Regarder la réalité en face; ne pas chercher la ligne de moindre résistance; appeler les choses par leur nom; dire la vérité aux masses, quelque amère qu'elle soit; ne pas craindre les obstacles; être rigoureux dans les petites choses comme dans les grandes; oser, quand vient l'heure de l'action: voilà les règles qui doivent nous gouverner (c'est pas de moi, c'est de Léon)
Ceux qui ont vécu les mêmes événements que moi dans ce conflit qui oppose le Parti libéral aux étudiants et aux citoyens québécois comprendront quand je dis que je peine à trouver le plaisir dans ma vie depuis trois semaines (pour d’autres, c’est sans doute plus long). Pour trouver la possibilité d’être agréable et sourire aux gens que j’aime et à ceux qui m’entourent, je dois pratiquer une scission intérieure. J’étouffe celle qui avance sous l’effet des coups des matraques et du sang sur le visage des étudiants, en état de choc sans cesse renouvelé par les images que je ne peux quitter, qui me hantent dans mon sommeil, qui font battre mon cœur à tout rompre, bourdonner son rythme trop rapide dans mes oreilles. J’ai mal du sourire à mon garçon en imaginant les mères des blessés en vigile aux côtés des leurs. Alors je me mets sur pilote automatique et je fais semblant de n’avoir rien vu. Vous me direz sans doute qu’il faudra que je consulte… je suis d’accord avec vous. Que je dois taire ce hurlement sourd qui joue en continue dans ma tête, que je charrie de trop généreuses empathies envers les étudiants. Là, je ne suis plus d’accord.
Ceux qui ont vécu les mêmes événements que moi dans ce conflit qui oppose le Parti libéral aux étudiants et aux citoyens québécois comprendront quand je dis que je peine à trouver le plaisir dans ma vie depuis trois semaines (pour d’autres, c’est sans doute plus long). Pour trouver la possibilité d’être agréable et sourire aux gens que j’aime et à ceux qui m’entourent, je dois pratiquer une scission intérieure. J’étouffe celle qui avance sous l’effet des coups des matraques et du sang sur le visage des étudiants, en état de choc sans cesse renouvelé par les images que je ne peux quitter, qui me hantent dans mon sommeil, qui font battre mon cœur à tout rompre, bourdonner son rythme trop rapide dans mes oreilles. J’ai mal du sourire à mon garçon en imaginant les mères des blessés en vigile aux côtés des leurs. Alors je me mets sur pilote automatique et je fais semblant de n’avoir rien vu. Vous me direz sans doute qu’il faudra que je consulte… je suis d’accord avec vous. Que je dois taire ce hurlement sourd qui joue en continue dans ma tête, que je charrie de trop généreuses empathies envers les étudiants. Là, je ne suis plus d’accord.
Car je ne peux pas être spectatrice. Aimé
Césaire disait «Et surtout mon corps aussi bien que mon âme, gardez-vous de
vous croiser les bras en l'attitude stérile du spectateur, car la vie n'est pas
un spectacle, car une mer de douleurs n'est pas un proscenium, car un homme qui
crie n'est pas un ours qui danse...». [Cahier
d’un retour au pays natal]. Mes
étudiants terrorisés et blessés non plus, pas plus que les travailleurs de
RioTinto Alcan et d’Aveos, ces derniers aussi malmenés par les policiers, les retraités de papiers White Birch, les chômeurs
et chômeuses, les sans abri, les camarades des luttes sociales témoins de la
grande misère humaine. Le même cri, en
somme. Le cri qui n’arrive pas aux
oreilles du reste du peuple, intercepté par «Occupation double» et autres
messages abrutissants qui nous présentent un ours qui danse. Le cri qui fait
rire ces messieurs de la haute finance, puisque de cette misère humaine et de
ce détournement de notre regard, ils s’enrichissent…
Qui pourrait me demander de me taire, de
rester terrée chez moi ou dans mon bureau à attendre que les pantins du pouvoir
économique ne jettent des miettes aux étudiants affamés pour faire avorter
cette possibilité de mieux pour tous ? Je refuse de laisser mes sœurs et
mes frères devenir ceux que Césaire décrivait :
«l'homme-famine, l'homme-insulte,
l'homme-torture
on pouvait à n'importe quel moment le saisir le rouer
de coups, le tuer - parfaitement le tuer - sans avoir
de compte à rendre à personne sans avoir d'excuses à présenter à personne»
on pouvait à n'importe quel moment le saisir le rouer
de coups, le tuer - parfaitement le tuer - sans avoir
de compte à rendre à personne sans avoir d'excuses à présenter à personne»
Et je veux qu’on rende des comptes.
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