Publié dans Le Droit ce matin, mais tronqué
L’accès à l’éducation : défendre collectivement un droit inaliénable
L’accès à l’éducation est un droit à tous les ordres d’enseignement, incluant le post-secondaire. Conformément aux principes fondamentaux de justice et d’égalité, ce droit est enchassé dans la Déclaration universelle des droits de l’homme (article 26), le Pacte relatif aux droits sociaux, économiques et culturels (articles 2, 13 et 14), la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (article 1, et 5) et la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination contre les femmes (articles 1 et 10). Le Canada est signataire de toutes ces déclarations et ententes et, par ce fait même, reconnait que «l’accès aux études supérieures doit être ouvert en pleine égalité à tous en fonction de leur mérite» (article 26, Déclaration universelle des droits de l’homme). Il reconnait également «le droit de toute personne à l'éducation» et convient que «l'éducation doit mettre toute personne en mesure de jouer un rôle utile dans une société libre, favoriser la compréhension, la tolérance et l'amitié entre toutes les nations et tous les groupes raciaux, ethniques ou religieux». De plus, pour assurer le plein exercice de sa citoyenneté «l'enseignement supérieur doit être rendu accessible à tous en pleine égalité, en fonction des capacités de chacun, par tous les moyens appropriés et notamment par l'instauration progressive de la gratuité» (article 13, Pacte relatif aux droits sociaux, économiques et culturels). Il appartient donc à l’État de garantir ce droit.
Or, dans le cas de l’enseignement postsecondaire, l’État québécois attaque l’inviolabilité de ce droit. L’ensemble des citoyens doit s’assurer que l’État protège les droits civils, politiques et sociaux. Pourtant, seuls les étudiants sont actuellement mobilisés. Nous considérons que cette situation est inacceptable et que la société entière doit empêcher cette attaque contre le droit à l’éducation en tant qu’enjeu de nature intergénérationnelle. Tous concernés par les décisions gouvernementales, nous nous déresponsabilisons comme société lorsque nous acceptons que ceux qui nous suivent doivent s’endetter pour avoir accès à ce qui leur revient de droit.
Il nous est impensable qu’en 2012 des étudiants québécois aient à se battre pour faire valoir ce droit inaliénable à l’éducation. Il est tout aussi impensable qu’ils soient punis pour avoir assumé seuls une responsabilité qui incombe à nous tous. La liberté d’expression, l’égalité devant la loi et la liberté d’association sont également des droits et nul préjudice ne peut découler de leur exercice.
La marchandisation de l’éducation proposée par le gouvernement Charest, sous prétexte de renflouer les universités, le soustrait de sa responsabilité de financement de la formation postsecondaire affirmée et légiférée depuis le Rapport Parent de 1965 (volume I, chapitre 5). Nous rappelons également que la hausse proposée ne représente que l’équivalent de 1,2% du budget annuel du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, mais qu’elle fermera, selon les données et les conclusions de plusieurs études scientifiques récemment publiées, la porte de l’éducation postsecondaire à des dizaines de milliers de jeunes québécois, ce qui est contraire aux principes des diverses déclarations de droits susmentionnées. Accepterions-nous de devoir payer pour notre liberté d’expression, notre égalité devant la loi, notre droit d’association ?
L'éducation est une responsabilité collective et nous devrions tous, parents, enseignants, formateurs, administrateurs, décideurs, être aux côtés des étudiants et se mobiliser pour protéger ce droit fondamental. Nous appuyons ainsi la lutte des étudiants pour la défense du droit et de l’accès à l’éducation. Nous appuyons également les moyens qu’ils choisissent démocratiquement, au sein de leurs assemblées, pour mener ce combat. Nous reconnaissons la pleine légitimité de ces moyens et appelons la société entière à appuyer, par tous moyens légitimes, les étudiants dans cette lutte universelle à travers l’exercice de la délibération publique et de l’action démocratique. Par principe, un droit ne peut être affaibli et son intégrité attaquée ; sinon, ce n’est plus un droit…
Stéphanie Demers, Judith Émery-Bruneau, Catherine Lanaris, David Lefrançois, Geneviève Lessard et Ruth Philion, Francine Sinclair, Madeleine Doffouchi Tchimou, professeurs, Département des sciences de l’éducation, Université du Québec en Outaouais
samedi 3 mars 2012
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire