samedi 14 avril 2012

Injonction

Je suis la lutte et par la lutte je deviens qui je suis

Je suis rarement aussi éteinte en paroles que je ne l’aie été dans les dernières 24 heures.

Mes étudiants viennent de se faire servir une injonction, l’injonction la plus punitive qui ait été livrée jusqu’à présent au Québec. Après la tyrannie de la branche exécutive de notre soi-disant démocratie, voilà arrivée celle de la branche judiciaire. J’invoque désormais ce droit fondamental qu’est la résistance à l’oppression.

Je m’appuie sur et je transmets aux étudiants grévistes, solidaires et éthiques les paroles puissantes du Manifeste des 60 qui mènera à la Commune de Paris. Il revendique en outre le droit à l’éducation et à la véritable représentativité démocratique.
Vous allez vous y reconnaître, remarquables combattants. Les lois exceptionnelles, ce sont les injonctions.

[…] Le suffrage universel nous a rendus majeurs politiquement, mais il nous reste encore à nous émanciper socialement. La liberté que le Tiers Etat sut conquérir avec tant de vigueur et de persévérance doit s’étendre en France, pays démocratique, à tous les citoyens. Droit politique égal implique nécessairement un égal droit social. On a répété à satiété : il n’y a plus de classes ; depuis 1789, tous les Français sont égaux devant la loi.

Mais nous qui n’avons d’autre propriété que nos bras, nous qui subissons tous les jours les conditions légitimes ou arbitraires du capital ; nous qui vivons sous des lois exceptionnelles, telles que la loi sur les coalitions et l’article 1781, qui portent atteinte à nos intérêts en même temps qu’à notre dignité, il nous est bien difficile de croire à cette affirmation. […]

nous affirmons que l’égalité écrite dans la loi n’est pas dans les mœurs, et qu’elle est encore à réaliser dans les faits. Ceux qui, dépourvus d’instruction et de capital ne peuvent résister par la liberté et la solidarité à des exigences égoïstes et oppressives, ceux-là subissent fatalement la domination du capital : leurs intérêts restent subordonnés à d’autres intérêts.

Nous le savons, les intérêts ne se règlementent point ; ils échappent à la loi ; ils ne peuvent se concilier que par des conventions particulières, mobiles et changeantes comme ces intérêts eux-mêmes. Sans la liberté donnée à tous cette conciliation est impossible. Nous marcherons à la conquête de nos droits, pacifiquement légalement, mais avec énergie et persistance.

A ceux qui croient voir s’organiser la résistance, la grève, aussitôt que nous revendiquons l’a liberté, nous disons : vous ne connaissez pas les ouvriers ; ils poursuivent un but bien autrement grand, bien autrement fécond que celui d’épuiser leurs forces dans des luttes journalières où, des deux côtés, les adversaires ne trouveraient en définitive que la ruine pour les uns et la misère pour les autres.
[…] La loi doit être assez large pour permettre à chacun, isolément ou collectivement, le développement de ses facultés, l’emploi de ses forces, de son épargne et de son intelligence, sans qu’on puisse y apporter d’autre limite que la liberté d’autrui, et non son intérêt.

[…] il est grand temps d’en finir avec ces calomnies propagées par nos ennemis et adoptées par les ignorants. La liberté du travail, le crédit, la solidarité, voilà nos rêves. Le jour où ils se réaliseront, pour la gloire et la prospérité d’un pays qui nous est cher, il n’y aura plus ni bourgeois ni prolétaires, ni patrons ni ouvriers. Tous les citoyens seront égaux en droits.

Que voulons-nous plus spécialement qu’elle, ou du moins plus énergiquement, parce que nous y sommes plus intéressés ? L’instruction primaire, gratuite et obligatoire, et la liberté du travail.

L’instruction développe et fortifie le sentiment de la dignité de l’homme, c’est-à-dire la conscience de ses droits et de ses devoirs. Celui qui est éclairé fait appel à la raison et non à la force pour réaliser ses désirs.»

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