dimanche 28 juin 2009

Dites-moi que c'est une blague

J'ai lu, avec un certain retard, le discours d'adieu de François Legault .

J'ai dû relire deux fois le passage où il exposait ce qu'il considère comme ses plus grandes réalisations : «la mise en place d'outils qui favorisent une culture de résultats dans nos écoles et nos hôpitaux, notamment les contrats de performance, les plans de réussite et les bulletins des hôpitaux» ou comment aliéner de leur travail ceux qui consacrent leur vie aux services publics

Mais la nausée est arrivée en force avec ceci : «les problèmes d'efficacité qui assaillent nos grands réseaux publics restent trop nombreux. Il faut changer la culture dans nos écoles, dans nos commissions scolaires, dans nos hôpitaux et dans nos agences de santé pour mettre en place une culture de l'évaluation et une culture des résultats. »

Les Européens nous disent depuis des années que l'on est obsédés par l'évaluation et les notes, au Québec. À quel point pouvons-nous nous enfoncer encore plus profondément dans le marasme de l'évaluation et les résultats au service des stats purement administratives, désincarnés de toute entreprise pédagogique (voire humaine) ? Pourquoi cette obsession merdique qui n'apporte RIEN à l'apprentissage, à l'éducation, au processus de rendre humain ? S'il parle de l'évaluation des institutions, ce n'est pas mieux... (voir mon billet sur la commodification)

Il part inquiet ? Je le vois partir avec soulagement !

Coup d'État au Honduras


Le président Zelaya du Honduras a été arrêté et conduit de force au Costa Rica dans un putsch militaire.

Selon Wikipédia : «En se rapprochant du Nicaragua sandiniste et en faisant adhérer son pays à l'Alternative bolivarienne pour les Amériques (organisation économique initiée par le Vénézuala chaviste), le président Zelaya a perdu le soutien de la partie de la bourgeoisie tournée vers les États-Unis et a suscité l'inquiétude de Washington.»

Les ambassadeurs de Cuba, du Nicaragua et du Venezuela auraient été enlevés et celui du Venezuela également battu.

Hugo Chavez a mis ses troupes en état d'alerte.

Mise à jour «La veille, M. Zelaya avait limogé le chef d'état-major général, le général Romeo Vasquez, devant le refus des militaires de distribuer le matériel de vote.» Ahhh !! Tout s'explique ...

L'école commodifiée

Les écrits de Goerg Lukacs ont le don de me rappeler combien la logique scolaire est une extension de la logique capitaliste. «L’essence de la commodité-structure a souvent été notée. À sa base se trouve le processus selon lequel une relation entre des personnes revêt le caractère d’une chose et acquiert ainsi une objectivité-fantôme, une autonomie qui semble si strictement rationnelle et enveloppante qu’elle cache toute trace de sa nature fondamentale : une relation entre des personnes.» (ma traduction)

Quels types de relations entre les personnes sont ainsi commodifiés ? Toutes. Pensons à la relation entre le citoyen et l’État, commodifiée sous forme de vote qui est la commodité produite et échangée (certains diraient payée). Pensons bien entendu au travail, qui est la relation humaine entre celui qui produit et celui qui consomme. Le travail est une commodité échangée contre un salaire. Pensons à l’éducation…

Pour Marx, les relations sociales sont transformées en commodités objectives par la valeur qui leur est attribuées par quelqu’un en position de puissance et extérieur à la relation sociale dont il est question. "A commodity is therefore a mysterious thing, simply because in it the social character of men’s labour appears to them as an objective character stamped upon the product of that labour; because the relation of the producers to the sum total of their own labour is presented to them as a social relation existing not between themselves, but between the products of their labour. This is the reason the products of labour become commodities, social things whose qualities are at the same time perceptible and imperceptible by the senses ... It is only a definite social relation between men that assumes, in their eyes, the fantastic form of a relation between things.” (Marx, Capital I, p. 72.)

Ainsi, la relation sociale qu’est la relation pédagogique est commodifiée par l’appareil compétitif (et capitaliste) des notes, des cotes «R», des palmarès d’écoles, etc. Cette valeur fait de l’éducation une commodité d’échange : on l’échange pour un statut social, pour l’accès à l’éducation supérieure, pour un emploi et le salaire qui réifie la relation sociale du travail en commodité.

Encore Lukacs : «…a man’s activity becomes estranged from himself, it turns into a commodity which, subject to the non-human objectivity of the natural laws of society [logique capitaliste, lois capitalistes], must go its own way independently of man just like any consumer article.» Lukacs (1923). Reification and the Consciousness of the Proletariat. History & Class Consciousness.

Lettres de prison


Rosa Luxembourg, Lettres de prison, 28 décembre 1916 (François Maspéro)

«Pour le reste, tâche donc de demeurer un être humain. C'est là vraiment l'essentiel. Et ça veut dire: être solide, lucide et gaie, oui, gaie malgré tout et tout, car gémir est l'affaire des faibles. Rester un être humain, c'est jeter, s'il le faut, joyeusement, sa vie tout entière "sur la grande balance du destin" mais en même temps se réjouir de chaque journée de soleil, de chaque nouveau nuage. Hélas! je ne sais pas la recette qui permettrait de se conduire en être humain, je sais seulement comment on l'est...»

Hommage à Rosa Luxembourg


Jean-Paul Riopelle a chanté la liberté de l'oie sauvage, mais encore plus significatif, j'y vois, comme l'auteur François-Marc Gagnon, un chant hommage au militantisme, à la persévérance, à la foi de Luxembourg la révolutionnaire.

Lettres de Prison, 1915

«Imaginez-vous qu'ici, dans le voisinage, il y a quelque part une oie, je veux dire une vraie oie avec des plumes. Elle crie parfois, ce qui m'enchante; cela se produit, hélas! trop peu souvent. Savez-vous pourquoi j'aime tant cela? Je viens de le découvrir: le caquetage des poules ou le coin-coin des canards ont les accents authentiquement maternels et soucieux d'animaux domestiqués depuis longtemps. Mais le cri de l'oie évoque encore tout à fait l'oiseau sauvage, non apprivoisé, qui émigre en hiver vers le sud; il fait songer au vol orgueilleux, à l'appel amoureux par-delà de lointaines distances... En vérité, quand j'entends ce cri inarticulé de l'oie, quelque chose en moi tressaille de nostalgie -- la nostalgie de quoi? Tout simplement des horizons lointains du monde. Sacredieu, par tous les diables! que ne puis-je moi aussi voler, loin, loin d'ici, aussi loin qu'une oie sauvage!»

mardi 23 juin 2009

Justice sociale et cours d'histoire

Paru aujourd'hui

Lefrançois, D., M.-A. Éthier et S. Demers (2009). « Justice sociale et réforme scolaire au Québec : le cas du programme d’Histoire et éducation à la citoyenneté », Éthique publique, vol. 10, no. 3, 72-85.


«Dans ces conditions, l’on peut se demander de quelle façon ces aspirations éducatives et citoyennes se réaliseront dans le milieu scolaire. L’école québécoise éduque-t-elle vraiment les élèves de manière à leur permettre de favoriser la justice sociale ? À quoi prétend-elle former les élèves ? À quoi faudrait-il les former et pourquoi ? À quoi peut-elle les former ? Comment peut-elle le faire ? De quelle manière les liens biunivoques qu’elle entretient avec son milieu social doivent-ils être pris en compte ?»

lundi 22 juin 2009

L'enseignement de l'histoire face aux mêmes obstacles dans tout l'Occident ?

Du moins chez nos cousins français.

(Re)découverte d'une analyse de François Audigier (1995) sur la résistance au changement de paradigme pédagogique et épistémique dans le modèle français :
«Ainsi construit à la rencontres des finalités, des contenus et des méthodes, ce modèle républicain de l’enseignement de l’histoire et de la géographie fonctionne sur quatre caractères :
les résultats: On enseigne pour l’essentiel les résultats, c’est-à-dire ce que l’on sait de tel ou tel objet, ce que l’on tient aujourd’hui pour vrai. La discipline scolaire éloigne à la marge ce qui met en doute, ce qui interroge les savoirs. La dimension critique se résume avant tout à un contrôle de la vérité des assertions.
le référent consensuel : Pour construire, dans l’espace et le temps scolaires, un monde accepté par tous, il faut gommer les débats et les oppositions qui sont ceux et celles des hommes et des sociétés lorsqu’ils parlent d’eux-mêmes, de leurs visions du monde, de leurs mémoires, de leurs territoires.
le refus du politique : Afin de ne pas prêter au soupçon d’une détermination politique des savoirs [comme si c'était possible !], il faut toujours se caler et se justifier sur les savoirs scientifiques homonymes, faire comme si ceux-ci étaient les seuls inspirateurs des savoirs scolaires, et surtout ignorer les enjeux politiques, idéologiques et éthiques qui sont autant constitutifs de ces savoirs que les dimensions strictement scientifiques.
le réalisme: En enseignant les résultats, en faisant comme si tout cela était vrai, par sa forme même, par les exercices et les évaluations qu’elles mettent en oeuvre, l’histoire et la géographie font comme si elles disaient la réalité du monde passé et présent. Elles font croire que cette réalité est directement appréhendable et compréhensible moyennant quelques procédures raisonnées. Elles effacent le rôle des langages et des points de vue dans la construction des textes historiens et géographes, qu’ils soient scientifiques ou scolaires. Elles ignorent le rôle des langages comme producteurs de sens, de manières de penser le monde.»

Audigier, F. (1995). HISTOIRE ET GÉOGRAPHIE : DES SAVOIRS SCOLAIRES EN QUESTION ENTRE LES DÉFINITIONS OFFICIELLES ET LES CONSTRUCTIONS DES ÉLÈVES. SPIRALE - Revue de Recherches en Éducation - 1995 N° 15 (61-89)

dimanche 21 juin 2009

Séparer les élèves = système de castes

«Sixth graders at Cloonan Middle School here are assigned numbers based on their previous year’s standardized test scores — zeros indicate the highest performers, ones the middle, twos the lowest — that determine their academic classes for the next three years.


But this longstanding system for tracking children by academic ability for more effective teaching evolved into an uncomfortable caste system in which students were largely segregated by race and socioeconomic background, both inside and outside classrooms. Black and Hispanic students, for example, make up 46 percent of this year’s sixth grade, but are 78 percent of the twos and 7 percent of the zeros.» Quelle excellente analogie du New York Times

L'expérience me rappelle celle d'un grand pédagogue en Outaouais, M. Louis Gagnon, qui a reçu le Prix du Premier Ministre en 1994 (déjà !) pour avoir combiné dans une seule classe les élèves en difficulté et les élèves du «régulier» et en équipe avec une autre enseignante, adopté la pédagogie par projet pour l'année.

mardi 16 juin 2009

Progrès et déclin

Progrès et déclin : deux concepts qui s’inscrivent dans le temps long et auxquels les historiens vont souvent référence pour expliquer les conséquences des ruptures historiques sur les sociétés. Concepts polysémiques si jamais il en fut. Progrès ou déclin en rapport avec quoi ? Le développement technologique ? Les conditions de vie ? La justice sociale ? Si je choisis comme mesure ce dernier élément de comparaison, tout me porte à croire au déclin occidental. Et je me fie sur les jeunes pour l’évaluer.

À l’Instar d’Henry Giroux (et de Green Day, aussi loufoque cela puisse-t-il paraître), je m’interroge sur le rôle de la culture des jeunes comme canarie dans la mine… Historiquement, l’apathie des jeunes, la détérioration ou la stagnation de leur culture (lire ici réduction ou absence de créativité, d’innovation, de contestation) a été un signe avant-coureur de déclin de la justice sociale (Allemagne, Etats-Unis, Italie, etc.), alors que la revendication, la participation sociale et politique, même avec la rage comme moteur, l’effervescence artistique sont signes de son renouvellement (Chili, France, etc.). Dès que la jeunesse baisse les bras ou se complaît dans son confort relatif, on peut y voir, il me semble, le début d’une détérioration sociale… L’hyper-vigilance des 18-25 ans serait donc gage d’une société qui progresse…

Certains diront qu’il n’y a là rien de nouveau. Certes, les sociologues ont déjà fait de tels constats. Ce qui est bouleversant n’est pas nécessairement la corrélation jeunesse-santé de la justice sociale, mais le poids immense qui revient dans cette corrélation à l’école et aux enseignants.

18-25 ans, c’est tout frais sorti de l’école. C’est l’identité qui se consolide, c’est le réinvestissement des réflexions et remises en question de l’adolescence si celles-ci ont été provoquées. C’est là que je m’inquiète. Car si ni l’école ni les enseignants ne provoquent l’effervescence requise et ce qu’il faut pour la soutenir (outils intellectuels, sociaux, politiques), on ne peut s’attendre à ce que les jeunes s’inscrivent par la revendication dans un processus d’autocorrection démocratique. Ils se contenteront de consommer (des biens), de jalouser le dernier i-pod du voisin, de voir les écarts sociaux et les injustices comme autant de caractéristiques immuables de l’humanité , ou une conception de ce qu’Audigier (1995) appelle le temps éternel « un temps où il n’y a ni déroulement, ni changement possible ; les grands aspects du monde sont éternels, les hommes s’y glissent et s’y soumettent. C’est aussi le temps de la nature qui impose ses contraintes […] il y a et il y aura toujours des riches et des pauvres, des puissants et des dominés …».

Pour éviter le déclin ? Mobiliser la jeunesse. Dépasser la «simulation» citoyenne préparatoire et favoriser l’émergence de l’action citoyenne, tant à l’école qu’à l’extérieur de l’école. Des cours de militantisme ? Peut-être, mais au moins l’éveil de la lucidité critique, du pouvoir de l’action collective, de l’insatisfaction face au statut quo, de la colère face à l’injustice – et les armes pour la combattre.

samedi 13 juin 2009

Réflexion estivale en vue de la planification annuelle de mon enseignement

Est-ce que les moyens que je choisis pour atteindre les fins des cours que je donne répondent à ce que Reboul considère comme conditions essentielles ?

«Comme l’art et comme le jeu, l’éducation a sa fin en elle-même : on joue pour jouer, on éduque pour éduquer. Et les moyens qu’elle met en œuvre doivent lui être homogènes, de même nature et de même valeur qu’elle»

Est-ce que les moyens, tout ce que je fais, y compris les contenus que je sélectionne, et tout ce que je demande aux élèves de faire ont cette même nature et cette même valeur ? Est-ce qu'ils permettent de rencontrer les trois conditions suivantes ?

«1. Une fin n’est éducative que si elle n’est ni impossible à atteindre ni inéluctable, autrement dit si ceux qui la poursuivent, éducateurs ou éduqués, courent le risque de la manquer tout en ayant une chance de l’atteindre (est-ce que ce que je demande aux élèves est possible pour eux ? est-ce si facile qu'il va de soi qu'ils réussiront sans effort ?)

2. Une fin n’est éducative que si les moyens qu’elle met en œuvre le sont eux-mêmes, s’ils sont eux-mêmes des fins dignes d’être poursuivies par l’éducateur ou l’éduqué (est-ce que répondre à des questions dans des cahiers d'activités est éducatif ? est-ce digne de la formation citoyenne par le développement de la pensée historique, par exemple ?)

3. Une fin n’est éducative que si elle est elle-même un moyen de poursuivre son éducation. (ainsi, si la fin que je vise est de développer la pensée historique, ce que je crois que la pensée historique va permettre aux élèves de s'éduquer).

Ces trois conditions sont nécessaires. Sans la première, il n’y aurait pas de fin du tout. Sans la seconde, l’éducation pourrait se réduire à un dressage ou à une manipulation chromosomique. Sans la troisième, elle aboutirait à une conformisme pur et simple, puisqu’elle figerait l’individu dans un rôle préétabli.»

Pas facile : tout ce que je fais doit être scruté en fonction de ce que je veux que les élèves fassent ou cherchent à atteindre hors de ma classe.

mardi 9 juin 2009

Moi, Histoire

Ralph Waldo Emerson était favorable au développement de la pensée historique

I History
Ralph Waldo Emerson (1837)

«A man is the whole encyclopaedia of facts. The creation of a thousand forests is in one acorn, and Egypt, Greece, Rome, Gaul, Britain, America, lie folded already in the first man. Epoch after epoch, camp, kingdom, empire, republic, democracy, are merely the application of his manifold spirit to the manifold world.

This human mind wrote history, and this must read it. The Sphinx must solve her own riddle. If the whole of history is in one man, it is all to be explained from individual experience. There is a relation between the hours of our life and the centuries of time.

Each new law and political movement has meaning for you. Stand before each of its tablets and say, `Under this mask did my Proteus nature hide itself.' This remedies the defect of our too great nearness to ourselves. This throws our actions into perspective […]The world exists for the education of each man. There is no age or state of society or mode of action in history, to which there is not somewhat corresponding in his life. Every thing tends in a wonderful manner to abbreviate itself and yield its own virtue to him. He should see that he can live all history in his own person. He must sit solidly at home, and not suffer himself to be bullied by kings or empires, but know that he is greater than all the geography and all the government of the world; he must transfer the point of view from which history is commonly read, from Rome and Athens and London to himself, and not deny his conviction that he is the court, and if England or Egypt have any thing to say to him, he will try the case; if not, let them for ever be silent. He must attain and maintain that lofty sight where facts yield their secret sense, and poetry and annals are alike.»

Favoriser et évaluer la pensée historique


Le concept de «pensée historique», au coeur du programme d'histoire et éducation à la citoyenneté au Québec, est polysémique. Il est tantôt associé à la méthode historique, tantôt à un ensemble d'attitudes critiques qui caractérisent l'historien savant. On peut toutefois référer de façon plus précise à la pensée historique comme ensemble d'opérations épistémiques propres au domaine de l'histoire et requises pour (re)construire une narration historique plausible basée sur l'interprétation critique des preuves issues de sources.

Le chercheur Peter Seixas a développé des points de repères qui permettent d'opérationnaliser ces actions épistémiques. Ces «benchmarks» correspondent à six concepts cognitifs structurels.
- établir la pertinence historique
- recourir aux faits découlant de sources premières
- dégager la continuité et le changement
- analyser les causes et les conséquences
- adopter une perspective historique
- comprendre la dimension morale de l'interprétation de l'histoire

Le site offre quelques tâches en français

Pour que l'éducation améliore le monde


Encore faudrait-il se souvenir de ce classique, de De Landsheere et De lansheere (1980).



1. La culture crée l’éducation
2. L’éducation initie la jeune génération à la culture des aînés (caractère conservateur, convergent)
3. La jeune génération transforme la culture originale en une culture nouvelle (caractère progressiste, divergent) (voir définition de la transformation souhaitée plus bas)

«Dans une culture dynamique, l’éducation initie les enfants à la culture des parents pour leur permettre de s’insérer activement dans la société et fournit en même temps les moyens et la liberté de contester la culture existante, de la modifier pour mieux répondre aux besoins ressentis par l’homme à un moment de son histoire.»

Des élèves du primaire qui «slamment» dans leurs blogues


Dans la classe de Monsieur Sylvain, les élèves bloguent et slamment !

et que se replier sur une mémoire collective, c'est nier l'histoire

et le pouvoir d'action de tous, et le rejet de la possibilité de s'inscrire dans l'histoire en tant que sujets, je propose Meirieu, (2007). Pédagogie : le devoir de résister. Issy-les –Moulineaux : ESF Éditeur.

«Dans les situations d’inquiétude majeure [telle que celle qui caractérise l’Occident actuel], les «discours de la décadence» font toujours recette. Ce sont des discours qui placent l’âge d’or en amont et ne nous proposent que d’y revenir. À l’opposé des «discours de la révolte», ils obturent le futur et interdisent d’imaginer d’autres alternatives au présent que ce qui aurait déjà existé. De plus, ils empêchent de regarder le passé du point de vue de l’Histoire : en ontologisant des formes données d’organisation, ils ne permettent ni de comprendre en quoi elles ont été un progrès, ni pourquoi elles peuvent devenir des obstacles pour avancer. La nostalgie du passé est toujours corollaire d’un refus de l’Histoire

Parce que l'endoctrinement n'est pas un cours d'histoire

J'ai répondu au soi-disant Rapport Courtois à l'émission Dimanche magazine, à la radio de Radio-Canada. Soi-disant, parce qu'il ne s'agit pas d'une recherche, mais d'un pamphlet, tout au plus - pas de cadre théorique ou conceptuel, rien n'est défini, pas de méthodologie, même pas un saut dans le domaine de l'éducation alors qu'il s'agit d'une critique virulente d'un curriculum. Bref, rien qui ne puisse conférer à ce travail quelle que crédibilité scientifique qu'il soit.

Aux faux débats que cet écrit tente de susciter entre connaissances et compétences, je réplique par la plume d'Olivier Reboul, qui lui aura pris une vie à réfléchir à la question de l'éducation (contrairement aux auteurs du pamphlet, qui ne semblent pas avoir réfléchi du tout) :

«Un enseignement qui prend la liberté pour fin est celui qui donne à ses élèves non des performances mais une compétence, c’est-à-dire le pouvoir de réaliser un nombre indéfini de performances imprévisibles et pourtant adaptées à la situation.
[…] De même pour l’éducation morale ; la seule digne de ce nom est celle qui ne se contente pas d’inculquer de bonnes conduites mais qui développe la responsabilité et l’autonomie. Ce qui distingue l’enseignement de l’endoctrinement, ce n’est pas que ce dernier soit mensonger, c’est qu’il empêche l’élève de chercher et d’apprendre par lui-même, qu’il réprime la pensée.

Ce qui nous montre, a contrario, que l’enseignement véritable ne va pas sans le développement de l’esprit critique, autrement dit sans le risque que nos élèves finissent pas penser autrement que nous. Bref, une éducation qui prend la liberté pour fin est celle qui donne aux éduqués le pouvoir de se passer de maîtres, de poursuivre par eux-mêmes leur propre éducation, d’acquérir par eux-mêmes de nouveaux savoirs et de trouver leurs propres normes. [...] du moment que la liberté est une fin, elle doit être aussi un moyen privilégié de l'éducation
» (Le Langage de l'éducation, 1984 : 158-159).

Vous voulez un peuple libre et autonome, Monsieur Courtois, ou asservi à une idéologie dont il ne pourra jamais comprendre les fondements, même s'il oeuvre à mémoriser tous les faits que vous souhaitez lui «transmettre» dans un enseignement tout droit sorti des écoles des Frères de l'Instruction publique ? Comment pourront-ils même formuler des arguments ou disposer des outils intellectuels nécessaires à la défense de votre projet ?

Peut-être est-ce là l'idée de l'équipe du Rapport - empêcher les jeunes de penser et de réfléchir par eux-mêmes, de peur qu'ils ne pensent pas comme eux ?