souci de donner voix à tous, la polyphonie a laissé place à la cacophonie et à l’éclatement des efforts d’émancipation. (McLaren, 2006). Encore faut-il chercher bien longtemps dans les bases de données pour trouver des recherches récentes se penchant sur le thème d’aliénation des jeunes. À l’instar de l’analyse structuraliste, la conception de la jeunesse comme condition d’oppression tend à disparaître.

Pourtant, au Québec, les indicateurs de la distance entre les jeunes et les institutions publiques révèlent bien l’état de la situation. Par exemple, selon Élections Canada (2005), parmi les jeunes âgés de 18 à 21 ans et demi qui étaient admissibles au vote à une élection fédérale pour la première fois en 2004, le taux de participation estimé s'établissait à 39 %. Pourtant, le droit de vote est l’expression ultime de citoyenneté. Par ailleurs, en 2004-2005, près de 30% des élèves quittaient l’école secondaire sans diplôme . La participation sociale des jeunes – leur implication dans les projets de divers domaines sociaux – est également faible « Dans l’ensemble, peu de jeunes participent à des activités citoyennes, par le biais de la création d’un projet ou d’une implication associative. En effet, au-delà des deux tiers des jeunes ne participent pas ou ne manifestent qu’une faible participation » (Deschenaux et Laflamme, 2004 : 44). En fait, selon ces chercheurs, seuls environ 8 % des hommes de 20 à 34 ans et 4 % des femmes du même groupe d’âge sont impliqués dans des organismes communautaires. Si l’aliénation sociale est le processus par lequel l’individu est rendu comme étranger à sa société, ces indicateurs sont gages de celle que vivent actuellement les jeunes. Pour certains chercheurs, d’autres indicateurs confirment l’aliénation au point de vue individuel, par laquelle l’individu est rendu étranger à lui-même et à son potentiel humain : le taux de suicide, de consommation de psychotropes, de violence, de détresse psychologique, etc. présentent une scission existentielle entre les jeunes occidentaux et leur potentiel humain (Frymer, 2006). Sans aucun pouvoir politique ou social, au sein de l’école et de la société, les élèves du système scolaire sont opprimés et objectifiés.

Mandatée par la société de veiller à la socialisation et au bien-être de ces jeunes, d’outiller leur citoyenneté et de la rendre concrète, l’école a-t-elle failli à sa tâche ? Si c’est le cas, pourquoi et comment combler l’écart entre ce qui est et ce qui devrait être ?

Les aliénés du système d’éducation ne sont pas qu’élèves, ils sont également enseignants. Une proportion importante des enseignants du système scolaire québécois rejettent toujours les orientations du Renouveau pédagogique. Dans certaines commissions scolaires, 86 % des enseignants exigent l’arrêt de cette réforme (Brouillette, 2006). S’ajoutent à cette tension évidente le taux de décrochage des enseignants (environ 15 à 20 % des enseignants cumulant 5 années ou moins d’expérience) (Allard, 2006), la proportion élevée d’enseignants qui ne sont pas bien dans leur travail (dans une commission scolaire, 41 % d’enseignants avaient un bien-être subjectif inférieur à la moyenne générale) (Perron et al., 2003).

En somme, une proportion élevée d’enseignants n’adhèrent pas au programme de formation de l’institution au sein de laquelle ils évoluent, plusieurs s’y sentent mal ou s’y épuisent, certains abandonnent tout simplement la profession. Si l’on trace un parallèle entre les indicateurs de l’aliénation sociale des jeunes et cette situation chez les enseignants, ne serait-il pas possible de conclure qu’il existe un certain degré d’aliénation professionnelle chez les enseignants, dans la mesure où le professionnel est rendu étranger à sa profession et à son milieu de travail ?

Nul ne niera que les élèves et les enseignants sont les acteurs principaux de l’école, ceux qui y agissent, ceux qui l’occupent, ceux qui y négocient les relations. Toutefois, si l’un et l’autre n’y sont pas investis car ils en sont aliénés, l’école ne peut remplir son mandat.

Ce que les Finlandais ont compris

Moi qui s'oppose de façon virulente aux tests de toutes sortes, voilà que les fameux tests PISA auront au moins ceci de fortuit, ils auront conduit nombre de délégation de divers pays occidentaux à aller explorer ce qui fait que les élèves finlandais sont champions.  Peu de surprises, en fait, les écoles finlandaises ont compris la valeur de chaque être humain et le gouvernement a choisi de miser sur le pouvoir de sa collectivité en investissant en éducation.

Déclaration de Jukka Sarjala, un des co-fondateurs de l'actuel système d'éducation finlandais :  
«Nous avons une école pour tous les enfants, car nous avons besoin de chacun dans notre société.  Nous ne pouvons nous permettre d'écarter ne serait-ce qu'un seul de nos élèves.  Chez nous, aucun enseignant, aucune école n'a le droit de se débarrasser d'un enfant ou d'un adolescent au motif de sa non-conformité pour telle ou telle forme d'enseignement scolaire.  Cette position de principe conforte à la fois les élèves, les parents et les enseignants dans leur conviction de participer à l'égalité de droits au processus éducatif, et d'en assumer leur part de responsabilités.»

taux de réussite dans ce pays : 99,7 %



mardi 12 février 2008

Des ressources pédagogiques critiques

Dans le Guide d'enseignement de la deuxième année du premier cycle secondaire (2e secondaire) de la collection Regards sur les sociétés, dirigée par Alain Dalongeville et élaboré par ... moi. (Disponible chez les Éditions CEC)

Une pléthore d'activités
- Quelle est le rôle de l'État et de l'école face aux besoins fondamentaux de tous les citoyens ? (avec la pyramide de Maslow, des textes sur l'humanisme)
- Comment analyser le discours des textes religieux (la Bible, par exemple)
- Notre société est-elle humaniste ? (un débat en U)
- Comment la société perçoit-elle les adolescents ? Pourquoi ? (étude des représentations des adolescents dans les médias)
- Comment vivre avec le salaire d'une employée de maquilladoras ?
- Qu'est-ce que le néoimpérialisme ? Le néocolnialisme ? (À quel prix mes souliers ? Exploration des pratique des multinationales et des vedettes qui les appuient)
- Que sacrifient les pays qui attirent les multinationales (une enchère !)
- Quelle a été l'importance du choc microbien pour les autochtones d'Amérique ?
- Comment construire un gouvernement de classe qui soit équitable, démocratique et délibératif ?
- Quelles images les médias donnent-ils des classe sociales (avec des exemples de pub d'automobiles) ?
- Comment la société peut-elle assurer l'équité salariale ?
- Comment les jeunes travailleurs peuvent-ils défendre leurs droits ? (création d'une chartes des droits des travailleurs-élèves)
- Qu'est-ce qu'un entreprise complice et comment lutter contre ce genre d'entreprise ? (procès des compagnies pétrolières au Nigéria avec les documents d'Amnistie internationale)


... et une tonne d'autres

Situation d'apprentissage : COmment se manifeste les écarts sociaux dans ma ville ?

Pour résoudre cette situation problème : Google earth, qui permet d'identifier des manifestations tangibles de la paupérisation des quartiers et d'entamer une réflexion critique quant aux motivations des élus municipaux pour approuver certains projets d'aménagement urbain.



PAr exemple : le secteur Hull. Si l'on examine la concentration de dépanneurs dans le secteur de l'île de Hull, on constate qu'elle est énorme comparée au secteur plus favorisé du Plateau. On peut également se pencher sur la question de l'épicerie. Pourquoi pas d'épicerie dans le secteur défavorisé ? Qu'en est-il des magasins de la Société des alcool ? Dans les secteurs favorisés, des SAQ Sélection. Dans l'île de Hull, un dépôt, où l'on peut remplir ses bouteilles vides à moindre coût. Dans le Plateau, une multitude de services et d'espaces verts aménagés. Dans l'île de Hull, pas d'épicerie (mais un MCDo, une tonne de dépanneurs, un SAQ dépôt) Plus de caisse populaire dans l'île de Hull... TOUTES ces informations sont disponibles et visibles dans Google Earth.



Les élèves du secondaire s'amuseraient également avec le calcul de l'indice de défavorisation des écoles du Québec http://www.mels.gouv.qc.ca/stat/Indice_defav/index_ind_def.htm où ils pourront comparer les écoles de leur municipalités et le statut qui leur est accordé au ministère. Comme cours de maths, ça risque d'être intéressant. Jumelé à une exploration critique des conditions de vie des enfants de ces écoles, c'est porteur de conscience citoyenne.

lundi 11 février 2008

Les post-modernes ont-ils tort ?

Je me position intuitivement dans le camps des méta-narration et du but commun, j'ai a priori peine à accepter la finalité du discours post-moderne qui voue à l'éclatement, me semble-t-il, la possibilité d'unir nos forces.

Les post-modernes semblent être tombés dans le jeu du discours hégémonique, ne permettant pour ainsi dire aucune remise en question cohérente et cohésive, ne permettant même pas le regroupement des résistances. Or, quoi de mieux pour la classe dominante qu’une résistance fragmentée, réduite à supposer que les expériences individuelles ne peuvent servir de base à la lutte, puisqu’elles ne peuvent pas faire partie d’un tout : « It is clearly premature to speak about the death of grand narratives in relation to the significance of capitalism and patriarchy, for example, when both sources of power so obviously continue to be reproduced and reconstituted. » (Thompson, Jane (1997). Words in edgeways : Radical learning for social change. London : Niace. p. 121) Ceci devient clairement une question d’importance politique, puisque le passage d’explication de la subordination de la femme (et des classes populaires et des minorités et de tous les Autres) selon une perspective post-structurelle, économique, et politique à une perspective ancrée, subjective, culturelle et linguistique divise le mouvement féministe et peut le paralyser, selon Thompson.

« The somewhat philosophical and linguistic preoccupation of post-modernism has helped to divert some varieties of academic feminism away from being a subversive social movement… and engaged in direct action; in favor of a cerebral, inward looking, élite activity, that denies the possibility of widespread transformation brought about by committed social and political action for change. » (121-122)

Or, l’analyse sociale requiert les deux perspectives pour déclencher les transformations sociales.

Réflexion à peaufiner

Obsession des notes et stress scolaire chez mes étudiantes

Me voilà confrontée aux mêmes problèmes qu'à ma première année d'enseignement, au cours de laquelle une proportion effarante de mes élèves de sexe féminin étaient suivies par des médecins (et prenaient des médicaments) pour le stress. Le problème, c'est que mes étudiantes sont des femmes adultes et que je constate que loin de progresser sur la question des notes et de l'évaluation, nous reculons.

Je m'y étais penchée en 2003...

Pour commencer, constatons que les valeurs de la société sont établies par ceux qui ont le pouvoir; les hommes blancs de milieu socioéconomiquement aisé (Thompson, 1997; Paechter, 1998; Barnett, Biener et Baruch, 1990). Comme il n’est pas remis en question (ou que très peu), ce pouvoir hégémonique persiste, malgré tous les efforts pour le démocratiser. En outre, il contribue à dessiner un rôle contraignant pour la femme, qui est reléguée à la sphère privée, qui doit plaire plutôt qu’être. Les participantes à cette étude ont témoigné de l’importance de l’apparence et du stress provoqué par l’impossibilité d’être soi-même et socialement acceptée. La sphère sociale de l’école peut même atténuer le sentiment de compétence acquis au terme d’efforts considérables pour réussir à l’école. Pourquoi tant d’importance est-elle accordée au besoin de plaire socialement ? Il nous semble évident que l’on prépare ainsi la fille pour son rôle de femme, laquelle doit privilégier les relations interpersonnelles puisqu’elle appartient à la sphère privée.

Même à l’école, la matrice du pouvoir masculin est inhérente (dans notre langage, dans notre tri sélectif des contenus d’apprentissage, dans la nature patriarcale des institutions, dans le refus de reconnaître toute forme de savoir autre que le rationalisme, dans la perception de l’Autre comme étant une déviation de la norme) et de par ce fait, reproduite par les opprimés à leur insu. Comme le dit si bien Paechter (1998) :
« … for example, girls who believe in the discourse of female deficit in mathematics are likely to give up trying to succeed in that subject… Hegemony works to perpetuate the status quo by affecting the structures within which people think, so that they find it difficult or impossible to conceive of things any other way. » (Paechter, 1998 : 3)

Le discours hégémonique actuel est occidental et patriarcal, il refuse ainsi à la femme toute possibilité de se voir autrement que comme une déviation à la norme (qui est mâle et de race blanche), particulièrement lorsqu’elle réussit mieux que les élèves du sexe masculin, qui la verront ensuite comme menaçante. Les autres filles auront également intériorisé ce discours et agiront avec les garçons pour ostraciser les filles qui ne se conforment pas au modèle féminin accepté. Les filles qui réussissent brillamment leurs études sont souvent isolées du milieu social de l’école, à moins qu’elles assujettissent leur intelligence à autre chose, comme l’apparence physique. Être intelligente signifie déplaire aux autres, qui renvoient alors à l’adolescente une image négative d’elle-même, d’où le stress. À l’école, on ne peut être à la fois une fille acceptée et une fille qui a les meilleures notes.

Pourtant, force est de constater que les notes sont au coeur du stress psychologique que ressent l’adolescente à l’école. Il semble même que les notes soient la finalité de son éducation. Elle n’étudie pas pour comprendre quelque chose, pour être compétente en calcul ou pour maîtriser l’orthographe d’usage, par exemple. Il semble plutôt qu’elle étudie pour obtenir une note. Cette note lui confère, en tant que personne, une position, d’abord dans la classe, puis à l’école, puis sur la liste d’admission au cégep, et ainsi de suite. L’adolescente a intériorisé l’idée que les bonnes notes sont garantes d’une position sociale valorisée. Son identité personnelle en dépend.

De mes anciens élèves au secondaire

Voilà 2 ans que j'ai quitté l'enseignement secondaire et les élèves me manquent péniblement. Je revois fréquemment plusieurs de mes anciens élèves. Une élève me racontait dernièrement qu'elle trouvait très difficile son insertion au CÉGEP, mais qu'elle aimait bien se motiver en lisant une lettre que j'avais écrite à mon départ.

«Lettre d’amour à mes élèves


C’est nul, mais je dois m’en aller. J’aurai passé avec vous des moments inoubliables, vous aurez fait de moi une bien meilleure personne, une maman plus attentionnée et avertie, une enseignante plus militante. Plus que jamais convaincue, aussi, que l’on vous sous-estime mais que l’avenir promet puisque vous y êtes. Combien de fois me serais-je pliée au désespoir devant un bulletin d’actualités ? Combien de fois la seule idée de vous et de votre désir de contribuer m’aura-t-il relevée ? Je ne les compte plus, mais je sais que ma gratitude envers vous est sans limites.

Je profite de cette occasion pour vous rappeler que vous êtes, tous et chacun, ce qu’on appelle des agents multiplicateurs. La tâche est lourde, le défi, grand. Respirez profondément. Allez chercher au fond de vous tout ce qu’il y a de plus noble chez l’être humain. Regardez autour de vous et AGISSEZ. Pour votre bien et celui de tous. Et lorsqu’on vous demandera «Qu’est-ce qui presse ?» et qu’on vous dira «Ralentis, il n’y a pas de feu», répondez que oui, il y en a un. Il est là, dans votre plexus solaire, au carrefour de votre cœur et de votre âme. C’est un feu qui brûle ardemment, qui vous anime de compassion, d’empathie et de détermination. Nul ne peut l’éteindre. Vous en êtes le gardien et vous l’attisez devant l’injustice, les préjugés, la haine et la guerre. C’est le feu de vos rêves, de l’espoir l’emportant sur le cynisme. Vous êtes porteurs de ce feu que vous allumerez en d’autres, pour éclairer le sentier. Et un jour, vous triompherez. Pour vous et pour tous. VOUS ÊTES CAPABLES. Je le sais, je vous ai vus à l’œuvre. L’impossible, c’est ce qui n’a pas encore été réalisé.

You know where to find me.»

C'est vraiment fou qu'une minute pour leur dire qu'ils sont admirables peut les raccrocher à leur mission humaine et à l'école.

Des relations de pouvoirs qui freinent le développement de la citoyenneté transformative

La question de la reproduction des relations de pouvoir dans l’école et la salle de classe comme microcosme de notre société subordonnée au discours hégémonique (Gramsci, 1971) engage spécifiquement les enseignants dans leur conception de la citoyenneté et de l’éducation à la citoyenneté. Régulées par la structure hiérarchisante de l’école, les relations dans la salle de classe sont difficilement conciliables avec l’apprentissage de la démocratie et des relations égalitaires et solidaires (Giroux, 1981, McLaren, 1999; Allman, 1999). La remise en question, la négociation des espaces d’expression et de contestation, le débat et le partage du pouvoir (curriculaire, disciplinaire, temporel, etc.) n’ont pas de place dans un système qui reproduit fidèlement la logique capitaliste des relations de pouvoirs (Habermas, 1998; Lefrançois, 2004). Notons que dans son rôle d’agent de l’État, l’enseignant est contraint d’appliquer les prescriptions du ministère de l’Éducation, de sa commission scolaire, du conseil d’établissement, de la direction, etc. (Courtine-Sinave, 2004). Ces conditions réduisent considérablement la possibilité des enseignants d’agir en tant qu’interprètes et critiques de la structure sociale existante et ainsi de former à une citoyenneté sinon transformative, du moins éclairée.

Il s'agit de dégager une zone d’autonomie favorable à la construction démocratique, critique et personnelle du sens à donner à l’éducation à la citoyenneté, redéfinissant ainsi les relations de pouvoir dans la classe et le rôle de l’enseignant du haut vers le bas (logique bottom-up plutôt que top-down) comme acteur d’empowerment ou d’émancipation de ses élèves. Si la finalité d’une véritable éducation à la citoyenneté exige que «…les enfants eux-mêmes doivent apprendre pourquoi et comment transformer et corriger la réalité normative qui les entoure, si l’on veut édicter des normes toujours plus égalitaires. » (Éthier et Lefrançois, 2007), il faudra que les enseignants soient eux-mêmes habilités à ce type de praxis.

mes expériences à la formation des enseignants au baccalauréat m'encouragent à croire que la pédagogie critique a ce potentiel d'éveiller les enseignants à la praxis émancipatrice. Je vois chaque session une centaine d'étudiantes et d'étudiants s'approprier cet espace de contestation et de remise en question et les compétences intellectuelles et langagières nécessaires à la délibération réellement démocratique.

Le seul hic, c'est que plusieurs refusent carrément de s'approprier le pouvoir qui leur est offert.

à suivre

Évaluation et justice sociale

Une analyse de la très géniale Violaine Lemay (2000). Évaluation et justice sociale. Saint-Laurent : ERPI.

Lemay examine le débat entre les deux conceptions de l'évaluation.
«Le premier discours définit l’évaluation comme un processus décisionnel complexe, la situe clairement à l’intérieur d’une problématique d’une justice sociale et réclame sa profonde rénovation, sinon son abolition.

Le deuxième discours la définit au contraire comme une «mesure» intuitive, l’exclut du domaine de la justice pour l’inclure complètement dans celui de la pédagogie, et se porte, explicitement ou non, à sa défense.

Le premier discours est issu du paradigme critique et conçoit que la fonction de l’évaluation est le tri social, puisque «Quel que soit le système de notation utilisé, l’utilisateur décrète à l’avance le taux de réussite qu’il tolérera» (Mager, 1986)

«Il me serait vraiment impossible de donner un A à tout le monde» est un commentaire que l’on entend très souvent. Avec ce système, on dit aux élèves «Peu importe que vous réalisiez bien la performance, seulement un certain pourcentage d’entre vous pourront se considérer comme ayant totalement réussi» (Mager, 1986)

On dit donc de ce système qu’il est rationné.

Ce système provoque des dilemmes :
Lequel, de deux évalués, doit recevoir la plus grande part de cette ressource que sont les «bonnes notes» ?

Celui ou celle qui «travaille» le plus ?

Celui ou celle qui travaille moins en «réussissant» le plus ?

La règle du mérite s’oppose alors à celle de l’aptitude.

Celui ou celle qui a terriblement besoin de bonnes notes pour s’en sortir ?

Celui ou celle qui agit d’une façon conforme aux préférences morales de l’évaluant (politesse, obéissance, etc.) ?

La règle du besoin s’oppose à la règle de la conformité morale.


Lorsqu’il choisit une règle à l’exclusion d’un autre, l’évaluant effectue un choix de nature politique il établit qui doit recevoir quoi

En raison des privilèges que la société accorde aux résultats scolaires, l’évaluant ne distribue pas seulement des notes, il administre la politique de stratification sociale sur la base du dossier scolaire.

À cause de ses effets cumulatifs, selon Baillon (1991), le résultat social obtenu à l’âge de dix ans conditionne tout autant l’avenir social de l’évalué que le résultat obtenu à l’âge de 20 ans. »

Ajoutez à ce tri social le difficile accès à la culture de l'élite qui est consacrée dans le choix des connaissances considérées essentielles et c'est la condamnation de tous les enfants qui ne font partie a priori de cette élite.

dimanche 10 février 2008

Les relations de pouvoir à transformer

Bouchard, P. St-Amant, J.-C. et Tondreau, J. (1998). Effets de sexe et de classe sociale dans l’expérience scolaire de jeunes de quinze ans. Cahiers québécois de démographie, 27 (1), 95-120.

Un trio de chercheurs particulièrement critique.

Cette recherche qualitative est la suite logique d’une recherche quantitative confirmant la corrélation entre la réussite scolaire et l’adhésion aux stéréotypes sexuels, et entre cette dernière et la scolarité parentale. Elle vise à recueillir les données nécessaires à l’approfondissement de la compréhension du phénomène de faible réussite scolaire des garçons et des adolescents issus de milieux modestes.

Les résultats sont issus d’entrevues ouvertes en focus groupes, soit quatre groupes d’adolescents et quatre d’adolescentes, divisés selon leur origine socioéconomique.

Un constat de la situation actuelle à l’école : les stéréotypes et l’adhésion aux préjugés de sexe sont encore bien vivants

Fait remarquable, c’est surtout chez les adolescents en difficulté scolaire issus de milieux socioéconomiques modestes que le clivage prend de l’importance. En effet, l’adhésion aux stéréotypes sexistes est utilisée chez les garçons de cette classe sociale afin de « se positionner avantageusement dans l’univers scolaire. » (111) Entre autres, ils ont tendance à considérer les filles « …comme des objets sexuels et emploient nombre de stéréotypes sexistes quand ils font référence à elles.» (111) L’identité masculine construite par ces garçons est basée sur des modèles abstraits de domination, tirés des médias de masse, par exemple. De plus, « leur univers de représentation des rapports hommes-femmes est très sexualisé et ils ont des attitudes hétérosexistes très accentuées. Ces garçons demeurent collés au noyau dur de leur catégorie de sexe, celui du pouvoir et de la domination ». (112)

Mais qu’en est-il de l’impact sur le climat de l’école en général en ce qui concerne les rapports entre les sexes ? Les élèves masculins en difficulté scolaire sont souvent ceux qui imposent leur volonté et se taillent une identité selon un mode agressif de domination de l’autre. Puisqu’ils deviennent ainsi haut placés dans la hiérarchie sociale de l’école, on pourrait en déduire que leur attitude sexiste est l’attitude qui domine dans leur champ d’intervention (les corridors, le terrain de l’école, la cafétéria, les lieux de rencontre).

Pour leur part, les filles en difficulté scolaire subissent cette domination des garçons à l’école comme un prolongement de ce qu’elles subissent à l’extérieur de l’école.

« Que ce soit dans la relation pédagogique, dans les relations avec les garçons au sein de l’école ou dans leur environnement social, elles sont régulièrement confrontées à du sexisme et à des discriminations qui les mettent en position dévalorisante dans leur expérience scolaire et sociale. Elles subissent du harcèlement sexiste et sexuel à l’école et sont sous-estimées en tant que femmes dans leur milieu familial, tout en se sentant dévalorisés symboliquement et concrètement sur le plan social. »(112)

De plus, elles limitent leur vision de l’avenir. L’orientation dominante est axée sur la vie de couple. Or, elles voient l’utilité de l’école et des études supérieures, mais s’en sentent exclues. Leur difficulté scolaire conjuguée à leur milieu socioéconomique restreint la construction de projets structurés.

Enfin, les filles en difficulté scolaire sont :
« confrontées, dans la relation qu’elles entretiennent en classe avec le personnel enseignant, aux effets répétés des rapports sociaux de sexe. (…) ceux-ci sont omniprésents dans leur expérience scolaire et sociale. Ces manifestations (sexisme, harcèlement sexuel, violence physique) … tendent à limiter leur estime de soi et à engendrer chez elles une distance à l’univers scolaire. » (105)

Une définition de la pédagogie critique

La théorie critique qui émerge des travaux des philosophes de l’École de Frankfurt avant la Seconde Guerre mondiale alimente à la fois des réflexions sur les relations entres nous et le savoir et la construction de notre vision du monde. De façon plus globale, la science critique ou l’application de la théorie critique à la science considère les conditions de régulation sociale, de distribution inéquitable et de pouvoirs (Popkewitz, 1990). Dans le domaine de l’éducation, la tradition critique se donne comme but d’explorer le conflit et les tensions de l’école comme institution construite socialement dans des conditions culturelles, politiques et économiques soumises aux impératifs du discours hégémonique (Popkewitz, 1990). La théorie critique cherche à libérer les enseignants et les élèves des conventions du pouvoir dominant (technocratique, positiviste, capitaliste, hiérarchique) en favorisant l’émergence de la conscience critique de l’influence des forces historiques et sociales sur leur vision du monde, d’eux-mêmes et de leur rôle dans la société (Kincheloe, 2005). Elle déconstruit les discours de la classe dominante, ses idéologies, sa vision de la culture pour y opposer une vision plus inclusive, humaine, juste et solidaire des possibilités de constructions ontologiques (Kincheloe, 2005; Giroux, 1981).

L'inspiration de la pédagogie critique


Si nous nous targuons de dépasser les interprétations ingénues et formelles de la tâche humaine de l’éducation, il ne peut s’agir que du point de départ d’une réflexion critique ou dialectique. Si cet esprit critique nous fait défaut, soit parce que notre aliénation nous porte vers une pensée statique et non dynamique, soit parce que nous avons des intérêts idéologiques, nous sommes incapables de percevoir le rôle véritable de l’éducation ou, si nous le percevons, nous le travestissons. Nous avons tendance à méconnaître ou à travestir le rôle de l’éducation qui, parce qu’elle est une «praxis» sociale, sera toujours au service soit de la domestication des hommes, soit de leur libération. C’est ainsi que nous nous perdons presque toujours dans des considérations verbeuses sur ce qu’on appelle la «crise de l’éducation» ou sur la nécessité d’introduire des réformes dans les processus didactiques : face aux problèmes fondamentaux de structure qui se posent au cours du processus pédagogique, nous nous adonnons à ces jeux.

À d’autres moments, alarmés par le choix inévitable qu’il nous faut faire entre l’éducation considérée comme un moyen de domestication et l’éducation considérée comme un moyen de libération, nous nous mettons en quête d’une troisième voie – qui n’existe pas en soi. Nous déclarons que l’éducation est neutre, comme si elle n’était pas une obligation humaine, comme si les hommes n’étaient pas des êtres insérés dans l’histoire, comme si le caractère téléologique de la praxis pédagogique n’était pas le facteur qui rend sa neutralité impossible. De plus, tout ce que nous faisons en affirmant cette neutralité, c’est d’opter en faveur de la domestication que nous nous mettons simplement à déguiser.

Freire, P. (1972). L’éducation : domestication ou libération ? Positions, Contreverses, Perspectives, 2 (2).

Un début... en réponse à Mathieu Bock-Côté

Le débat sur la réforme m’apparaît comme un débat ontologique, où s’opposent deux conceptions du monde. Une conception positiviste, où la vérité absolue existe et est incontestable et une conception interprétative, où l’on reconnaît que les perceptions et les cadres de référence des êtres humains influencent l’interprétation des phénomènes et la construction de leurs savoirs. Soit les enseignants transmettent la vérité absolue, comme l’exige le retour à une école centrée sur LES connaissances que les élèves accepteront passivement, soit elle fournit aux élèves les compétences méthodologiques et intellectuelles pour se construire une interprétation fondée et critique des phénomènes qui les entourent. Or, ce choix est éminemment politique.

Une des premières connaissances que l’on m’a transmise, à l’école, c’est que Christophe avait découvert l’Amérique en 1492. C’était un fait, je l’ai assimilé et sans l’ombre d’un doute, j’y ai cru.

Ce que j’ai compris plus tard, toutefois, c’est que les connaissances sont des constructions humaines, issues de l’interprétation de celui ou celle qui les construit. La vérité absolue, c’est toujours la vérité de quelqu’un qui interprète, selon son cadre de référence, un phénomène qu’il perçoit. Cette construction est donc le produit d’un contexte social, historique, économique, culturel, etc. Si Christophe Colomb a longtemps été un héros de l’Occident, c’est qu’il en a propagé la culture. La vérité absolue de son héroïsme nous venait d’une interprétation eurocentrique, chrétienne, qui faisait l’éloge de la conquête des Amériques. Cette vision véhiculait l’idée que sans les grands explorateurs qui répandaient partout la civilisation occidentale, l’Amérique aurait été perdue. Elle entretient l’hégémonie des occidentaux et qui plus est, elle repose sur le sens commun – c’est-à-dire des interprétations non fondées, qui ne peuvent être justifiées par l’appel aux sources, qui se ferment aux autres interprétations et qui donnent l’impression d’un faux consensus. Ainsi, se centrer sur les connaissances engendre une vision du monde selon laquelle une seule interprétation est véridique et devient hégémonique, sans que ses origines ne puissent être remises en question. Cette vision est dangereuse partout, mais transmise à des enfants dont l’esprit critique est étouffé par la logique de devoir reproduire fidèlement les dites connaissances dans un examen, elle est particulièrement endoctrinante et annihile toute possibilité de mettre fin à la reproduction sociale.

Comme les connaissances sont issues de l’interprétation, l’approche par compétences et le socioconstructivisme proposés par la réforme de l’école québécoise ouvrent justement la porte au développement d’outils intellectuels et méthodologiques pour que les apprenants puissent construire une interprétation fondée, justifiable, ancrée dans l’observation, l’analyse et la critique des phénomènes naturels et humains. Procéder ainsi est reconnaître que la vision du monde se construit, qu’elle se construit en interactions sociales et de façon encore plus importante, c’est ouvrir la porte à la pluralité des voix, puisqu’aucune interprétation ne sera imposée en vérité absolue.

Par ailleurs, le discours selon lequel il existe « les » connaissances sous-entend que ces dernières font l’objet d’un consensus, qu’elles sont représentatives de la vision du monde de chacun. C’est fermer la porte à l’altérité, à la pluralité et particulièrement à la possibilité d’enrichir notre compréhension du monde des interprétations des autres, donc d’autocorriger les interprétations de sens commun, univoque, réductionnistes et limitatives. Dans un souci de démocratisation et d’autonomisation (empowerment) n’est-il pas contradictoire de chercher à faire reproduire des savoirs que l’on sait subjectifs et orientés plutôt que de chercher à développer les outils intellectuels de la démocratie délibérative, critique, et ouverte à sa correction ?

Une école axée sur les connaissances, de surcroît, implique le choix et le tri des connaissances. Ce processus est éminemment politique. Qui fait le tri ? Qui choisit ? Quelles connaissances sont plus importantes que d’autres ? Pire encore, quelle interprétation aura préséance ? Ces savoirs sont-ils le domaine d’un groupe social en particulier ? Comme dans une orientation par connaissances, ce tri est inévitable (on ne peut pas choisir toutes les connaissances), il faudra savoir qu’il comporte des relations de pouvoir. Comme le disait si bien Foucault, le savoir est un pouvoir. Trier les connaissances implique donc que les savoirs d’un groupe social seront privilégiés, seront ceux que l’on cherchera à transmettre, auxquels tous devront aspirer, que l’on fera mémoriser par les enfants afin qu’ils puissent les reproduire fidèlement. Quel discours peut être ainsi assimilé ? À l’heure actuelle, seul le discours hégémonique a ce pouvoir, ce qui nous lance dans un processus de reproduction social, de statu quo. Ceux qui ont le pouvoir – cette infime minorité - le conserve, ceux qui ne peuvent y accéder restent à l’écart. C’est l’immobilisme. Pire, c’est le retour aux Frères de l’instruction publique, c’est l’éducation bancaire, c’est nier plus de cent ans de recherches dans le domaine de la psychologie, de la cognition, de la sociologie, de la didactique, de la pédagogie.

Ainsi, malgré ses défauts - que je reconnais parce que mes compétences critiques ont été développées – le renouveau pédagogique offre une occasion sans précédent de développer les outils intellectuels des élèves en faveur d’une vision du monde et d’une société ouverte, pluraliste, critique et outillée pour corriger les écarts sociaux et remettre en question le discours hégémonique du néolibéralisme. S’engager dans la transmission de connaissances, c’est véhiculer une vérité absolue, ethnocentrique, positiviste, fermée à la remise en question. C’est justement arrêter d’être émerveillé par la créativité humaine, comme le suggère M. Bock-Côté, et s’y fermer. Pas d’innovations, les vérités existent déjà.