jeudi 19 février 2009

L'évaluation est une arme de destruction (psychologique) massive

Le gouvernement britannique procède actuellement à l'évaluation de son système scolaire et de ses curricula.

L'évaluation et l'obsession de la littéracie et de la numéracie mémorisée appauvrissent la vie des enfants, selon les conclusions des chercheurs chargés de cette révision.

Entre autres conclusions :
«Children's lives are being impoverished by the government's insistence that schools focus on literacy and numeracy at the expense of creative teaching, the biggest review of the primary school curriculum in 40 years finds today (...)
• Children are losing out on a broad, balanced and rich curriculum with art, music, drama, history and geography the biggest casualties.

• The curriculum, and crucially English and maths, have been "politicised".

• The focus on literacy and numeracy in the run-up to national tests has "squeezed out" other areas of learning.

• The Department for Children, Schools and Families and the Qualifications and Curriculum Authority, which sets the curriculum, have been excessively prescriptive, "micro-managing" schools.»

Assez proche de ce qui se passe chez nous, finalement.

dimanche 15 février 2009

En ce mois de l'histoire des Noirs

Je propose d'explorer le colonialisme et ses suites.
Les élèves pourront explorer l’impact encore actuel de l’impérialisme et de la colonisation européenne en étudiant la contreverse soulevée en France par un projet de revalorisation du colonialisme dans les cours d’histoire.

1. Lis l’extrait de loi suivant :

Loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés (n°s 2667, 2705).
« La Nation exprime sa reconnaissance aux femmes et aux hommes qui ont participé à l'œuvre accomplie par la France dans les anciens départements français d'Algérie, au Maroc, en Tunisie et en Indochine ainsi que dans les territoires placés antérieurement sous la souveraineté française. » (Article 1).
« les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord et accordent à l’histoire et aux sacrifices des combattants de l’armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont droit » (Article 4).



2. Lis le texte de la chanson de Saïen Supa Crew (2005). Souligne les références aux origines de l’auteur et au colonialisme.

Rouge sang

Qu’elle est la couleur de ma terre natale ?
Rouge sang coule sur ses trottoirs,
J’écris la douleur mais les mots ne font pas assez mal,
Rouge sang coule sur nos mémoires,
En attendant j’ai mal mal mal

Hanté par la haine, l’esprit de mon peuple cours toujours à la dérive,
J’ décris le phénomène, ignore son origine ou encore la méprise,
J’suis pas africain, mais qu’est ce que c’est que ces bêtises
Un antillais de souche n’hésite pas faut qu’tu piges
Même si ça te peine, accepte la vérité y’a trop longtemps qu’on t’en prive

Refrain

Je suis là sans linge, là à prier le père de l’ange, pour que plus jamais les corps s’allongent
Dans mon village, la famine est gourmande, du pain du fromage pour ma famille c’est simple pourtant ç’que j’vous demande,
Ici le sida pollue l’air, on meurt après avoir copuler j’écris la douleur mais seul la télé rend notre misère populaire
J’suis assoiffé, et le verre qu’on me tend est troué
On fait fuir plus qu’on rapproche, faut croire qu’on est pas assez doué

Mal mal mal en attendant

Petit homme blanc jadis pour qui te prenais-tu ?
Qui t’as dit que l’inconnu ne valait pas beaucoup plus qu’une laitue,
J’ai entendu des frères me décrire tes horreurs, à croire que le colon n’a pas supporté
Le décalage horaire
Des généraux dégénéraient accueillis en héros mais défiant les dieux qu’ils vénéraient volant l’or qu’ils généraient j’ai vu ces douloureux cortège ces reportages d’un peuple en guerre à l’histoire basée sur un dilemme de partage

Refrain

Mal, à l’âme le media reste calme à l’art mêlé toute l’Afrique est laminé
En attendant j’ai…
…Cessé de rêver, ce monde au sillon trop rouge et vert
Des rivières d’argent coule et recouvre ses dérives
La cause est ancienne mais l’effet actuel, l’essentiel n’est plus la tuerie d’hier mais les faits,
Ma terre natale éternelle dernière à table, souffre j’écrirais ces mots jusqu’à points de souffle

Mal mal mal

En attendant…
…j’ai la même langue les même habits mais que nénnies
Alors pour toi je cours et joue pour paraître fort et beau
Chaque jour je coule des larmes couleur de ton drapeau
Bleu sur ma peau, blanc sur mon dos, rouge sont mes yeux
D’hier à aujourd’hui rien de nouveau

Qu’elle est la couleur de ma terre natale ?
Rouge sang coule sur ses trottoirs,
J’écris la douleur mais les mots ne font pas assez mal,
Rouge sang coule sur nos mémoires
En attendant j’ai mal mal mal



3. Lis la réponse de certains enseignants d'histoire à la loi n° 2005-158

Nous n’appliquerons pas l’article 4 de la loi du 23 février stipulant que “ les programmes scolaires reconnaissent le rôle positif ” de la colonisation
Les députés de la majorité ont refusé le 29 novembre d’abroger l’article 4 de la loi du 23 février stipulant que “ les programmes scolaires reconnaissent le rôle positif ” de la colonisation. Ce qui avait été adopté par une assemblée quasi déserte, en catimini, vient d’être confirmé en toute connaissance de cause. La pétition des historiens contre la loi, publiée par Le Monde du 21 mars, a été à l’origine d’un mouvement de protestation représentatif de la majorité des enseignants et des chercheurs. La demande d’abrogation a été faite aussi par l’Association des professeurs d’histoire et géographie, par les syndicats d’enseignants, par les associations telles que la Ligue des droits de l’Homme et la Ligue de l’enseignement. La presse s’en est fait l’écho et a ouvert un débat depuis plusieurs mois. Le gouvernement, en particulier son ministre de l’Education nationale, qui affirme que les programmes demeurent inchangés, le Président de la République, qui parle de “ grosse connerie ”, mesurent la gravité de la situation ainsi créée, le gâchis qu’ils ont laissé devenir insoluble :
Une loi qui impose une histoire officielle et nie la liberté des enseignants, le respect des élèves.
Une loi amputant le passé des millions d’habitants de ce pays, nationaux ou étrangers, qui ne se reconnaissent pas dans cette déformation unilatérale de l’histoire.
Une loi qui ne peut être appliquée, mais dont on ne peut obtenir l’abrogation.
Une loi qui compromet le traité franco-algérien de paix et d’amitié en préparation, alors que des liens étroits et anciens associent les deux sociétés.
Cette loi permettra, à l’évidence, à des groupes de pression d’intervenir contre les manuels scolaires et les enseignants qu’ils jugeraient non conformes à l’article 4.
Cette loi, imposée par des groupes de pression nostalgiques du colonialisme et revanchards, nourris d’une culture d’extrême droite, est une loi de régression culturelle en ce début de XXI° siècle où toutes les sociétés doivent relever le défi de leur mondialisation, assumer leur pluralité, qui est une richesse .
Cette loi discrédite et ridiculise l’image de la société française à l’étranger, et le communautarisme chauvin qui l’inspire ne peut que favoriser des réactions de rejet. Présente dans le droit français, elle reste une menace pour l’avenir : si le gouvernement actuel promet d’en limiter la portée, qu’en sera-t-il de ses successeurs ?
Nous demandons aux institutions universitaires, aux IUFM, aux associations professionnelles, aux syndicats d’enseignants, aux parents d’élèves d’organiser un vaste mouvement de protestation.
A l’initiative d’historiens, enseignants et chercheurs, cette pétition est ouverte également à la signature de tous les citoyens et associations qui la soutiennent.

Mission de l'élève : Comment te sentirais-tu si tu étais originaire d’une des anciennes colonies françaises ? En te plaçant dans la peau d’une personne dont le pays a été colonisé par la France, écris une réplique à ce projet de loi.

vendredi 13 février 2009

De la crise économique

Quelle ironie que ce n'est qu'en temps de crise que le rôle de l'État apparaisse soudain comme une bonne idée !

Je suis tombée par hasard, en relisant certains textes, sur cette analyse de Sir Bernard Crick, l'influent auteur du Rapport Crick qui a servi de fondement aux programmes d'éducation à la citoyenneté en Grande-Bretagne :
«The ‘defeat’ of the USSR and the ‘victory’ of the West also appeared to imply the rejection and then the demise of ideology. However, political prudence and pragmatism did not take over, rather there emerged the rapid, almost wildfire spread of the belief that market forces will resolve all major problems on a global scale, or at any rate cannot be resisted. So it matters little whether regimes are autocratic or democratic so long as they are capitalist in the full-blooded sense of being part of a global economy. Economics itself becomes an ideology

Vous conviendrez avec moi qu'il s'agit d'un coup dur pour cette «idéologie» qui n'a d'idée que lorsqu'il s'agit de la promotion d'intérêts particuliers et financiers !

Il n'en reste pas moins que le consommateurs ne peut remplacer le citoyen «And capitalism is an international system whose imperatives can only be ignored at a heavy price – say North Korea and Cuba, or by the luck, while it lasts, of oil in the sands. But it does not then follow that price must then determine every human relationship, least of all the civic

Dans le cadre de la crise actuelle les interventions étatiques sont de nature à chercher à stimuler le consommateur plutôt que le citoyen. C'est ironique dans la mesure où le citoyen voit l'érosion de ses droits économiques et sociaux et des acquis syndicaux, par exemple, qui servent réellement et au-delà de tout pouvoir d'achat à maintenir sa qualité de vie. C'est pourquoi les réductions d'impôts sont antithétiques à la réponse requise par l'État qui se doit de mobiliser le citoyen dans l'examen critique du système qui fait défaut pour envisager, de façon délibérative, des alternatives. En fait, cette crise doit provoquer le retour du citoyen aux dépens du consommateur.

Crick offre cette mise en garde avec laquelle je ne peux qu'être en accord «If people see themselves purely as grateful consumers they will lose all real control of government. Governments will then rule by bread and circuses, even if not by force; and torrents of trivial alternatives will make arbitrary and often meaningless choice pass for effective freedom (what George Orwell in Nineteen Eighty-Four satirised as ‘prolefeed’)

Crick, B. (2007) Citizenship : the political and the democratic. British Journal of Educational Studies, 55 (3), 235-248.
* Je ne partage pas la même vision du monde ou de l'école que Crick, mais cette analyse d'un grand philosophe politique est très pertinente.

lundi 9 février 2009

Du décrochage et des classes sociales

Le Devoir fait état ce matin d'une augmentation du décrochage scolaire au Québec, particulièrement dans les milieux défavorisés. De 26 % sous le Parti québécois, il serait passé à 29 % chez les Libéraux.

J'aurais aimé que l'on tisse un parallèle entre cette augmentation et
- l'augmentation de l'écart entre riches et pauvres et l'essor du néolibéralisme
- la stagnation dans les approches de «gestion de classe»
- la trop grande marche à grimper pour les élèves qui n'arrivent pas à l'école avec les fondements de cette culture bourgeoise consacrée dans les contenus à maîtriser
- l'évaluation excessive et obsessive qui ne donne aux élèves aucun temps pour apprendre avant d'être jugés et catégorisés, puis convaincus de leur propre «valeur» ou de l'absence de celle-ci
- le trop faible pouvoir des milieux locaux et des enseignants de ces milieux pour aménager l'école à l'image de ceux à qui elle doit appartenir : les élèves et la communauté.

Je souligne par la bande le succès d'approches novatrices ailleurs dans le monde pour promouvoir la persévérance scolaire: la Finlande qui n'évalue ni ne catégorise et qui remet un pouvoir considérable à l'école et à la communauté (sans compter la différenciation pédagogique, etc.). La ville de Porto Allegre, où les écoles et leur curriculum sont gérés de façon participative par toute la communauté et où non seulement le décrochage a diminué, mais où les jeunes éduqués reviennent pour s'impliquer. Le mouvement des paysans sans terre du Brésil (MST) qui a émancipé les populations les plus vulnérables en construisant physiquement et philosophiquement de nouvelles écoles dont Dewey, Freinet et Freire seraient fiers, avec un curriculum à l'image de ceux qu'il sert.

Enfin, je me permets de souligner le travail de Joe Kincheloe, de Peter McLaren et de Dave Hill auprès des populations urbaines défavorisées en Occident.

Il y a des solutions. Elles ne sont ni de l'ordre d'accorder plus de place aux connaissances, ni de l'ordre d'instaurer plus de discipline dans les écoles, ni même de modifier les comportements des élèves. Elles sont de l'ordre humain, de la conscientisation, de l'action culturelle pour la libération, de la reconnaissance de chaque élève comme sujet de son histoire.

mercredi 4 février 2009

Paradoxe scolaire

Entendue cette semaine, une conversation entre un élève de première année et un élève de troisième secondaire (Morgane, attache ta tuque, tu vas sauter.)

élève du secondaire : - Avez-vous encore des vendredi-récompense à l'école ?
élève de première année : - Oui, sauf si ton nom est au tableau, tu n'as pas le droit
élève du secondaire : - qu'est-ce que tu fais si tu n'as pas le droit aux activités récompense ?
élève de première année : - tu lis.
élève du secondaire : - ah ! c'est l'fun lire
élève de première année : - ben non, t'sé. si c'est une punition, c'est parce que c'est pas l'fun

comportement jugé inacceptable = punition = lecture

Je croyais qu'on essayait très fort d'inciter les élèves à lire ?