Jennifer Gore, connue en outre pour son travail sur la pédagogie féministe, présente l’ébauche d’une théorie des relations de pouvoir dans la salle de classe. Bien qu’elle s’appuie sur les théories de pédagogies radicale et critique, elle les fustige également pour leur manque d’action. Comme elle le dit si bien, la pédagogie, c’est une question d’action, de praxis. Alors ouste la théorie abstraite et bonjour la théorie ancrée dans les observations sur le terrain – dans les salles de classe, les écoles, les salles de profs.
Pour ce faire, Gore se sert de l’analyse critique du discours et de l’analyse foucaldienne du pouvoir, des théories des relations de pouvoir dans les contextes pédagogiques de Bernstein (1990) et de ses propres travaux en pédagogie radicale.
Une recherche empirique multisites lui permet de formuler les propositions suivantes :
Les relations de pouvoir mises en œuvre dans l’action pédagogique ont trois effets :
1. Elles construisent des relations entre les acteurs, soit entre les enseignants, entre les enseignants et les élèves, ainsi qu’entre les autres stakeholders comme les gestionnaires, les parents, le personnel de soutien, etc. ;
2. Elles construisent le soi (habitus ou subjectivité), c’est-à-dire que les élèves et les enseignants sont façonnés par leur implication, leur engagement dans la pédagogie (je vois du potentiel, ici) ;
3. Elles construisent les savoirs (le discours), c’est-à-dire ce que les élèves et enseignants arrivent à savoir, soit par le biais du curriculum explicite ou du curriculum caché, constitue et est constitué par les relations de pouvoir (espoir... ?).
Ce qui me pousse à croire (et ici, vous me lancerez des roches si vous n’êtes pas d’accord, je pense tout haut…) que ce que l’on sait est autant le produit des relations observées, vécues et appropriées sous toutes leurs formes que du discours officiel… donc, tant que la posture des acteurs de la pédagogie est non démocratique ou ne reflète pas les valeurs sous-jacentes à l’égalité intersubjective requise pour développer les compétences citoyennes, l’éducation à la citoyenneté se trouve diluée par le curriculum caché et les relations de pouvoir dans la classe. C’est un paradoxe… j’enseigne les compétences citoyennes, mais le message qui est véhiculé en est un de surveillance (discipline, gestion de classe), de normalisation, exclusion, classification (évaluation) et de hiérarchie (le savoir-pouvoir légitime est celui de l’enseignant, du programme).
Si les relations, l’habitus et le savoir-pouvoir sont les composantes de la pédagogie… Est-ce possible d’éduquer à la citoyenneté dans un tel contexte ?
Gore va plus loin, proposant que...
- La pédagogie est la réalisation des relations de pouvoirs, mais…
- Le pouvoir est inévitable – on ne doit pas le fuir, mais l’accueillir
- Les relations de pouvoir de la pédagogie sont normalisantes, il y a donc des limites à ce que peut réaliser la pédagogie radicale
[parce que]
La pédagogie est réalisée via un ensemble limité de techniques spécifiques de pouvoir. Donc, pour surmonter les relations de pouvoir répressives de l’interaction pédagogique, il va falloir plus que l’adoption de pratiques différentes en classe (ah ! il faut un changement de paradigme ontologique, politique, sociologique, rien de moins !).
La question, pour Gore, n’est pas si l’on utilise ou non certaines techniques de pouvoir, mais plutôt comment on les utilise et quels en sont les effets.
Elle propose aussi, selon l'optique foucaldienne, toujours, que :
- Les corps sont les objets/instruments des relations de pouvoir pédagogiques
- Les relations de pouvoir en pédagogie sont observables (ont des manifestations physiques), ce qui appelle les chercheurs au travail empirique autant qu’au travail spéculatif dans le développement de théories éducatives.
- La façon dont opère le pouvoir sur les corps a des implications directes sur la construction des subjectivités des élèves et des enseignants (ça s’observe dans toutes les classes du Québec ! Les corps dociles et passifs des élèves à leur pupitre, le corps actif, autoritaire de sa position debout de l’enseignant…)
- La sanction institutionnelle de l’exercice du pouvoir donne un caractère corporel à l’exercice du pouvoir dans les institutions formelles d’éducation (là, on peut penser au Monsieur le directeur qui circule dans les couloirs comme manifestation corporelle du pouvoir…)
D’ailleurs, Foucault dit que le pouvoir s’opère par le corps, puisqu’il s’opère par l’action.
Alors, malgré toutes les meilleures intentions, notre corps d’enseignants et leurs corps d’élèves, culturellement assignés à un niveau dans la structure de pouvoir, sont si inscrits (tatoués ?) du curriculum caché (normalisation, soumission, autorité, etc.) qu’il faut d’abord déconstruire ces inscriptions (est-ce possible ?)
Gore conclut que les enseignants devraient …
Accueillir le pouvoir et s’en servir consciemment, c’est-à-dire conscients des effets du pouvoir en termes de relations, d’habitus et de savoirs produits par la pédagogie.
Je n’ai pas fini de tout digérer, même si ça fait trois semaines que j’y pense. Tout de suite, je vois plus de limites que de possibilités et une tâche énorme quant à la recherche empirique en ce qui concerne les manifestations de pouvoir dans les salles de classe, qu'il faut documenter... pour faire des relations de pouvoir, des techniques de pouvoir et des composantes de la pédagogie des instruments de conscientisation et d'émancipation plutôt que de régulation sociale et de normalisation/sélection/exclusion.
mardi 19 août 2008
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1 commentaire:
j'ai beaucoup de difficulté à comprendre votre texte et à l'intégré dans la vie de tous les jours en tant qu'étudiante à l'université. Cependant, je sais que les relations de pouvoir son plus dommageable à la santé et à la confiance. La plupart des gens qui ont du pouvoir utilise la critique de façon abusive chez les personnes qui semblent plus fragiles et contribuent à leur destruction. Tandis que les autres, qui sont capables de bien se défendre deviennent les héros même dans compétence.
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