mardi 25 mai 2010

Interstices

Imaginez un tissu, large, fort, qui bâillonne une société entière. Individuellement, chacun des individus renforce le tissu, retisse ses fibres, parfois à son insu, parfois consciemment.

Imaginez maintenant que ce tissu, c'est la structure de la société - ses fibres, les réseaux de pouvoirs qui s'unissent pour faire de la société ce qu'elle est.

Imaginez enfin qu'un groupe, quelque part, décide d'ignorer le bâillon et les structures de pouvoir qui le constituent. Qu'ils s"organisent parallèlement de nouvelles structures, émancipatrices et humaines, qui répondent à leurs besoins et leurs aspirations. En ce lieu, pour ce groupe, la structure contraignante est obsolète, non-fonctionnelle - sans quiconque pour la réifier, elle n'existe pas. Un trou dans le tissu, en quelque sorte. C'est l'interstice.

Et si les interstices étaient conscientes les unes des autres ? Coordonnaient leurs actions ? Un trou, plus un autre plus un autre... le tissu déchire.


Erik Olin Wright, rencontré en Argentine dans le cadre du congrès Approfondir la démocratie comme mode de vie et auteur du livre Envisioning real utopias, présente trois modes de changement social
1) la rupture : faire tabula rasa, détruire pour reconstruire. C'est la révolution.
2) la symbiose : travailler dans la structure pour réformer la structure - de l'intérieur. Ce mode a été essayé - ça ne fonctionne pas.
3) l'interstice : c'est la faille, c'est ignorer la structure qui existe et la rendre désuète.

Pour Wright, c'est par le cumul et le réseautage des interstices que le tissu s'affaiblit assez pour créer les conditions requises pour une rupture.

À tous ceux d'entre-vous qui intersticez au quotidien, parfois seuls, jamais certains de la portée de vos actions, sachez que ces interstices liées aux autres portent la promesse d'un changement...

en remerciement à mon amie Catherine, à qui je dois une part importante de ma formation initiale et ce désir de répondre de façon éthique à la question «quel est mon pouvoir ? pourquoi ? sur qui ? pour qui ?»

2 commentaires:

Priscilla a dit…

Je suis contente de te lire de nouveau ! Ça faisait un bail, Stéphanie :)

Stéphanie Demers a dit…

Priscilla ! Comme je suis contente de lire ta présence !

J'ai eu une année chargée ... je suis bien heureuse de pouvoir partager à nouveau !