« J’installe ma lucidité au milieu de ce qui la nie. J’exalte l’homme devant ce qui l’écrase et ma liberté, ma révolte et ma passion se rejoignent alors dans cette tension, cette clairvoyance et cette répétition démesurée. » Albert Camus
Vous me permettrez de fractionner mon expérience en quelques billets, c'est beaucoup trop pour un seul !
Donaldo Macedo est traducteur et collaborateur de Freire pendant des années. Ses ouvrages personnels les mieux connus sont Literacies of Power: What Americans Are Not Allowed to Know et The Globalization of Racism. Avec Freire, il a écrit Literacy: Reading the Word and the World et avec Howard Zinn (pour qui j'éprouve une admiration et une gratitude sans borne... il faut lire Une histoire populaire des États-Unis), Howard Zinn on Democratic Education.
Macedo sourit toujours. Ses yeux pétillent - d'amour radical, je dirais ! Il semblait tellement content d'être à cet événement (il est venu de Boston où il enseigne à Boston University). Il nous a lu les excuses de Lula qui aurait être là mais qui était retenu au Brésil. Puis il nous a parlé de Freire et de sa négation totale du fatalisme, de l'importance d'accueillir l'histoire comme possibilité, de la repenser, ainsi que son contexte, afin de permettre l'autocorrection des sociétés. Il dit que l'absence de Freire le frappe douloureusement tous les jours et honnêtement, je n'ai aucune peine à le croire.
Il nous a présenté Nita Freire comme une muse intellectuelle pour Freire, qui lui a permis de repenser sa position épistémologique et idéologique.
Nita Freire a commencé sa participation au projet en remettant à Joe Kincheloe et à sa partenaire, Shirley Steinberg (une autre grande pédagogue critique) le doctorat honorifique remis à Paulo Freire par l'Université d'Hambourg, ainsi que un nombre important de carnets remplis des notes de Freire (il ne se servait jamais de machines, il n'écrivait qu'à la main). Mais j'avoue avoir pleuré chaudement dans mon foulard quand elle leur a remis les lunettes de son mari. Elle était visiblement émue, Kincheloe et Steinberg aussi. Ces items feront partie des archives du projet.
NIta Freire est une dame discrète, délicate. Elle nous entretient en portugais, avec Macedo pour traduire. Elle nous raconte sa vie avec Paulo et leur collaboration intellectuelle. Mais c'est son explication de l'évolution de la pensée de Freire et de ses fondements qui me marque (les contributions de ses parents à cette pensée, la contribution des théoriciens, la contribution la plus importante, celle des hommes et des femmes de Recife, travailleurs exploités, illettrés, à qui l'on a nié leur propre humanité). L'importance de revenir aux gens sur le terrain est ce qui nous frappe de la pensée freirienne, l'importance de l'action, de retrouver son pouvoir d'agir pour devenir non plus l'objet d'exploitation, mais le sujet de l'histoire qui s'écrit. Pas une action aveugle, pas de pensée magique, mais une action qui est le fruit d'une réflexion et d'une analyse rigoureuse qui nous mène à la conscience critique. À tous les pédagogues critiques de ce monde le message est clair : on agit avec, pas sur. On agit pour eux et pour nous en même temps, pour nous transformer par notre participation à leur transformation.
Je souffle et je vous reviens avec l'hallucinant Henry Giroux.
dimanche 16 mars 2008
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire