C'est avec beaucoup de tristesse que j'ai appris aujourd'hui la mort d'Aimé Césaire. C'est un homme pour qui j'ai une admiration sans bornes et dont les paroles m'inspirent à plus d'humilité et d'humanité.
S'il est surtout connu pour ses oeuvres poétiques, je le connais surtout par ses écrits politiques et son ardente défense des droits et libertés civiles des peuples colonisés.
«[…] la colonisation, je le répète, déshumanise l’Homme même le plus civilisé; que l’action coloniale, l’entreprise coloniale, la conquête coloniale, fondée sur le mépris de l’Homme indigène et justifiée par ce mépris, tend inévitablement à modifier celui qui l’entreprend; que le colonisateur, qui, pour se donner bonne conscience, s’habitue à voir dans l’autre la bête, s’entraîne à le traiter en bête, tend objectivement à se transformer lui-même en bête. C’est cette action, ce choc en retour de la colonisation qu’il importait de signaler.» Aimé Césaire, «Discours sur le colonialisme», Présence africaine, Paris, 1955.
Césaire a su faire de sa vie une cadeau à l'humanité toute entière « Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche, ma voix, la liberté de celles qui s’affaissent au cachot du désespoir. »
Et savoir qu'il existe comme un phare dans l'obscurité d'une société toujours aussi déshumanisante, ça me donne l'envie de pleurer.
jeudi 17 avril 2008
samedi 5 avril 2008
Échec de la mesure de la qualité du français
Après toute la polémique sur la qualité du français des futurs enseignants, le stress plus qu'intense qu'ont vécu les étudiants soumis à l'examen de français, voilà que le quotidien Le Soleil annonce que le ministère jette l'examen aux poubelles. Pas parce qu'il reconnaît que les questions qui y sont posées sont des questions de connaissances déclaratives, que l'on mémorise et régurgite sur une feuille pour les oublier ensuite. Pas parce que les compétences langagières étaient nullement évaluées par l'examen, mais parce que le taux d'échec est trop élevé. Donc, cet examen en particulier n'est pas valide. Est-ce que quelqu'un va enfin proposer que la démarche n'est pas valide non plus ? Il le faudrait bien. j'ai des étudiantes qui ont été physiquement malades de stress face à cette épreuve.
En réalité, il est possible de trouver des discours dans les journaux du début du XXe siècle faisant état de la piètre qualité du français des enseignants. On s'en plaint depuis toujours, sauf que c'est le même discours qui revient : dans mon temps, les enseignants parlaient mieux, enseignaient mieux.... est-ce que la qualité des enseignants s'est à ce point détériorée ? Je suis convaincue que non et qu'il s'agit plutôt d'une vague de nostalgie et d'arrogance dont les enseignants subissent les contrecoups. Ceux qui ont réussi (dont plusieurs journalistes) considèrent que comme ils ont réussi, leur éducation était parfaite et ses modalités ne devraient non seulement pas être remises en question mais reproduites. J'ajouterais même que ces examens existent pour calmer la grogne de ce débat de sens commun dans les journaux et que peu de gens (à l'exception des didacticiens du français dont plusieurs s'opposent à l'examen) s'interrogent quant aux moyens qui permettent réellement de développement des compétences langagières.
N'aurait-il pas moyen de se concentrer sur les vrais problèmes de l'école et d'arrêter de s'acharner sur les enseignants et futurs enseignants ?
En réalité, il est possible de trouver des discours dans les journaux du début du XXe siècle faisant état de la piètre qualité du français des enseignants. On s'en plaint depuis toujours, sauf que c'est le même discours qui revient : dans mon temps, les enseignants parlaient mieux, enseignaient mieux.... est-ce que la qualité des enseignants s'est à ce point détériorée ? Je suis convaincue que non et qu'il s'agit plutôt d'une vague de nostalgie et d'arrogance dont les enseignants subissent les contrecoups. Ceux qui ont réussi (dont plusieurs journalistes) considèrent que comme ils ont réussi, leur éducation était parfaite et ses modalités ne devraient non seulement pas être remises en question mais reproduites. J'ajouterais même que ces examens existent pour calmer la grogne de ce débat de sens commun dans les journaux et que peu de gens (à l'exception des didacticiens du français dont plusieurs s'opposent à l'examen) s'interrogent quant aux moyens qui permettent réellement de développement des compétences langagières.
N'aurait-il pas moyen de se concentrer sur les vrais problèmes de l'école et d'arrêter de s'acharner sur les enseignants et futurs enseignants ?
vendredi 4 avril 2008
La pyramide sociale
La pyramide de François Guité m'a fait penser à une expérience que j'ai réalisée avec des élèves de troisième secondaire, suite à des conflits de cliques centrés sur l'habillement. J'ai dessiné une pyramide au tableau, puis je l'ai divisée en 6. J'ai ensuite demandé aux élèves de reconstituer la hiérarchie sociale des élèves de l'école. Nous l'avons fait en plénière et les élèves ont accordé beaucoup de sérieux à l'exercice afin de rendre la réalité le plus fidèlement possible.
Au bas de la pyramide, c'était unanime, on trouvait les «CP», c'est-à-dire les élèves du cheminement particulier. Au-dessus d'eux, les «wannabees», ceux qui essaient trop fort et qui ratent la cible. Au-dessus d'eux, les fumeurs et les «rappers», suivis des «nerds» (groupe auquel la majorité de la classe s'identifiait, au PEI) et puis les athlètes et les «cheers» ou meneuses de claques. Suivaient ensuite les emos (pas de punks à mon école, à mon grand dam) et au-dessus de la pyramide, les «chicks», c'est-à-dire ceux qui «l'ont», qui sont beaux et qui ont du charisme.
C'est dans la justification de cette division qu'on a pu, tous ensemble, faire de la pédagogie critique et questionner les relations de pouvoir du haut vers le bas. Les élèves m'expliquaient combien chaque groupe méprise et se moque de ceux qui se trouvent sous eux, mais aspirent à devenir comme ceux qui sont au-dessus. C'est le microcosme parfait de la société occidentale compétitive. Qu'est-ce qui est à la base du pouvoir des plus haut placés ? Les élèves parlent de facteurs tels les vêtements à la mode, l'attitude désinvolte, la connaissance «qu'ils sont meilleurs que nous». Qu'en est-il des élèves du bas de la pyramide ? Cette question a provoqué des débats houleux, car les élèves ont constaté que les structures de catégorisation étaient plus puissantes que le seul code social de l'école, que souvent, même, leurs parents et quelques-uns de leurs enseignants classaient ainsi les jeunes et que les préjugés qui étiquetaient un élève dès la première secondaire restaient plus ou moins figés, ce qui réduisait toute possibilité de «mobilité sociale». Ce fut un moment de conscientisation particulièrement puissant, surtout quand j'ai questionné les élèves à savoir pourquoi ils n'étaient pas dans les strates supérieures «pas l'argent pour m'acheter les vêtements et les gadgets qu'il faut», «je suis nerd depuis la sixième année», etc. Et ceux qui sont catégorisés sous eux, alors ? Beaucoup de remises en question....
Comme les adolescents sont à cette étape cruciale où ils se définissent selon l'image que les autres leur renvoient, le groupe d'appartenance est particulièrement important. La division sociale qu'ils vivent à l'école atteint certainement cette définition et provoque des frustrations importantes. En discuter avec eux est particulièrement intéressant et dans notre cas, lorsque conjugué avec une étude des stades de développement humain d'Érikson (il faut essayer ça, les jeunes se reconnaissent comme ils étaient plus jeunes et comme ils le sont maintenant et apprécient particulièrement qu'on les informe sur les différentes théories de l'adolescence), a provoqué des réflexions ma foi très profondes.
Au bas de la pyramide, c'était unanime, on trouvait les «CP», c'est-à-dire les élèves du cheminement particulier. Au-dessus d'eux, les «wannabees», ceux qui essaient trop fort et qui ratent la cible. Au-dessus d'eux, les fumeurs et les «rappers», suivis des «nerds» (groupe auquel la majorité de la classe s'identifiait, au PEI) et puis les athlètes et les «cheers» ou meneuses de claques. Suivaient ensuite les emos (pas de punks à mon école, à mon grand dam) et au-dessus de la pyramide, les «chicks», c'est-à-dire ceux qui «l'ont», qui sont beaux et qui ont du charisme.
C'est dans la justification de cette division qu'on a pu, tous ensemble, faire de la pédagogie critique et questionner les relations de pouvoir du haut vers le bas. Les élèves m'expliquaient combien chaque groupe méprise et se moque de ceux qui se trouvent sous eux, mais aspirent à devenir comme ceux qui sont au-dessus. C'est le microcosme parfait de la société occidentale compétitive. Qu'est-ce qui est à la base du pouvoir des plus haut placés ? Les élèves parlent de facteurs tels les vêtements à la mode, l'attitude désinvolte, la connaissance «qu'ils sont meilleurs que nous». Qu'en est-il des élèves du bas de la pyramide ? Cette question a provoqué des débats houleux, car les élèves ont constaté que les structures de catégorisation étaient plus puissantes que le seul code social de l'école, que souvent, même, leurs parents et quelques-uns de leurs enseignants classaient ainsi les jeunes et que les préjugés qui étiquetaient un élève dès la première secondaire restaient plus ou moins figés, ce qui réduisait toute possibilité de «mobilité sociale». Ce fut un moment de conscientisation particulièrement puissant, surtout quand j'ai questionné les élèves à savoir pourquoi ils n'étaient pas dans les strates supérieures «pas l'argent pour m'acheter les vêtements et les gadgets qu'il faut», «je suis nerd depuis la sixième année», etc. Et ceux qui sont catégorisés sous eux, alors ? Beaucoup de remises en question....
Comme les adolescents sont à cette étape cruciale où ils se définissent selon l'image que les autres leur renvoient, le groupe d'appartenance est particulièrement important. La division sociale qu'ils vivent à l'école atteint certainement cette définition et provoque des frustrations importantes. En discuter avec eux est particulièrement intéressant et dans notre cas, lorsque conjugué avec une étude des stades de développement humain d'Érikson (il faut essayer ça, les jeunes se reconnaissent comme ils étaient plus jeunes et comme ils le sont maintenant et apprécient particulièrement qu'on les informe sur les différentes théories de l'adolescence), a provoqué des réflexions ma foi très profondes.
mardi 1 avril 2008
Le petit prince
Mon fils de 5 ans (Félix) et moi venons de terminer notre lecture du Petit Prince de Saint-Exupéry. Chaque fois que je lis cette oeuvre, je découvre d'autres éléments de pédagogie critique...
Au moment où le serpent mord le Petit Prince, Félix a les yeux remplis de larmes. je lui demande s'il comprend ce qu'il vient d'arriver et c'est clair que oui. je termine l'épilogue et Félix me dit «Maman, j'ai presque pleuré !»
Mes étudiantes du bac préscolaire/primaire et moi avons passé quelques heures à élaborer une situation d'apprentissage complexe à 7 unités thématiques, destinée aux élèves du deuxième cycle du primaire. Il ne s'agit que de pistes, de suggestions, à adapter selon le contexte.
SITUATIONS-PROBLÈMES/ ACTIVITÉS D’APPRENTISSAGE
1. Comment le Petit Prince nous encourage-t-il à découvrir notre univers ?
Réalisation – Expliquer les couchers et levers du soleil au Petit Prince et le fonctionnement de notre système solaire.
Modalités : une maquette, un modèle, une bande dessinée qui explique au Petit Prince combien de coucher de soleil on peut voir dans une vie de cent ans sur Terre
2. Comment pouvons-nous aider le Petit Prince à prendre soin de sa rose ?
Réalisation : Faire pousser et soigner une fleur et construire le sens du monde vivant
Modalités : Une affiche qui explique le cycle de vie et l’anatomie végétale, un dépliant pour les botanistes en herbe, un guide de soin des plantes pour le Petit Prince
3. Que nous apprend le Petit Prince au sujet des Hommes ?
Réalisation – élaborer un questionnaire pour réfléchir à ses valeurs humaines (Qui suis-je ?) basé sur la personnalité et les valeurs des personnages de l’histoire.
Modalités : Un questionnaire papier ou en ligne distribué ou accessible à un autre groupe
4. Comment pouvons-nous aider l’aviateur à présenter la Terre au Petit Prince ?
Réalisation : présenter la Terre au Petit Prince (ses pays, ses cours d’eau principaux, sa topographie, les volcans et la végétation)
Modalités : faire une maquette, faire une affiche, construire une carte thématique
5. Comment pouvons-nous expliquer au Petit Prince quelle est la vie dans le désert ?
Réalisation – Expliquer l’écosystème du désert au Petit Prince ET expliquer le mode de vie des peuples du désert, historiquement et aujourd’hui
Modalités : un climatogramme et le choix parmi : un diagramme de l’écosystème, un dépliant sur l’écosystème, l’horaire de la journée et des rencontres du serpent jaune ET l’histoire des Berbères racontée par un enfant, une bande dessinée, une mise en scène, un article dans le journal de classe
6. Comment le Petit Prince et le renard nous apprennent-ils à devenir un bon ami ?
Réalisation – élaborer des conseils pour être un bon ami
Modalités : un cahier de conseils, un code d’amitié pour la classe, un guide d’amitié en images pour les petits de la maternelle
7. Que nous révèle le Petit Prince en ce qui concerne la relation entre les êtres humains et la nature ?
Réalisation : résumer les rencontres entre le Petit Prince et les éléments de la nature afin de comprendre le sens que l’on donne en tant qu’individu et que collectivité à notre environnement.
Modalités : une bande dessinée, une mise en scène
Cette SAE se divise selon les chapitres et les personnages rencontrés par le Petit Prince, qui provoquent des situations-problèmes. L’enseignante débute chaque nouvelle activité par la lecture à voix haute d’un ou plusieurs chapitres. Les élèves reçoivent chaque chapitre en version papier, au fur et à mesure qu’avance la SAE. Une seule activité est continue dès son départ : faire pousser et soigner une fleur. Les unités thématiques touchent entre autres au français, aux mathématiques, à la science et la technologie et à l'univers social. Nous sommes très fières de notre travail et certaines étudiantes devaient essayer une ou deux unités en stage. On pourra vous en donner des nouvelles.
SI vous êtes intéressé à recevoir notre travail préliminaire (déroulement, matériel, etc.) sur les 4 premières unités, n'hésitez pas à m'écrire... les bons coups, ça se partage !
L'armée n'est pas bienvenue sur les campus
À l'instar des étudiants de l'Université du Québec en Outaouais (je suis si fière !), qui avaient sommé les recruteurs de l'armée canadienne de quitter les lieux (et les soldats l'ont fait), les étudiants de l'Université d'Ottawa refusent maintenant de publier toute publicité de l'armée canadienne pour recruter des réservistes.
Je les félicite tous. La population étudiante est malgré tout vulnérable et croule sous ses dettes. Leur faire miroiter ainsi un supplément de revenu et un travail qui serait selon l'armée comme une colonie de vacances + aventure (= la mort). Je suis soulagée de voir que les étudiants résistent. D'ailleurs, au Québec, l'Opération objection regroupe les associations étudiantes pour bloquer les tentatives de recrutement militaire tant dans les Cégeps et les universités que dans les écoles secondaires, où les élèves ont souvent moins de recours et d'appui.
Parmi les 26 pays de l'OTAN, le Canada se classe au 6e rang pour les dépenses militaires... nous dépensons plus pour la défense nationale qu'à l'époque de la Guerre froide. En 2007-2008, c'est plus de 18 milliards de dollars... imaginez cet argent investi en éducation, dans le logement social, dans la défense des droits, l'aide internationale, etc.
Et ce n'est que le coût financier... le coût humain est beaucoup plus grand et plus catastrophique.
Howard ZInn disait qu'il n'existait aucun drapeau assez grand pour cacher la honte d'avoir tué des innocents. Je suis bien d'accord et c'est une discussion à avoir avec les élèves, particulièrement en ce moment où le Parti conservateur est en croissance au Québec.
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