vendredi 28 mars 2008
Sur l’identité des enseignants selon les 4 axes de l’éthique de Foucault
Le premier axe provoque les questions suivantes : quelles parties de moi sont liées à l’enseignement et quelles formes de subjectivité constituent mon enseignement ? est-ce que, par exemple, mon moi enseignant relève plutôt de mon esprit rationnel ou associe-t-il des éléments émotifs aux éléments intellectuels ? Cet axe établit les relations entre l’identité enseignante et les autres composantes de mon identité.
Le deuxième axe provoque les questions suivantes : pourquoi dois-je cultiver certaines attitudes, croyances et comportements et quelles sont les sources d’autorité discursive que je reconnais en tant qu’enseignant ? Est-ce que je reconnais les textes du ministère comme autorité ? Le discours de la direction, de la conseillère pédagogique, des médias, des parents ? Est-ce que je crois que seule la pratique doit informer mon identité enseignante ou est-ce que j’accorde un poids à la théorie ? C’est l’axe du pouvoir et de la politique.
Le troisième axe réfère aux techniques et pratiques dont nous nous servons pour former notre soi enseignant, comme le journal réflexif ou le portfolio de processus, par exemple. Ces pratiques nous permettent de voir la nature constructiviste de l’identité et des pratiques enseignantes.
Le quatrième axe est bien entendu celui de la finalité qu’on accorde à son soi enseignant : pourquoi suis-je enseignante ? Qu’est-ce que je veux accomplir ? Quels sont mes buts ?
L’articulation entre ces quatre axes permet d’approfondir la réflexion sur le pouvoir d’action des enseignants et l’éthique de cette action. Pourquoi agissons-nous comme nous le faisons ?
Ça me fait penser à une conversation avec une étudiante du bac au préscolaire-primaire:
- moi, ma classe doit avoir de l’ordre et du silence
- Pourquoi ?
- Parce que c’est le signe que je sais contrôler ma classe et que j’ai une belle gestion de classe.
- C’est important pour toi ?
- Oui.
- Pourquoi ?
- Parce que quand j’étais dans mon premier stage, il y avait beaucoup de bruit et l’enseignante de la classe voisine m’a dit que je n’avais pas de gestion de classe.
- Qu’est-ce que ça veut dire, pour les élèves, une classe ordonnée et silencieuse ?
- Je ne sais pas, je n’y ai pas pensé.
- Mets-toi à leur place…. Qu’est-ce que tu penses que ça peut vouloir dire ?
- Une classe où tu n’as pas le droit de bouger ou de t’exprimer…
- C’est ta classe ?
- Non, vraiment pas. Dans ma classe idéale, tout le monde bouge, ça grouille d’activité, il y a des coins, tu sais des ateliers et tous ne font pas la même chose en même temps….
Et elle s’anime et dessine pour elle-même (je pense qu’elle ne me voit même plus, honnêtement, tellement elle est dans cette classe) sa philosophie de l’apprentissage.
Sur l'identité des enseignants
J’ai enseigné la session dernière le cours de Portfolio II, qui vise entre autres à outiller les étudiants pour construire leur identité professionnelle. Contre toute attente, j’ai adoré ce cours. En nous basant sur l’excellent travail de Gohier, Anadón, Bouchard, Charbonneau et Chevrier (1997, 1999), nous avons exploré les dédalles de l’identité professionnelle, particulièrement dans un contexte de changement. L’étonnant, c’est que cette activité a poussé les étudiants à se poser des questions qu’ils ne s’étaient jamais posées, sur l’éthique, sur l’introspection, sur l’ouverture à la critique, sur l’évaluation de leur enseignement (auto, par les pairs, par la direction, etc.), mais surtout sur leur philosophie profondément personnelle de l’éducation.
J’y reviens car, comme toujours, Marc-André me suggère des lectures palpitantes, dont celle de Clarke (2008) The Ehtico-politics of Teacher Identity (Educational Philosophy and Theory) qui se sert des quatre axes de l’éthique de Foucault pour penser l’identité des enseignants de façon à favoriser la détermination discursive (se raconter, se défendre) et à reconnaître et construire leur pouvoir d’action éthique. Il est intéressant que l’on se penche sur l’identité plutôt que sur le rôle des enseignants, lequel se réfère à la fonction, alors que l’identité s’associe beaucoup plus à l’implication personnelle selon une certaine façon de concevoir le monde et la place qu’on y occupe. On peut apprendre à enseigner en apprivoisant théories et techniques, mais on devient enseignant en prenant position face à nous-mêmes et face à ces théories et techniques. L’identité n’est jamais terminée, elle reste ouverte face aux possibilités de restructuration et d’enrichissement.
Apprendre à enseigner, pour un nombre croissant de théoriciens, c’est en fait la construction de son identité comme enseignant, où l’identité se réfère à la connaissance de soi et la capacité qu’a un individu à se raconter, se décrire, se nommer, ainsi que la reconnaissance qu’ont les autres de cet individu comme étant tel ou tel type de personne. C’est un processus de regard tourné sur soi, sur ce que l’on fait, ce que l’on est capable de faire, sur ce en quoi l’on croit. Si cela semble aller de soi pour vous, croyez-moi lorsque je vous dis que c’est particulièrement bouleversant pour des étudiants en formation. En outre, il y a cette dialectique entre l’identité que nous assigne la société, parcellaire, unidimensionnelle, techniciste et souvent neutre et celle qui se construit : culturelle, politique, personnelle, collective.
Voilà la porte d’entrée du pouvoir éthique de l’enseignant, dans cette dialectique et dans la reconnaissance des relations de pouvoir qui jouent sur la formation de l’identité, dans cette marge de liberté qui amène nécessairement la réflexion et l’éthique – car du moment où l’on dispose de liberté d’action, il est question d’éthique. La formation d’une identité éthique, nourrie d’une réflexion sur les relations de pouvoir, sa philosophie personnelle, culturelle et politique de l’éducation, offre aux enseignants la possibilité d’augmenter leur liberté, leur pouvoir d’action et les marges de manœuvre transformative de l’école
J’y reviens car, comme toujours, Marc-André me suggère des lectures palpitantes, dont celle de Clarke (2008) The Ehtico-politics of Teacher Identity (Educational Philosophy and Theory) qui se sert des quatre axes de l’éthique de Foucault pour penser l’identité des enseignants de façon à favoriser la détermination discursive (se raconter, se défendre) et à reconnaître et construire leur pouvoir d’action éthique. Il est intéressant que l’on se penche sur l’identité plutôt que sur le rôle des enseignants, lequel se réfère à la fonction, alors que l’identité s’associe beaucoup plus à l’implication personnelle selon une certaine façon de concevoir le monde et la place qu’on y occupe. On peut apprendre à enseigner en apprivoisant théories et techniques, mais on devient enseignant en prenant position face à nous-mêmes et face à ces théories et techniques. L’identité n’est jamais terminée, elle reste ouverte face aux possibilités de restructuration et d’enrichissement.
Apprendre à enseigner, pour un nombre croissant de théoriciens, c’est en fait la construction de son identité comme enseignant, où l’identité se réfère à la connaissance de soi et la capacité qu’a un individu à se raconter, se décrire, se nommer, ainsi que la reconnaissance qu’ont les autres de cet individu comme étant tel ou tel type de personne. C’est un processus de regard tourné sur soi, sur ce que l’on fait, ce que l’on est capable de faire, sur ce en quoi l’on croit. Si cela semble aller de soi pour vous, croyez-moi lorsque je vous dis que c’est particulièrement bouleversant pour des étudiants en formation. En outre, il y a cette dialectique entre l’identité que nous assigne la société, parcellaire, unidimensionnelle, techniciste et souvent neutre et celle qui se construit : culturelle, politique, personnelle, collective.
Voilà la porte d’entrée du pouvoir éthique de l’enseignant, dans cette dialectique et dans la reconnaissance des relations de pouvoir qui jouent sur la formation de l’identité, dans cette marge de liberté qui amène nécessairement la réflexion et l’éthique – car du moment où l’on dispose de liberté d’action, il est question d’éthique. La formation d’une identité éthique, nourrie d’une réflexion sur les relations de pouvoir, sa philosophie personnelle, culturelle et politique de l’éducation, offre aux enseignants la possibilité d’augmenter leur liberté, leur pouvoir d’action et les marges de manœuvre transformative de l’école
samedi 22 mars 2008
Rage légitime
Il y a des journées Rage (merci Charles-Antoine)
It has to start somewhere
It has to start sometime
What better place than here
What better time than now
All hell can't stop us now
Rage against the machine - Guerilla Radio
It has to start somewhere
It has to start sometime
What better place than here
What better time than now
All hell can't stop us now
Rage against the machine - Guerilla Radio
jeudi 20 mars 2008
Le positivisme selon Giroux
Ceux qui me connaissent le savent, je suis allergique au positivisme comme paradigme ontologique et épistémologique. Seul le paradigme interprétatif peut nous mener à comprendre et transformer la condition humaine.
Henry Giroux propose une critique mordante du positivisme dans nombre de ses ouvrages. Mais celle que je préfère se trouve dans Ideology, Culture and the Process of Schooling (1981) :
«Functioning both as an ideology and a productive force in the interest of a ruling elite, the culture of positivism cannot be viewed as simply a set of beliefs, smoothly functioning so as to rationalize the existing society. It is more than that. The point here is that the culture of positivism is not just a set of ideas, disseminated by the culture industry; it is also a material force, a set of material practices that are embedded in the routines and experiences of our daily lives. In a sense, the daily rhythm of our lives is structured, in part, by the technical imperatives of a society that objectifies all it touches. [...] Silent about its own ideology, the culture of positivism provides no conceptual insight into how oppression might mask itself in the language and lived experiences of daily life.» (44-45). La grande Marta Anadon l'a dit à maintes reprises : le positivisme était là en premier, il s'est établi sans qu'on ne ressente le besoin de justifier ses assises idéologiques ou ontologiques. À l'inverse, le paradigme interprétatif, qui date au moins de l'école de Chicago, se justifie encore - mais est honnête dans sa vision du monde.
Comme le positivisme refuse de se définir comme une perspective historiquement construite (on pensera au Siècle des Lumières et à ses philosophes, entre autres), la culture du positivisme affirme sa supériorité par sa posture supposément suprahistorique et supraculturelle. La théorie et la méthode sont présentées comme historiquement neutres. Incapable de réfléchir à ses propres présuppositions ou de fournir un modèle général de réflexion critique, le positivisme se targue à appuyer aveuglement le statu quo et à rejeter l'histoire comme medium d'action politique.
Le positivisme alimente une vision unidimensionnelle et non-dialectique du monde, nie le monde politique et est sans vision de l'avenir, puisqu'intemporel. De plus, il nie la possibilité que les êtres humains peuvent créer leur propre réalité et modifier et changer cette réalité face à la domination.
Enveloppée dans la logique de la fragmentation et de la spécialisation, la rationalité positiviste divorce les faits de leurs contextes sociaux et historiques et finit par glorifier la méthode scientifique aux dépens d'un mode de pensée réellement rationnel. Dans ces conditions, l'interdépendance des savoirs, l'imagination, la volonté et la créativité sont perdus dans une réducation de tous les phénomènes aux impératifs de la formulation empirique et objective.
Traduction libre, Giroux, 1981, p. 45
Henry Giroux propose une critique mordante du positivisme dans nombre de ses ouvrages. Mais celle que je préfère se trouve dans Ideology, Culture and the Process of Schooling (1981) :
«Functioning both as an ideology and a productive force in the interest of a ruling elite, the culture of positivism cannot be viewed as simply a set of beliefs, smoothly functioning so as to rationalize the existing society. It is more than that. The point here is that the culture of positivism is not just a set of ideas, disseminated by the culture industry; it is also a material force, a set of material practices that are embedded in the routines and experiences of our daily lives. In a sense, the daily rhythm of our lives is structured, in part, by the technical imperatives of a society that objectifies all it touches. [...] Silent about its own ideology, the culture of positivism provides no conceptual insight into how oppression might mask itself in the language and lived experiences of daily life.» (44-45). La grande Marta Anadon l'a dit à maintes reprises : le positivisme était là en premier, il s'est établi sans qu'on ne ressente le besoin de justifier ses assises idéologiques ou ontologiques. À l'inverse, le paradigme interprétatif, qui date au moins de l'école de Chicago, se justifie encore - mais est honnête dans sa vision du monde.
Comme le positivisme refuse de se définir comme une perspective historiquement construite (on pensera au Siècle des Lumières et à ses philosophes, entre autres), la culture du positivisme affirme sa supériorité par sa posture supposément suprahistorique et supraculturelle. La théorie et la méthode sont présentées comme historiquement neutres. Incapable de réfléchir à ses propres présuppositions ou de fournir un modèle général de réflexion critique, le positivisme se targue à appuyer aveuglement le statu quo et à rejeter l'histoire comme medium d'action politique.
Le positivisme alimente une vision unidimensionnelle et non-dialectique du monde, nie le monde politique et est sans vision de l'avenir, puisqu'intemporel. De plus, il nie la possibilité que les êtres humains peuvent créer leur propre réalité et modifier et changer cette réalité face à la domination.
Enveloppée dans la logique de la fragmentation et de la spécialisation, la rationalité positiviste divorce les faits de leurs contextes sociaux et historiques et finit par glorifier la méthode scientifique aux dépens d'un mode de pensée réellement rationnel. Dans ces conditions, l'interdépendance des savoirs, l'imagination, la volonté et la créativité sont perdus dans une réducation de tous les phénomènes aux impératifs de la formulation empirique et objective.
Traduction libre, Giroux, 1981, p. 45
Quelques mots au sujet d'Henry Giroux
«Most deans I meet have minds unburdened by complicated thought» (Henry Giroux, le 14 mars 2008, McGill).
La meilleure façon de décrire la pensée d’Henry Giroux, je crois, est de prendre la rigueur intellectuelle du matérialisme dialectique, l’analyse profonde de Gramsci, la théorie critique de l’école de Gramsci et l’espoir et l’amour radical de Freire.
Étrange mélange, vous me direz sûrement… peut-être, mais le résultat est un être humain particulièrement extraordinaire, qu’il faut vraiment apprendre à connaître par ses écrits.
Le premier livre que j’ai lu d’Henry Giroux est Ideology, Culture and the Process of Schooling. Non seulement ce livre a-t-il changé la façon dont je vois l’école et l’éducation, mais il a aussi ajouté l’espoir à mon marxisme.
Ce que j’affectionne particulièrement chez Giroux, c’est la marge de manœuvre, la possibilité de transformation qu’il dégage des situations qui peuvent sembler sans issue: «…it is important to demonstrate that hegemony in any of its forms or processes does not represent a cohesive force. Instead, it is riddled with contradictions and tensions that open up the counter-hegemonic struggle…» (Giroux, 1981 : 24). «Radical educators must seize the positive moment that exists amidst the cracks and disjunctions created by oppositional forces that are only partially realized in the schools. To do so, represents a crucial step in translating political understanding into the kind of political struggle that might contest not only the hegemonic practices of the school but also could trace their source back to the wider society. » (31) Les enseignants accompagnent ainsi les élèves dans le développement de leur conscience critique, mais à partir des référents et de la culture première de ces premiers.
Encore :
«In order to move beyond the false notion that schools are merely sites that impose dominant hegemonic meanings and values upon relatively passive students and teachers, a notion of ideology has to be developed that provides an analysis of how schools sustain and produce ideologies as well as how individuals and groups in concrete relationships negotiate, resist or accept them. It suggests looking at the way a dominant ideology is inscribed in : (1) the form and content of classroom material; (2) the organization of the school; (3) the daily classroom social relationships; (4) the principles that structure the selection and organization of the curriculum; (5) the attitudes of the school staff; and (6) the discourse and practices of even those who appear to have penetrated its logic.» (22) Je trouve cet exercice impératif et très enrichissant à essayer avec les élèves du secondaire. J'ai tenté l'expérience de cette analyse avec des élèves de troisième secondaire, et les résultats étaient hallucinants.
Le discours qu’il a prononcé lors du lancement du Projet international Paulo et Nita Freire pour la pédagogie critique traitait de la façon dont la société néolibérale nie l’humanité et l’espoir que représentent les jeunes aux États-Unis. Avant les 15 dernières années, on investissait dans l’éducation, dans l’aide aux jeunes, parce que les jeunes constituent l’avenir. On disait que les jeunes avaient des problèmes qu’il fallait régler, qu’ils vivaient des menaces qu’il fallait éliminer. Aujourd’hui, le discours (particulièrement pour les jeunes de descendance africaine ou latinoaméricaine) est plutôt que les jeunes sont le problème, qu’ils sont la menace. L’avenir devient ainsi problématique et menaçant, les jeunes doivent être la cible d’une régulation sociale proactive et intense (Giroux nous raconte l’histoire d’une petite fille de 6 ans qui a été retirée de sa classe de maternelle par la police parce qu’elle faisait une crise – elle n’a frappé personne, en passant – et a été menotée (au-dessus des coudes, ses poignets étant trop petits) et traîné jusqu’à la station de police). Aussi, une infraction au code vestimentaire peut conduire un élève en prison ! Les jeunes sont jetables, leur contribution non seulement remise en question, mais rejetée d’emblée. Autant d’arguments pour la droite qui veut maintenir le statu quo ou justifier l’érosion de l’État providence comme inutile pour une génération ingrate.
Mais comme le dit si bien Giroux, les craques, les tensions et les contradictions qui caractérisent le discours hégémonique existent comme lieux de notre résistance. Identifions-les et profitons-en !
La meilleure façon de décrire la pensée d’Henry Giroux, je crois, est de prendre la rigueur intellectuelle du matérialisme dialectique, l’analyse profonde de Gramsci, la théorie critique de l’école de Gramsci et l’espoir et l’amour radical de Freire.
Étrange mélange, vous me direz sûrement… peut-être, mais le résultat est un être humain particulièrement extraordinaire, qu’il faut vraiment apprendre à connaître par ses écrits.
Le premier livre que j’ai lu d’Henry Giroux est Ideology, Culture and the Process of Schooling. Non seulement ce livre a-t-il changé la façon dont je vois l’école et l’éducation, mais il a aussi ajouté l’espoir à mon marxisme.
Ce que j’affectionne particulièrement chez Giroux, c’est la marge de manœuvre, la possibilité de transformation qu’il dégage des situations qui peuvent sembler sans issue: «…it is important to demonstrate that hegemony in any of its forms or processes does not represent a cohesive force. Instead, it is riddled with contradictions and tensions that open up the counter-hegemonic struggle…» (Giroux, 1981 : 24). «Radical educators must seize the positive moment that exists amidst the cracks and disjunctions created by oppositional forces that are only partially realized in the schools. To do so, represents a crucial step in translating political understanding into the kind of political struggle that might contest not only the hegemonic practices of the school but also could trace their source back to the wider society. » (31) Les enseignants accompagnent ainsi les élèves dans le développement de leur conscience critique, mais à partir des référents et de la culture première de ces premiers.
Encore :
«In order to move beyond the false notion that schools are merely sites that impose dominant hegemonic meanings and values upon relatively passive students and teachers, a notion of ideology has to be developed that provides an analysis of how schools sustain and produce ideologies as well as how individuals and groups in concrete relationships negotiate, resist or accept them. It suggests looking at the way a dominant ideology is inscribed in : (1) the form and content of classroom material; (2) the organization of the school; (3) the daily classroom social relationships; (4) the principles that structure the selection and organization of the curriculum; (5) the attitudes of the school staff; and (6) the discourse and practices of even those who appear to have penetrated its logic.» (22) Je trouve cet exercice impératif et très enrichissant à essayer avec les élèves du secondaire. J'ai tenté l'expérience de cette analyse avec des élèves de troisième secondaire, et les résultats étaient hallucinants.
Le discours qu’il a prononcé lors du lancement du Projet international Paulo et Nita Freire pour la pédagogie critique traitait de la façon dont la société néolibérale nie l’humanité et l’espoir que représentent les jeunes aux États-Unis. Avant les 15 dernières années, on investissait dans l’éducation, dans l’aide aux jeunes, parce que les jeunes constituent l’avenir. On disait que les jeunes avaient des problèmes qu’il fallait régler, qu’ils vivaient des menaces qu’il fallait éliminer. Aujourd’hui, le discours (particulièrement pour les jeunes de descendance africaine ou latinoaméricaine) est plutôt que les jeunes sont le problème, qu’ils sont la menace. L’avenir devient ainsi problématique et menaçant, les jeunes doivent être la cible d’une régulation sociale proactive et intense (Giroux nous raconte l’histoire d’une petite fille de 6 ans qui a été retirée de sa classe de maternelle par la police parce qu’elle faisait une crise – elle n’a frappé personne, en passant – et a été menotée (au-dessus des coudes, ses poignets étant trop petits) et traîné jusqu’à la station de police). Aussi, une infraction au code vestimentaire peut conduire un élève en prison ! Les jeunes sont jetables, leur contribution non seulement remise en question, mais rejetée d’emblée. Autant d’arguments pour la droite qui veut maintenir le statu quo ou justifier l’érosion de l’État providence comme inutile pour une génération ingrate.
Mais comme le dit si bien Giroux, les craques, les tensions et les contradictions qui caractérisent le discours hégémonique existent comme lieux de notre résistance. Identifions-les et profitons-en !
mercredi 19 mars 2008
Ode à mes collègues de doctorat
« Chaque homme est une porte entr’ouverte conduisant à une pièce pour tout le monde. » Tomas Transtromer
Il est rare que l’on trouve, regroupés dans une même pièce, tant de personnes soucieuses de leurs prochains, fermement engagés à contribuer à l’amélioration de la vie des autres. Mes collègues de doctorat sont comme ça. Qu’il s’agisse d’aider les enfants victimes d’agression sexuelle, de comprendre comment les jeunes immigrants s’intègrent à notre société, comment aider les enfants avec des troubles d’apprentissage persistants, comprendre le marasme de l’éducation en Haïti, rendre notre propre système plus humain en étudiant le système finlandais, accompagner les enseignants de CEGEP, elles et ils sont là pour les autres et elles et ils travaillent avec acharnement.
Ce n’est pas facile de se soumettre, ainsi que son ego, à la critique et à la remise en question. Mais j’ai découvert chez mes collègues une résilience, une force de conviction qui en font des force de la nature et je suis reconnaissante de les connaître.
Et je leur souhaite solidarité, émerveillement devant le potentiel de leurs actions et le bonheur de se sentir écouté, parce que ce qu’ils et elles ont à dire, c’est magistral !
Il est rare que l’on trouve, regroupés dans une même pièce, tant de personnes soucieuses de leurs prochains, fermement engagés à contribuer à l’amélioration de la vie des autres. Mes collègues de doctorat sont comme ça. Qu’il s’agisse d’aider les enfants victimes d’agression sexuelle, de comprendre comment les jeunes immigrants s’intègrent à notre société, comment aider les enfants avec des troubles d’apprentissage persistants, comprendre le marasme de l’éducation en Haïti, rendre notre propre système plus humain en étudiant le système finlandais, accompagner les enseignants de CEGEP, elles et ils sont là pour les autres et elles et ils travaillent avec acharnement.
Ce n’est pas facile de se soumettre, ainsi que son ego, à la critique et à la remise en question. Mais j’ai découvert chez mes collègues une résilience, une force de conviction qui en font des force de la nature et je suis reconnaissante de les connaître.
Et je leur souhaite solidarité, émerveillement devant le potentiel de leurs actions et le bonheur de se sentir écouté, parce que ce qu’ils et elles ont à dire, c’est magistral !
dimanche 16 mars 2008
Solidarité avec le peuple tibétain
« Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche, ma voix, la liberté de celles qui s’affaissent au cachot du désespoir. » Aimé Césaire
Il y aurait au moins 80 morts depuis hier à Lhassa. Les manifestations auraient atteint les provinces chinoises voisines du Tibet.
Comme c'était le cas en Birmanie, les moines bouddhistes mènent la lutte contre la répression. Et comme c'était le cas à ce moment là, le monde regarde les événements avec peu de compassion. Les gouvernements dénoncent très tièdement (s'ils dénoncent) les actions de Beijing. J'ai vu hier que le sécrétaire britannique des affaires étrangères appelait à la retenu des deux côtés. Parce qu'un moine bouddhiste non-armé, c'est aussi dangereux qu'un soldat de l'armée chinoise et que tout son appareil militaire.
La mainmise de la Chine dans le secteur manufacturier pèse plus lourd que les droits humains, grosse surprise.
On trouve des pétitions un peu partout en ligne, dont ici.
Il y aurait au moins 80 morts depuis hier à Lhassa. Les manifestations auraient atteint les provinces chinoises voisines du Tibet.
Comme c'était le cas en Birmanie, les moines bouddhistes mènent la lutte contre la répression. Et comme c'était le cas à ce moment là, le monde regarde les événements avec peu de compassion. Les gouvernements dénoncent très tièdement (s'ils dénoncent) les actions de Beijing. J'ai vu hier que le sécrétaire britannique des affaires étrangères appelait à la retenu des deux côtés. Parce qu'un moine bouddhiste non-armé, c'est aussi dangereux qu'un soldat de l'armée chinoise et que tout son appareil militaire.
La mainmise de la Chine dans le secteur manufacturier pèse plus lourd que les droits humains, grosse surprise.
On trouve des pétitions un peu partout en ligne, dont ici.
J'en vomirais...
Incroyable mais vrai, des experts qui travaillent pour les corps policiers britanniques veulent que les enfants soient soumis à des prélèvements d'ADN dès qu'ils démontrent des «comportements qui pourraient en faire des criminels plus tard». Et le plus jeune possible, selon cet article du Guardian.
«You can carry out a risk factor analysis where you look at the characteristics of an individual child aged five to seven and identify risk factors that make it more likely that they would become an offender.»
En réalité, bien que cela semble tout droit sorti d'un roman de science-fiction, c'est une pratique qui affecte déjà les jeunes âgés de 10 ans et plus ...
« Last week it emerged that the number of 10 to 18-year-olds placed on the DNA database after being arrested will have reached around 1.5 million this time next year. Since 2004 police have had the power to take DNA samples from anyone over the age of 10 who is arrested, regardless of whether they are later charged, convicted, or found to be innocent.»
J'aime bien la réaction du président de l'association des directeurs d'écoles primaires (primary headteachers) Chris Davis, selon qui «most teachers and parents would find the suggestion an 'anathema' and potentially very dangerous. 'It could be seen as a step towards a police state,' he said. 'It is condemning them at a very young age to something they have not yet done. They may have the potential to do something, but we all have the potential to do things. To label children at that stage and put them on a register is going too far.»
Davis admet que les enseignants peuvent souvent identifier les enfants qui ont le potentiel d'avoir une vie adulte plus mouvementée, mais leur travail est de les appuyer et de les aider, pas de les condamner.
«You can carry out a risk factor analysis where you look at the characteristics of an individual child aged five to seven and identify risk factors that make it more likely that they would become an offender.»
En réalité, bien que cela semble tout droit sorti d'un roman de science-fiction, c'est une pratique qui affecte déjà les jeunes âgés de 10 ans et plus ...
« Last week it emerged that the number of 10 to 18-year-olds placed on the DNA database after being arrested will have reached around 1.5 million this time next year. Since 2004 police have had the power to take DNA samples from anyone over the age of 10 who is arrested, regardless of whether they are later charged, convicted, or found to be innocent.»
J'aime bien la réaction du président de l'association des directeurs d'écoles primaires (primary headteachers) Chris Davis, selon qui «most teachers and parents would find the suggestion an 'anathema' and potentially very dangerous. 'It could be seen as a step towards a police state,' he said. 'It is condemning them at a very young age to something they have not yet done. They may have the potential to do something, but we all have the potential to do things. To label children at that stage and put them on a register is going too far.»
Davis admet que les enseignants peuvent souvent identifier les enfants qui ont le potentiel d'avoir une vie adulte plus mouvementée, mais leur travail est de les appuyer et de les aider, pas de les condamner.
Donaldo Macedo et Nita Freire
« J’installe ma lucidité au milieu de ce qui la nie. J’exalte l’homme devant ce qui l’écrase et ma liberté, ma révolte et ma passion se rejoignent alors dans cette tension, cette clairvoyance et cette répétition démesurée. » Albert Camus
Vous me permettrez de fractionner mon expérience en quelques billets, c'est beaucoup trop pour un seul !
Donaldo Macedo est traducteur et collaborateur de Freire pendant des années. Ses ouvrages personnels les mieux connus sont Literacies of Power: What Americans Are Not Allowed to Know et The Globalization of Racism. Avec Freire, il a écrit Literacy: Reading the Word and the World et avec Howard Zinn (pour qui j'éprouve une admiration et une gratitude sans borne... il faut lire Une histoire populaire des États-Unis), Howard Zinn on Democratic Education.
Macedo sourit toujours. Ses yeux pétillent - d'amour radical, je dirais ! Il semblait tellement content d'être à cet événement (il est venu de Boston où il enseigne à Boston University). Il nous a lu les excuses de Lula qui aurait être là mais qui était retenu au Brésil. Puis il nous a parlé de Freire et de sa négation totale du fatalisme, de l'importance d'accueillir l'histoire comme possibilité, de la repenser, ainsi que son contexte, afin de permettre l'autocorrection des sociétés. Il dit que l'absence de Freire le frappe douloureusement tous les jours et honnêtement, je n'ai aucune peine à le croire.
Il nous a présenté Nita Freire comme une muse intellectuelle pour Freire, qui lui a permis de repenser sa position épistémologique et idéologique.
Nita Freire a commencé sa participation au projet en remettant à Joe Kincheloe et à sa partenaire, Shirley Steinberg (une autre grande pédagogue critique) le doctorat honorifique remis à Paulo Freire par l'Université d'Hambourg, ainsi que un nombre important de carnets remplis des notes de Freire (il ne se servait jamais de machines, il n'écrivait qu'à la main). Mais j'avoue avoir pleuré chaudement dans mon foulard quand elle leur a remis les lunettes de son mari. Elle était visiblement émue, Kincheloe et Steinberg aussi. Ces items feront partie des archives du projet.
NIta Freire est une dame discrète, délicate. Elle nous entretient en portugais, avec Macedo pour traduire. Elle nous raconte sa vie avec Paulo et leur collaboration intellectuelle. Mais c'est son explication de l'évolution de la pensée de Freire et de ses fondements qui me marque (les contributions de ses parents à cette pensée, la contribution des théoriciens, la contribution la plus importante, celle des hommes et des femmes de Recife, travailleurs exploités, illettrés, à qui l'on a nié leur propre humanité). L'importance de revenir aux gens sur le terrain est ce qui nous frappe de la pensée freirienne, l'importance de l'action, de retrouver son pouvoir d'agir pour devenir non plus l'objet d'exploitation, mais le sujet de l'histoire qui s'écrit. Pas une action aveugle, pas de pensée magique, mais une action qui est le fruit d'une réflexion et d'une analyse rigoureuse qui nous mène à la conscience critique. À tous les pédagogues critiques de ce monde le message est clair : on agit avec, pas sur. On agit pour eux et pour nous en même temps, pour nous transformer par notre participation à leur transformation.
Je souffle et je vous reviens avec l'hallucinant Henry Giroux.
Vous me permettrez de fractionner mon expérience en quelques billets, c'est beaucoup trop pour un seul !
Donaldo Macedo est traducteur et collaborateur de Freire pendant des années. Ses ouvrages personnels les mieux connus sont Literacies of Power: What Americans Are Not Allowed to Know et The Globalization of Racism. Avec Freire, il a écrit Literacy: Reading the Word and the World et avec Howard Zinn (pour qui j'éprouve une admiration et une gratitude sans borne... il faut lire Une histoire populaire des États-Unis), Howard Zinn on Democratic Education.
Macedo sourit toujours. Ses yeux pétillent - d'amour radical, je dirais ! Il semblait tellement content d'être à cet événement (il est venu de Boston où il enseigne à Boston University). Il nous a lu les excuses de Lula qui aurait être là mais qui était retenu au Brésil. Puis il nous a parlé de Freire et de sa négation totale du fatalisme, de l'importance d'accueillir l'histoire comme possibilité, de la repenser, ainsi que son contexte, afin de permettre l'autocorrection des sociétés. Il dit que l'absence de Freire le frappe douloureusement tous les jours et honnêtement, je n'ai aucune peine à le croire.
Il nous a présenté Nita Freire comme une muse intellectuelle pour Freire, qui lui a permis de repenser sa position épistémologique et idéologique.
Nita Freire a commencé sa participation au projet en remettant à Joe Kincheloe et à sa partenaire, Shirley Steinberg (une autre grande pédagogue critique) le doctorat honorifique remis à Paulo Freire par l'Université d'Hambourg, ainsi que un nombre important de carnets remplis des notes de Freire (il ne se servait jamais de machines, il n'écrivait qu'à la main). Mais j'avoue avoir pleuré chaudement dans mon foulard quand elle leur a remis les lunettes de son mari. Elle était visiblement émue, Kincheloe et Steinberg aussi. Ces items feront partie des archives du projet.
NIta Freire est une dame discrète, délicate. Elle nous entretient en portugais, avec Macedo pour traduire. Elle nous raconte sa vie avec Paulo et leur collaboration intellectuelle. Mais c'est son explication de l'évolution de la pensée de Freire et de ses fondements qui me marque (les contributions de ses parents à cette pensée, la contribution des théoriciens, la contribution la plus importante, celle des hommes et des femmes de Recife, travailleurs exploités, illettrés, à qui l'on a nié leur propre humanité). L'importance de revenir aux gens sur le terrain est ce qui nous frappe de la pensée freirienne, l'importance de l'action, de retrouver son pouvoir d'agir pour devenir non plus l'objet d'exploitation, mais le sujet de l'histoire qui s'écrit. Pas une action aveugle, pas de pensée magique, mais une action qui est le fruit d'une réflexion et d'une analyse rigoureuse qui nous mène à la conscience critique. À tous les pédagogues critiques de ce monde le message est clair : on agit avec, pas sur. On agit pour eux et pour nous en même temps, pour nous transformer par notre participation à leur transformation.
Je souffle et je vous reviens avec l'hallucinant Henry Giroux.
Lancement du projet international Paulo et Nita Freire pour la pédagogie critique
« Est mien seulement ce en quoi je reconnais mon être, et je ne peux le reconnaître que là où il est engagé. » Simone de Beauvoir
que d'émotions fortes ! Une salle remplie d'éducateur de tous les milieux possibles, les enfants de Freire, Henry Giroux, Nota Freire, Donaldo Macedo...
et Joe Kincheloe qui explique la motivation du projet : former un réseau de pédagogues critiques du monde entier, dans lequel l'Amérique du Nord écoute le reste du monde ... une conversation, dit-il, moins blanche, moins masculine, dédiée aux formes internationales de justice.
Les pédagogues critiques sont fâchés, dit Kincheloe, mais ils sont aussi humble et de façon encore plus importante, animés par l'amour radical (radical love). Cet amour radical nous vient de Freire, et c'est cette idée que l'on aime assez l'humanité pour vouloir l'aider, agir sur elle mais surtout avec elle pour sa transformation, afin qu'elle puisse lire le monde.
Enfin, Kincheloe nous rappelle qu'il est de la tâche des pédagogues critiques de briser la hiérarchie institutionnelle qui relègue l'éducation et la recherche en éducation à un échelon inférieur, rarement considéré pour le financement ou comme ayant quelque valeur que ce soit dans les milieux universitaires. Je ne suis pas certaine que ce soit le cas partout, mais Kincheloe était vraiment fâché et sincère, j'en déduis qu'il a vécu des moments décourageants dans sa carrière !
En passant, Kincheloe est détenteur de la chaire de recherche du Canada pour la pédagogie critique.
que d'émotions fortes ! Une salle remplie d'éducateur de tous les milieux possibles, les enfants de Freire, Henry Giroux, Nota Freire, Donaldo Macedo...
et Joe Kincheloe qui explique la motivation du projet : former un réseau de pédagogues critiques du monde entier, dans lequel l'Amérique du Nord écoute le reste du monde ... une conversation, dit-il, moins blanche, moins masculine, dédiée aux formes internationales de justice.
Les pédagogues critiques sont fâchés, dit Kincheloe, mais ils sont aussi humble et de façon encore plus importante, animés par l'amour radical (radical love). Cet amour radical nous vient de Freire, et c'est cette idée que l'on aime assez l'humanité pour vouloir l'aider, agir sur elle mais surtout avec elle pour sa transformation, afin qu'elle puisse lire le monde.
Enfin, Kincheloe nous rappelle qu'il est de la tâche des pédagogues critiques de briser la hiérarchie institutionnelle qui relègue l'éducation et la recherche en éducation à un échelon inférieur, rarement considéré pour le financement ou comme ayant quelque valeur que ce soit dans les milieux universitaires. Je ne suis pas certaine que ce soit le cas partout, mais Kincheloe était vraiment fâché et sincère, j'en déduis qu'il a vécu des moments décourageants dans sa carrière !
En passant, Kincheloe est détenteur de la chaire de recherche du Canada pour la pédagogie critique.
samedi 15 mars 2008
Quand le corps des femmes devient politique
Cette semaine, l'Action démocratique du Québec, ce groupe fascisant de sens commun, s'est opposé à l'augmentation de l'immigration au Québec. Dans un mépris évident pour ceux qui enrichissent nos communautés, Mario Dumont a clairement affiché, encore une fois, qu'il est un démagogue de la pire espèce et particulièrement dangereux pour l'avenir du Québec. Le lendemain de l'annonce de son opposition, l'ADQ proposait une nouvelle «revanche des berceaux» grâce à un bébé-bonus pour les troisièmes enfants. Comme ce parti ferme la porte à l'immigration, on peut deviner que les bébés que l'on souhaite seront «pur-laine» et bientôt enrôlés dans la Jeunesse dumontienne. Zig Heil !
Ainsi donc, nos utérus, nos vies sont réclamés pour servir la cause de la francophonie québécoise. Le corps des femmes devient à nouveau le champs de bataille politique. Inscrit sur nos corps et étouffant le contrôle qu'on peut y avoir, le souhait des Harper et Dumont de ce monde : La femme exclue de la sphère publique et enfermée dans la gynécée moderne de la sphère privée.
D'ailleurs, pour les femmes, la division entre les sphères publiques et privées, telle que reproduite dans tous les univers sociaux, risque d'encourager la construction d'une identité féminine où le soi est défini de façon déséquilibrée, privilégiant les relations interpersonnelles par dessus la participation active et le développement de l'autosuffisance (Barnett, Biener et Baruch, 1996).
Dans la vision du monde de ces hommes qui nous enferment, d'emblée, la séparation du public et du privé sous-entend que les capacités féminines, si utiles dans le domaine privé, sont inférieures ou mésadaptées dans le domaine public. La sphère domestique est perçue comme étant expressive, émotive et maternelle, alors que la sphère publique est instrumentale, compétitive et rationnelle. Les exigences de la maternité font en sorte que les femmes sont socialisées dans le but de développer la capacité et le besoin de contacts interpersonnels intimes, alors que les hommes développent les capacités et le besoin d'autonomie et d'instrumentalité.
De plus, toujours selon cette vision, Il n’y a pas de réalité féminine dans notre conception des structures de pouvoir, il y a une réalité humaine qui est réduite à celle de l’homme blanc l’occidental puisque c’est lui qui détient le monopole de l’analyse rationnelle et, par conséquent, de la compréhension des phénomènes sociaux. Ainsi, les Dumont de ce monde proposent des solutions qui feront l'affaire de ces messieurs qui gardent la mainmise sur la sphère publique.
Il faut répondre aux problèmes sociaux de façon globale, nous dit-on, puisque c’est ainsi que l’on peut rejoindre la collectivité. Pour ce faire, on se base sur un sujet qui est la norme, soit l’homme blanc de classe moyenne. Les Autres n’existent pas : « somewhere in the presentation of male reality and male perspectives as the totality of human experience, women have ceased to exist in a serious and visible way. » (Thompson, 1997 : 29) « Women have become marginal to the general concerns of human existence, which is in fact male existence. » (Thompson, 1997 : 30).
J'en ai marre et je dis que c'est assez.
Vous voulez plus d'enfants au Québec ? Alors ouvrez la porte à ces familles au précipice de la famine, de la violence répressive, d'une vie indigne et douloureuse. Ouvrez la porte aux femmes meurtries, pourchassées, brûlées, lapidées, réduites à une nonexistence par vos confrères. Ouvrez-leur la place en priorité, avant ces riches que vous privilégiez pour leur contribution monétaire plutôt qu'humaine.
Transformez la société québécoise pour qu'elle soit humaine, emplie de compassion et ouverte à la contribution de toutes et tous.
Ainsi donc, nos utérus, nos vies sont réclamés pour servir la cause de la francophonie québécoise. Le corps des femmes devient à nouveau le champs de bataille politique. Inscrit sur nos corps et étouffant le contrôle qu'on peut y avoir, le souhait des Harper et Dumont de ce monde : La femme exclue de la sphère publique et enfermée dans la gynécée moderne de la sphère privée.
D'ailleurs, pour les femmes, la division entre les sphères publiques et privées, telle que reproduite dans tous les univers sociaux, risque d'encourager la construction d'une identité féminine où le soi est défini de façon déséquilibrée, privilégiant les relations interpersonnelles par dessus la participation active et le développement de l'autosuffisance (Barnett, Biener et Baruch, 1996).
Dans la vision du monde de ces hommes qui nous enferment, d'emblée, la séparation du public et du privé sous-entend que les capacités féminines, si utiles dans le domaine privé, sont inférieures ou mésadaptées dans le domaine public. La sphère domestique est perçue comme étant expressive, émotive et maternelle, alors que la sphère publique est instrumentale, compétitive et rationnelle. Les exigences de la maternité font en sorte que les femmes sont socialisées dans le but de développer la capacité et le besoin de contacts interpersonnels intimes, alors que les hommes développent les capacités et le besoin d'autonomie et d'instrumentalité.
De plus, toujours selon cette vision, Il n’y a pas de réalité féminine dans notre conception des structures de pouvoir, il y a une réalité humaine qui est réduite à celle de l’homme blanc l’occidental puisque c’est lui qui détient le monopole de l’analyse rationnelle et, par conséquent, de la compréhension des phénomènes sociaux. Ainsi, les Dumont de ce monde proposent des solutions qui feront l'affaire de ces messieurs qui gardent la mainmise sur la sphère publique.
Il faut répondre aux problèmes sociaux de façon globale, nous dit-on, puisque c’est ainsi que l’on peut rejoindre la collectivité. Pour ce faire, on se base sur un sujet qui est la norme, soit l’homme blanc de classe moyenne. Les Autres n’existent pas : « somewhere in the presentation of male reality and male perspectives as the totality of human experience, women have ceased to exist in a serious and visible way. » (Thompson, 1997 : 29) « Women have become marginal to the general concerns of human existence, which is in fact male existence. » (Thompson, 1997 : 30).
J'en ai marre et je dis que c'est assez.
Vous voulez plus d'enfants au Québec ? Alors ouvrez la porte à ces familles au précipice de la famine, de la violence répressive, d'une vie indigne et douloureuse. Ouvrez la porte aux femmes meurtries, pourchassées, brûlées, lapidées, réduites à une nonexistence par vos confrères. Ouvrez-leur la place en priorité, avant ces riches que vous privilégiez pour leur contribution monétaire plutôt qu'humaine.
Transformez la société québécoise pour qu'elle soit humaine, emplie de compassion et ouverte à la contribution de toutes et tous.
lundi 10 mars 2008
Sur l'approche par compétence
Magnifique article et Jonnaert et al. (2004) qui nous rappelle que ce qui a précédé l'approche par compétence dans le système scolaire québécois était un asservissement aux impératifs du monde de l'entreprise...
«Ce choix de se référer à une logique de compétences pour le développement des programmes d’études n’est pas gratuit. Il répond à une pression politique évidente. Mais cette situation n’est pas caractéristique des choix qui sont posés aujourd’hui pour les programmes d’études. De tout temps, l’école a cherché à répondre aux attentes sociales de son époque. Il n’en était pas autrement de la pédagogie par objectifs. L’approche taylorienne de l’organisation du travail en entreprise consiste à rendre séquentielles les tâches des travailleurs. Jusqu’au début de la dernière décennie, c’est dans cette perspective que les programmes scolaires ont découpé leurs contenus en de multiples micro-objectifs, permettant ainsi à l’école de préparer les élèves à une forme morcelée du travail, dont le modèle exacerbé était sans nul doute le travail à la chaîne. Le travail était alors divisé en une multitude de tâches parcellisées que chacun exécutait de façon isolée, ignorant ce que réalisaient les autres travailleurs et la signification globale de l’ensemble de ces tâches.
Le Boterf (2001) établit un parallélisme entre cette vision du travail en entreprise et le courant pédagogique dominant de l’époque : la pédagogie par objectifs. Cette dernière offrait à l’école la possibilité de développer des approches cohérentes avec les attentes sociales du moment. À cette époque, Minder (1977) ne définissait-il pas l’éducation comme une « entreprise de modification du comportement » ? Ce point de vue faisait autorité dans les établissements de formation des maîtres et, par voie de conséquence, dans les écoles. Les enseignantes et les enseignants programmaient leurs activités selon une logique, une technique et une terminologie largement influencées par une pédagogie par objectifs. Par ce choix, le système éducatif dans son ensemble s’inscrivait résolument dans une perspective comportementaliste.
L’école, par l’organisation des apprentissages séquentiels, ne pouvait pas nier qu’elle se modelait sur le taylorisme, cadre organisationnel dominant du travail en entreprise. L’école montrait donc, au minimum, son allégeance au comportementalisme, dont la logique était largement admise par le monde de l’entreprise, dans une perspective de rentabilité. Taylorisme et comportementalisme ont inspiré le puissant courant de la pédagogie par objectifs qui domine depuis cinq décennies le monde de l’éducation, particulièrement en Amérique du Nord et au Québec. Ces choix étaient déjà faits sous les contraintes des contextes économiques et sociaux de l’époque.»
Contribution critique au développement des programmes d’études : compétences, constructivisme et interdisciplinarité
Revue des sciences de l'éducation Vol. 30, no 3, 2004
«Ce choix de se référer à une logique de compétences pour le développement des programmes d’études n’est pas gratuit. Il répond à une pression politique évidente. Mais cette situation n’est pas caractéristique des choix qui sont posés aujourd’hui pour les programmes d’études. De tout temps, l’école a cherché à répondre aux attentes sociales de son époque. Il n’en était pas autrement de la pédagogie par objectifs. L’approche taylorienne de l’organisation du travail en entreprise consiste à rendre séquentielles les tâches des travailleurs. Jusqu’au début de la dernière décennie, c’est dans cette perspective que les programmes scolaires ont découpé leurs contenus en de multiples micro-objectifs, permettant ainsi à l’école de préparer les élèves à une forme morcelée du travail, dont le modèle exacerbé était sans nul doute le travail à la chaîne. Le travail était alors divisé en une multitude de tâches parcellisées que chacun exécutait de façon isolée, ignorant ce que réalisaient les autres travailleurs et la signification globale de l’ensemble de ces tâches.
Le Boterf (2001) établit un parallélisme entre cette vision du travail en entreprise et le courant pédagogique dominant de l’époque : la pédagogie par objectifs. Cette dernière offrait à l’école la possibilité de développer des approches cohérentes avec les attentes sociales du moment. À cette époque, Minder (1977) ne définissait-il pas l’éducation comme une « entreprise de modification du comportement » ? Ce point de vue faisait autorité dans les établissements de formation des maîtres et, par voie de conséquence, dans les écoles. Les enseignantes et les enseignants programmaient leurs activités selon une logique, une technique et une terminologie largement influencées par une pédagogie par objectifs. Par ce choix, le système éducatif dans son ensemble s’inscrivait résolument dans une perspective comportementaliste.
L’école, par l’organisation des apprentissages séquentiels, ne pouvait pas nier qu’elle se modelait sur le taylorisme, cadre organisationnel dominant du travail en entreprise. L’école montrait donc, au minimum, son allégeance au comportementalisme, dont la logique était largement admise par le monde de l’entreprise, dans une perspective de rentabilité. Taylorisme et comportementalisme ont inspiré le puissant courant de la pédagogie par objectifs qui domine depuis cinq décennies le monde de l’éducation, particulièrement en Amérique du Nord et au Québec. Ces choix étaient déjà faits sous les contraintes des contextes économiques et sociaux de l’époque.»
Contribution critique au développement des programmes d’études : compétences, constructivisme et interdisciplinarité
Revue des sciences de l'éducation Vol. 30, no 3, 2004
mercredi 5 mars 2008
Bush et Cheney accusés de crimes contre la constitution
Dans deux petites villes du Vermont, Brattleboro and Marlboro :
«During yesterday's Vermont presidential primary, two small towns in the famously liberal state also approved resolutions indicting Bush and vice president Dick Cheney for "crimes against our Constitution".
No specific crimes are mentioned, but organisers of the anti-Bush effort have referred to perjury, obstruction of justice and war crimes related to the Iraq conflict. The resolutions ask town attorneys in Brattleboro and Marlboro to draft indictments without outlining how to enforce them, giving the charges little practical consequence.» Guardian, 5 mars 2008
On peut demander aux élèves de faire la même chose comme activité pédagogique ?
Situation-problème : Comment traduire le gouvernement de George W. Bush devant la justice pour les conséquences de ses politiques ?
Je crois qu'on pourrait apprendre et s'amuser beaucoup...
Je me servirais entre autres de ce discours de Noam Chomsky (Democracy Now !)
«Iraqis, it appears, accept the highest values of Americans. That ought to be good news. Specifically, they accept the principles of the Nuremberg Tribunal that sentenced Nazi war criminals to hanging for such crimes as supporting aggression and preemptive war. It was the main charge against von Ribbentrop, for example, whose position was—in the Nazi regime was that of Colin Powell and Condoleezza Rice. The Tribunal defined aggression very straightforwardly: aggression, in its words, is the “invasion of its armed forces” by one state “of the territory of another state.” That’s simple. Obviously, the invasion of Iraq and Afghanistan are textbook examples of aggression. And the Tribunal, as I’m sure you know, went on to characterize aggression as “the supreme international crime differing only from other war crimes in that it contains within itself all the accumulated evil of the whole.” So everything that follows from the aggression is part of the evil of the aggression.
Well, the good news from the US military survey of focus groups is that Iraqis do accept the Nuremberg principles. They understand that sectarian violence and the other postwar horrors are contained within the supreme international crime committed by the invaders. I think they were not asked whether their acceptance of American values extends to the conclusion of Justice Robert Jackson, chief prosecutor for the United States at Nuremberg. He forcefully insisted that the Tribunal would be mere farce if we do not apply the principles to ourselves.
Well, needless to say, US opinion, shared with the West generally, flatly rejects the lofty American values that were professed at Nuremberg, indeed regards them as bordering on obscene, as you could quickly discover if you try experimenting by suggesting that these values should be observed, as Iraqis insist. It’s an interesting illustration of the reality, some of the reality, that lies behind the famous “clash of civilizations.” Maybe not exactly the way we like to look at it. »
Merci, M. Chomsky !
«During yesterday's Vermont presidential primary, two small towns in the famously liberal state also approved resolutions indicting Bush and vice president Dick Cheney for "crimes against our Constitution".
No specific crimes are mentioned, but organisers of the anti-Bush effort have referred to perjury, obstruction of justice and war crimes related to the Iraq conflict. The resolutions ask town attorneys in Brattleboro and Marlboro to draft indictments without outlining how to enforce them, giving the charges little practical consequence.» Guardian, 5 mars 2008
On peut demander aux élèves de faire la même chose comme activité pédagogique ?
Situation-problème : Comment traduire le gouvernement de George W. Bush devant la justice pour les conséquences de ses politiques ?
Je crois qu'on pourrait apprendre et s'amuser beaucoup...
Je me servirais entre autres de ce discours de Noam Chomsky (Democracy Now !)
«Iraqis, it appears, accept the highest values of Americans. That ought to be good news. Specifically, they accept the principles of the Nuremberg Tribunal that sentenced Nazi war criminals to hanging for such crimes as supporting aggression and preemptive war. It was the main charge against von Ribbentrop, for example, whose position was—in the Nazi regime was that of Colin Powell and Condoleezza Rice. The Tribunal defined aggression very straightforwardly: aggression, in its words, is the “invasion of its armed forces” by one state “of the territory of another state.” That’s simple. Obviously, the invasion of Iraq and Afghanistan are textbook examples of aggression. And the Tribunal, as I’m sure you know, went on to characterize aggression as “the supreme international crime differing only from other war crimes in that it contains within itself all the accumulated evil of the whole.” So everything that follows from the aggression is part of the evil of the aggression.
Well, the good news from the US military survey of focus groups is that Iraqis do accept the Nuremberg principles. They understand that sectarian violence and the other postwar horrors are contained within the supreme international crime committed by the invaders. I think they were not asked whether their acceptance of American values extends to the conclusion of Justice Robert Jackson, chief prosecutor for the United States at Nuremberg. He forcefully insisted that the Tribunal would be mere farce if we do not apply the principles to ourselves.
Well, needless to say, US opinion, shared with the West generally, flatly rejects the lofty American values that were professed at Nuremberg, indeed regards them as bordering on obscene, as you could quickly discover if you try experimenting by suggesting that these values should be observed, as Iraqis insist. It’s an interesting illustration of the reality, some of the reality, that lies behind the famous “clash of civilizations.” Maybe not exactly the way we like to look at it. »
Merci, M. Chomsky !
Des chansons pour aborder les réalités sociales
Les Yankees (Richard Desjardins) – L’expansion européenne dans le monde (HEC, deuxième année du premier cycle secondaire)
Rouge sang (Saïen Supa Crew) – L’expansion du monde industriel (HEC, deuxième année du premier cycle secondaire) du rap français, le colonialisme et le postcolonialisme du point de vue des colonisés
J’tai ben étonné (Paul Piché) – La formation de la fédération canadienne (HEC, première année du deuxième cycle) L’amiantose, la syndicalisation – génial à étudier dans le contexte la grève d’Asbestos de 1949
Résistance (Loco Locass) – Revendications et lutte dans la colonie britannique (HEC, première année du deuxième cycle)
Pas une chanson mais un poème
Speak White (Michèle Lalonde) – La modernisation de la société québécoise (HEC, première année du deuxième cycle) un poème qui résume la réalité sociale entière, en fait.
Je propose une liste construite collectivement...
Rouge sang (Saïen Supa Crew) – L’expansion du monde industriel (HEC, deuxième année du premier cycle secondaire) du rap français, le colonialisme et le postcolonialisme du point de vue des colonisés
J’tai ben étonné (Paul Piché) – La formation de la fédération canadienne (HEC, première année du deuxième cycle) L’amiantose, la syndicalisation – génial à étudier dans le contexte la grève d’Asbestos de 1949
Résistance (Loco Locass) – Revendications et lutte dans la colonie britannique (HEC, première année du deuxième cycle)
Pas une chanson mais un poème
Speak White (Michèle Lalonde) – La modernisation de la société québécoise (HEC, première année du deuxième cycle) un poème qui résume la réalité sociale entière, en fait.
Je propose une liste construite collectivement...
Je réponds à Antoine
J’ai rencontré au Congrès national de Québec solidaire un jeune homme profondément engagé dans les enjeux de sa société et de sa communauté mondiale. Il s’appelle Antoine, il travaille chez Alternatives et il a une dent contre le Renouveau pédagogique.
Nous avons eu une conversion intéressante, d’où nous sommes sortis toujours campés sur nos positions respectives. Toutefois, j’ai compris ceci de mon interlocuteur : il est critique, solidaire, brillant et très actif dans l’amélioration de sa collectivité.
J’ai aussi compris qu’il reproche au débat sur le renouveau pédagogique d’avoir obnubilé le débat sur l’accessibilité à une éducation de qualité à tous les paliers. Il a raison. Nous ne militons pas assez pour une fin au financement des écoles privées, pour une restructuration complète du système d’éducation québécois et son financement adéquat. En outre, les structures hiérarchiques et bureaucratiques malsaines des écoles sont à déconstruire, tout comme l’est cette vilaine tendance à engager des directions d’école qui ont un MBA plutôt qu’une maîtrise en pédagogie ou en administration scolaire (personnellement, j’ai toujours cru qu’un directeur devrait être un pédagogue modèle plutôt qu’un gestionnaire, mais ça, c’est moi). Les relations de pouvoir dans la structure scolaire sont à refaire aussi. Il a raison.
J’ai compris aussi qu’Antoine voit le socioconstructivisme comme une solution idéalisée et crois que certains pédagogues y voient une panacée. Je lui réponds qu’il s’agit d’une solution humaine et donc par définition elle est perfectible et qu’il n’y a pas de panacée, que des solutions construites collectivement pour résoudre les problèmes.
Je lui réponds aussi qu’il s’agit de creuser un peu dans l’histoire de l’éducation pour comprendre que sans être l’idéal, le socioconstructivisme est tout de même ce qu’il y a de plus démocratique, ouvert à l’altérité et à l’égalité intersubjective et de prometteur pour former l’esprit critique et la citoyenneté transformative. Le retour à un enseignement dit traditionnel, où les élèves sont tenus de mémoriser la vérité absolue (et la «bonne» réponse) que leur donne l’enseignant, comme détenteur de cette vérité, n’est pas une meilleure solution. Qui plus est, cela reproduit des relations de pouvoir traditionnelles (je détiens le savoir-pouvoir et vous pas) et des élèves-moutons qui apprennent à accepter ces «vérités» sans en questionner l’origine, le contexte, les dangers, etc. et qui nous les régurgitent sur une feuille d’examen pour les oublier deux jours plus tard. La posture socioconstructiviste, qui favorise la co-construction des connaissances dans la confrontation intersubjective des représentations et des perceptions, ouvre la porte à une conception dialectique et dialogique de l’éducation, ainsi qu’à une vision plus égalitaire et solidaire des relations entre l’enseignant et ses élèves (Freire, 1973). Ainsi, ce changement de paradigme offre l’occasion de redessiner les relations de pouvoir en classe et de passer de la conscience magique, où la vérité est offerte de façon absolue à un apprenant passif, à la conscience critique. Comme l’explique Freire (1972 : 201):
« Dans l’éducation pour la libération, il n’existe pas de connaissance complète que possède l’éducateur, mais un objet connaissable qui établit un lien entre l’éducateur et l’élève, en tant que sujets dans le processus de connaissance. Le dialogue est établi pour sceller le rapport épistémologique entre les sujets de ce processus de la connaissance. Il le n’y a pas un ‘je pense’ qui transmet sa pensée, mais plutôt un ‘nous pensons’ qui rend possible l’existence d’un ‘je pense’.»
La société que prône Québec solidaire a un plus grand potentiel d’exister dans une telle perspective que dans le modèle traditionnel qui existe depuis les Jésuites du XVIIe siècle – et qui a peu changé depuis.
J'ajoute aussi que bien qu'il soit imparfait, le programme de formation de l'école québécoise est le plus progressiste que l'on ait connu jusqu'à présent : il contient la remise en question des relations de pouvoir, il demande à l'élève de se former au débat, d'examiner l'interdépendance des peuples et des générations. Il lui demande une participation sociale, un esprit critique. Il inclut les concepts centraux à l'analyse critique, il parle de la lutte des classes, de la hiérarchie sociale, de l'exploitation, du néocolonialisme, du néoimpérialisme. On y voit Franz Fanon, Marx, Mandela et Biko, Ghandi, Michel Chartrand, la méthode historique, la méthode scientifique, etc.
Antoine croit que les pédagogues socioconstructivistes voient la construction de savoirs et de connaissances «essentielles» comme allant de soi dans ce modèle. Je lui réponds qu’il a tort. Le travail de planification pour élaborer une situation-problème et des activités pédagogiques qui permettent aux élèves de développer leurs compétences tout en construisant leurs connaissances est ardu et requiert une rigueur et un esprit critique très développés. Animer ces situations d’apprentissage requiert délicatesse, professionnalisme, une compréhension profonde de la cognition et des étapes de développement de l’enfant et de l’adolescent, etc. Ce n’est pas une tâche que l’on prend à la légère.
je conseille à Antoine de lire la position des syndicats de l'enseignement
Je lui dit enfin que si nous y croyons, c’est parce que l’approche a le potentiel de former des jeunes qui lui ressemblent, ce qui ne pourrait être qu’un atout pour le monde entier.
Nous avons eu une conversion intéressante, d’où nous sommes sortis toujours campés sur nos positions respectives. Toutefois, j’ai compris ceci de mon interlocuteur : il est critique, solidaire, brillant et très actif dans l’amélioration de sa collectivité.
J’ai aussi compris qu’il reproche au débat sur le renouveau pédagogique d’avoir obnubilé le débat sur l’accessibilité à une éducation de qualité à tous les paliers. Il a raison. Nous ne militons pas assez pour une fin au financement des écoles privées, pour une restructuration complète du système d’éducation québécois et son financement adéquat. En outre, les structures hiérarchiques et bureaucratiques malsaines des écoles sont à déconstruire, tout comme l’est cette vilaine tendance à engager des directions d’école qui ont un MBA plutôt qu’une maîtrise en pédagogie ou en administration scolaire (personnellement, j’ai toujours cru qu’un directeur devrait être un pédagogue modèle plutôt qu’un gestionnaire, mais ça, c’est moi). Les relations de pouvoir dans la structure scolaire sont à refaire aussi. Il a raison.
J’ai compris aussi qu’Antoine voit le socioconstructivisme comme une solution idéalisée et crois que certains pédagogues y voient une panacée. Je lui réponds qu’il s’agit d’une solution humaine et donc par définition elle est perfectible et qu’il n’y a pas de panacée, que des solutions construites collectivement pour résoudre les problèmes.
Je lui réponds aussi qu’il s’agit de creuser un peu dans l’histoire de l’éducation pour comprendre que sans être l’idéal, le socioconstructivisme est tout de même ce qu’il y a de plus démocratique, ouvert à l’altérité et à l’égalité intersubjective et de prometteur pour former l’esprit critique et la citoyenneté transformative. Le retour à un enseignement dit traditionnel, où les élèves sont tenus de mémoriser la vérité absolue (et la «bonne» réponse) que leur donne l’enseignant, comme détenteur de cette vérité, n’est pas une meilleure solution. Qui plus est, cela reproduit des relations de pouvoir traditionnelles (je détiens le savoir-pouvoir et vous pas) et des élèves-moutons qui apprennent à accepter ces «vérités» sans en questionner l’origine, le contexte, les dangers, etc. et qui nous les régurgitent sur une feuille d’examen pour les oublier deux jours plus tard. La posture socioconstructiviste, qui favorise la co-construction des connaissances dans la confrontation intersubjective des représentations et des perceptions, ouvre la porte à une conception dialectique et dialogique de l’éducation, ainsi qu’à une vision plus égalitaire et solidaire des relations entre l’enseignant et ses élèves (Freire, 1973). Ainsi, ce changement de paradigme offre l’occasion de redessiner les relations de pouvoir en classe et de passer de la conscience magique, où la vérité est offerte de façon absolue à un apprenant passif, à la conscience critique. Comme l’explique Freire (1972 : 201):
« Dans l’éducation pour la libération, il n’existe pas de connaissance complète que possède l’éducateur, mais un objet connaissable qui établit un lien entre l’éducateur et l’élève, en tant que sujets dans le processus de connaissance. Le dialogue est établi pour sceller le rapport épistémologique entre les sujets de ce processus de la connaissance. Il le n’y a pas un ‘je pense’ qui transmet sa pensée, mais plutôt un ‘nous pensons’ qui rend possible l’existence d’un ‘je pense’.»
La société que prône Québec solidaire a un plus grand potentiel d’exister dans une telle perspective que dans le modèle traditionnel qui existe depuis les Jésuites du XVIIe siècle – et qui a peu changé depuis.
J'ajoute aussi que bien qu'il soit imparfait, le programme de formation de l'école québécoise est le plus progressiste que l'on ait connu jusqu'à présent : il contient la remise en question des relations de pouvoir, il demande à l'élève de se former au débat, d'examiner l'interdépendance des peuples et des générations. Il lui demande une participation sociale, un esprit critique. Il inclut les concepts centraux à l'analyse critique, il parle de la lutte des classes, de la hiérarchie sociale, de l'exploitation, du néocolonialisme, du néoimpérialisme. On y voit Franz Fanon, Marx, Mandela et Biko, Ghandi, Michel Chartrand, la méthode historique, la méthode scientifique, etc.
Antoine croit que les pédagogues socioconstructivistes voient la construction de savoirs et de connaissances «essentielles» comme allant de soi dans ce modèle. Je lui réponds qu’il a tort. Le travail de planification pour élaborer une situation-problème et des activités pédagogiques qui permettent aux élèves de développer leurs compétences tout en construisant leurs connaissances est ardu et requiert une rigueur et un esprit critique très développés. Animer ces situations d’apprentissage requiert délicatesse, professionnalisme, une compréhension profonde de la cognition et des étapes de développement de l’enfant et de l’adolescent, etc. Ce n’est pas une tâche que l’on prend à la légère.
je conseille à Antoine de lire la position des syndicats de l'enseignement
Je lui dit enfin que si nous y croyons, c’est parce que l’approche a le potentiel de former des jeunes qui lui ressemblent, ce qui ne pourrait être qu’un atout pour le monde entier.
mardi 4 mars 2008
Je lis et je m'inspire
de cet article de Schultz et Oyler (2006) sur un projet d'action sociale réalisé avec des élèves de 5e année du primaire dans la région de Chicago (MERCI MARC-ANDRÉ !!!)
"The social action curriculum project reported here offered students the chance not to just participate in mainstream political life, but to also challenge that mainstream and engage in a concerted public campaign centered on lobbying the Chicago Board of Education to fulfill their promise to build a new school for the neighborhood. This social action curriculum project offered students a chance to make good on Dewey’s (1916) definition of democracy as “a mode of associated living, of conjoint communicated experience” (p. 93). Although we understand teaching democratic citizenship to be complex (and also contested), we argue that education for democracy requires citizens able to engage in data collection, data analysis, and contingently responsive action planning. Authentic social action projects provide such a venue, involving “ambiguity, contradiction, instability, and fluidity” that supports students’ learning to “engender dialogue and action” (Varlotta, 1997, p. 475). By engaging in such projects in schools, teachers can scaffold the development of political and civic participation among young people (Wade & Saxe, 1996). Indeed, it has been posited that it is only within public schools that we are able to promote the type of democratic citizenry capable of working across differences toward a common good (Barber, 1984; Carlson, 1997)."
Vous avez le goût d'en lire plus ?
We Make This Road as We Walk Together: Sharing Teacher Authority in a Social Action Curriculum Project.Dans Curriculum Inquiry, 36, 4, p. 423-451
"The social action curriculum project reported here offered students the chance not to just participate in mainstream political life, but to also challenge that mainstream and engage in a concerted public campaign centered on lobbying the Chicago Board of Education to fulfill their promise to build a new school for the neighborhood. This social action curriculum project offered students a chance to make good on Dewey’s (1916) definition of democracy as “a mode of associated living, of conjoint communicated experience” (p. 93). Although we understand teaching democratic citizenship to be complex (and also contested), we argue that education for democracy requires citizens able to engage in data collection, data analysis, and contingently responsive action planning. Authentic social action projects provide such a venue, involving “ambiguity, contradiction, instability, and fluidity” that supports students’ learning to “engender dialogue and action” (Varlotta, 1997, p. 475). By engaging in such projects in schools, teachers can scaffold the development of political and civic participation among young people (Wade & Saxe, 1996). Indeed, it has been posited that it is only within public schools that we are able to promote the type of democratic citizenry capable of working across differences toward a common good (Barber, 1984; Carlson, 1997)."
Vous avez le goût d'en lire plus ?
We Make This Road as We Walk Together: Sharing Teacher Authority in a Social Action Curriculum Project.Dans Curriculum Inquiry, 36, 4, p. 423-451
Pour les amis du Colloque en enseignement
Des ressources en pédagogie critique
En français ...
Site du Groupe français d'éducation nouvelle avec les très excellentes situations-problèmes d'Alain Dalongeville, entre autres
En anglais...
Rethinking Schools
où l'on trouve, entre autres, des livres d'activités pédagogiques critiques en mathématiques, ainsi qu'en littérature et en études de la langue d'enseignement
Bonne lecture et merci de votre participation.
En français ...
Site du Groupe français d'éducation nouvelle avec les très excellentes situations-problèmes d'Alain Dalongeville, entre autres
En anglais...
Rethinking Schools
où l'on trouve, entre autres, des livres d'activités pédagogiques critiques en mathématiques, ainsi qu'en littérature et en études de la langue d'enseignement
Bonne lecture et merci de votre participation.
De retour du Congrès de Québec solidaire
Des émotions et du socioconstructivisme en action !
Dans une salle de 320 personnes, la construction du sens de concepts parfois très complexes, en outre en ce qui concerne la fiscalité et les menace au réseau fluvial, en collégialité. J'ai même vu des zones proximales de développement, je vous le jure.
Le discours de Françoise David était très émouvant, particulièrement dans son appel à nos frères et nos soeurs à lutter contre ce ressac envers le féminisme et la lutte des femmes et à soutenir nos soeurs qui, ailleurs dans le monde, sont soumises à des horreurs et des misères au quotidien. À ce titre, une conférencière mexicaine est venue nous parler de son organisation qui lutte pour nos companeras de Ciudad Juarrez, où sur 800 femmes disparues, seules 30 ont été identifiées parmi les corps mutilés retrouvés aux limites de la ville. Plusieurs d'entre-elles sont des ouvrières des maquilladoras.
Au Canada, ce sont des femmes autochtones qui disparaissent par centaines (plus de 500, actuellement).
Françoise nous incite également tous à porter plainte contre les publicités sexistes qui polluent les relations entre les hommes et les femmes et minent le concept de soi des filles. J'y vois une activité pédagogique critique en français (lecture de textes courants pour s'informer et écriture pour convaincre ou en univers social - dans le cadre de l'étude de la situation de la femme depuis la Révolution tranquille ou dans La reconnaissance des libertés et des droits civils 2e secondaire)
Je dis muchas manos y un solo corazon para luchar !
...mais tout indique qu'on est loin de l'objectif, encore
Il y a deux ans, mes anciennes élèves avaient organisé un moment de commémoration des vies des 14 jeunes femmes assassinées à la polytechnique. Le 6 décembre, elles prévoyaient lire à l'intercom une brève description des événements du massacre de 1989 et lire le nom des jeunes femmes assassinées avant de demander une minute de silence. Comme pour toute activité, elles ont soumis leur texte à la direction. Le 5 décembre, on leur a annoncé qu'elles n'avaient pas le droit de lire la description des événements, mais qu'elles pouvaient lire le nom des femmes et demander une minute de silence. Nul besoin de dire que sans la description des événements et la compréhension du fait que ces femmes ont été tuées parce qu'elles sont femmes, l'exercice manque de sens. Les filles se sont pliées, mais elles pleuraient tellement de rage quand elles ont lu le message qu'on les comprenait mal et elles ont dû le répéter en après-midi. Elles sont venues me le raconter à la maison et j'ai appelé à l'école pour faire une crise en règle. On m'a répondu que la décision avait été prise parce qu'on craignait qu'un ou plusieurs élèves se sentent inspirés par les gestes de Lépine et tentent de les reproduire.
À l'école toujours, une élève de première secondaire arrive avec un t-shirt sur lequel on lit «sexy kitten». Je lui demande si elle sait ce que ça signifie. Elle me répond «non». Brillante occasion de traiter de l'hypersexualisation avec les élèves en classe (voir Réseau Éducation Médias pour des activités pédagogiques critiques sur la question et La meute contre la publicité sexiste pour des réflexions et une pléthore d'exemples). Les élèves en ressortent effervescents du pouvoir d'agir sur la situation de la femme ici et ailleurs. Le soir même, un appel de la maman de la petite au t-shirt : «c'est moi qui l'ai acheté ce t-chirt, je le trouve beau et il lui faisait plaisir».
Je ne regrette pas mon geste et je le répète annuellement pour les 4 prochaines années. Mes élèves érigent des kiosques d'informations (sur Ciudad Juarrez, entre autres), se promènent dans l'école en femmes-sandwichs, distribuent des rubans blancs, interviennent dans les classes contre la misogynie...
Qu'on arrête donc de me dire que ces sujets sont trop délicats pour les élèves et que les directions appuient les gestes d'élèves qui saisissent ces occasions de participation sociale et de citoyenneté !
(des textes de mise en situation ici et ici)
Dans une salle de 320 personnes, la construction du sens de concepts parfois très complexes, en outre en ce qui concerne la fiscalité et les menace au réseau fluvial, en collégialité. J'ai même vu des zones proximales de développement, je vous le jure.
Le discours de Françoise David était très émouvant, particulièrement dans son appel à nos frères et nos soeurs à lutter contre ce ressac envers le féminisme et la lutte des femmes et à soutenir nos soeurs qui, ailleurs dans le monde, sont soumises à des horreurs et des misères au quotidien. À ce titre, une conférencière mexicaine est venue nous parler de son organisation qui lutte pour nos companeras de Ciudad Juarrez, où sur 800 femmes disparues, seules 30 ont été identifiées parmi les corps mutilés retrouvés aux limites de la ville. Plusieurs d'entre-elles sont des ouvrières des maquilladoras.
Au Canada, ce sont des femmes autochtones qui disparaissent par centaines (plus de 500, actuellement).
Françoise nous incite également tous à porter plainte contre les publicités sexistes qui polluent les relations entre les hommes et les femmes et minent le concept de soi des filles. J'y vois une activité pédagogique critique en français (lecture de textes courants pour s'informer et écriture pour convaincre ou en univers social - dans le cadre de l'étude de la situation de la femme depuis la Révolution tranquille ou dans La reconnaissance des libertés et des droits civils 2e secondaire)
Je dis muchas manos y un solo corazon para luchar !
...mais tout indique qu'on est loin de l'objectif, encore
Il y a deux ans, mes anciennes élèves avaient organisé un moment de commémoration des vies des 14 jeunes femmes assassinées à la polytechnique. Le 6 décembre, elles prévoyaient lire à l'intercom une brève description des événements du massacre de 1989 et lire le nom des jeunes femmes assassinées avant de demander une minute de silence. Comme pour toute activité, elles ont soumis leur texte à la direction. Le 5 décembre, on leur a annoncé qu'elles n'avaient pas le droit de lire la description des événements, mais qu'elles pouvaient lire le nom des femmes et demander une minute de silence. Nul besoin de dire que sans la description des événements et la compréhension du fait que ces femmes ont été tuées parce qu'elles sont femmes, l'exercice manque de sens. Les filles se sont pliées, mais elles pleuraient tellement de rage quand elles ont lu le message qu'on les comprenait mal et elles ont dû le répéter en après-midi. Elles sont venues me le raconter à la maison et j'ai appelé à l'école pour faire une crise en règle. On m'a répondu que la décision avait été prise parce qu'on craignait qu'un ou plusieurs élèves se sentent inspirés par les gestes de Lépine et tentent de les reproduire.
À l'école toujours, une élève de première secondaire arrive avec un t-shirt sur lequel on lit «sexy kitten». Je lui demande si elle sait ce que ça signifie. Elle me répond «non». Brillante occasion de traiter de l'hypersexualisation avec les élèves en classe (voir Réseau Éducation Médias pour des activités pédagogiques critiques sur la question et La meute contre la publicité sexiste pour des réflexions et une pléthore d'exemples). Les élèves en ressortent effervescents du pouvoir d'agir sur la situation de la femme ici et ailleurs. Le soir même, un appel de la maman de la petite au t-shirt : «c'est moi qui l'ai acheté ce t-chirt, je le trouve beau et il lui faisait plaisir».
Je ne regrette pas mon geste et je le répète annuellement pour les 4 prochaines années. Mes élèves érigent des kiosques d'informations (sur Ciudad Juarrez, entre autres), se promènent dans l'école en femmes-sandwichs, distribuent des rubans blancs, interviennent dans les classes contre la misogynie...
Qu'on arrête donc de me dire que ces sujets sont trop délicats pour les élèves et que les directions appuient les gestes d'élèves qui saisissent ces occasions de participation sociale et de citoyenneté !
(des textes de mise en situation ici et ici)
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