mercredi 14 mars 2012

De la criminalisation de la dissension ...

avant même qu'elle ne puisse se construire.

Il se profile, dans la conjugaison de la hausse des frais de scolarité et la loi C10 récemment adoptée, une convergence vers la répression de la jeunesse issue des classes ouvrières. La première mesure limite les possibilités qu’auront ces jeunes à accéder à l’éducation post-secondaire et à développer les outils d’analyse critique précurseurs d’une citoyenneté engagée et militante. La jeunesse éduquée fait peur, puisqu’elle menace l’élite bourgeoise au pouvoir. La seconde mesure assure d’une part l’hégémonie de la perception d’une menace «jeune» et «pauvre» et d’autre part les moyens coercitifs permettant de museler tout discours de contestation, qu’il prenne la forme de manifestations, de graffitis, de rejet de normes sociales arbitraires, etc. Cette attaque a comme cible une population déjà tellement marginalisée qu’au débat public, elle n’a pas voix.

«La lente poussée sécuritaire du moment assoit son principe répressif sur une apparente atonie des citoyens, alors que ses instigateurs prétendent que les acteurs de la contestation ne porteraient pas de discours politique, justifiant ainsi leur marginalisation au sein du jeu de la représentation démocratique. Banlieusards, étrangers et sans papiers, lycéens, femmes révoltées, ouvriers en grève, petits paysans, se voient traités comme des objets apolitiques, car dénués d’une représentation reconnue comme étant légitime du point de vue de l’État républicain. La conséquence logique est leur criminalisation, leur mise au ban de la loi. L’absence d’une prise de parole de ces acteurs qui serait conforme aux codes de l’espace public bourgeois autorise ceux qui en contrôlent l’accès à proclamer l’inexistence d’une quelconque parole autonome de ces sujets-objets.» Alex Neumann (2006). Pour une écoute sociologique : Répression, inhibition, prise de parole. Variations (Théorie critique)

Les étudiants qui manifestent actuellement sont invités à rester polis, calmes, atones. Tout écart est violemment réprimé et traité dans les médias bourgeois comme un geste de désolidarisation par les étudiants face à la «population québécoise». Ce faisant, cette même population appuie la désappropiation de l'espace public. Seule la contestation qui ne gêne pas sera tolérée.

«Pour justifier la répression annoncée contre les jeunes marginalisés, on parle […] comme si le jeunes dans les rues faisaient partie de gangs violents. C’est la voix du conservatisme autoritaire : sentimental et stricte, nostalgique et répressif.. De braves citoyens accablés par un fardeau fiscal [l’éducation] harcelés de jeunes voyous. André Gorz décrit cette perception comme faisant partie, dans tout le pays, d’une rébellion particulière d’une société devenue étrangère à elle-même : «[…] la réaction agressive de ceux qui aimeraient retrouver la sécurité d’une société prémoderne, stable, hiérarchisée et fortement intégratrice». Cependant aussi inquiétante que les politiques elles-mêmes, il y a la formulation qu’on leur donne : une narration sentimentale et cruelle qui sonne faux aussi bien dans sa glorification du [prétendu citoyen modèle] que dans sa démonisation des jeunes marginaux. On peut voir une tendance malsaine à épouser les fantasmes réactionnaires de la droite. Georges Orwell les aurait rapidement relevés.» Graham Fraser, Le Devoir, 28 octobre 1999.


Voilà le début d'un proto-fascisme dont la cible particulière sera ceux qui dérangent déjà par leur existence: les opprimés, marginalisés, jeunes. La population québécoise, ayant donné son consentement tacite à la répression (par son silence) devient de facto geôlière de la jeunesse et de la possibilité de justice sociale.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Mme Demers, vos propos trouvent écho chez une multitude d'étudiants, jeunes professionnels.

Nous sommes chanceux au Québec d'avoir de tels pédagogues. Des Lefrançois, des Éthier, des Demers.

Jonathan