mardi 4 mars 2008

De retour du Congrès de Québec solidaire

Des émotions et du socioconstructivisme en action !

Dans une salle de 320 personnes, la construction du sens de concepts parfois très complexes, en outre en ce qui concerne la fiscalité et les menace au réseau fluvial, en collégialité. J'ai même vu des zones proximales de développement, je vous le jure.

Le discours de Françoise David était très émouvant, particulièrement dans son appel à nos frères et nos soeurs à lutter contre ce ressac envers le féminisme et la lutte des femmes et à soutenir nos soeurs qui, ailleurs dans le monde, sont soumises à des horreurs et des misères au quotidien. À ce titre, une conférencière mexicaine est venue nous parler de son organisation qui lutte pour nos companeras de Ciudad Juarrez, où sur 800 femmes disparues, seules 30 ont été identifiées parmi les corps mutilés retrouvés aux limites de la ville. Plusieurs d'entre-elles sont des ouvrières des maquilladoras.

Au Canada, ce sont des femmes autochtones qui disparaissent par centaines (plus de 500, actuellement).

Françoise nous incite également tous à porter plainte contre les publicités sexistes qui polluent les relations entre les hommes et les femmes et minent le concept de soi des filles. J'y vois une activité pédagogique critique en français (lecture de textes courants pour s'informer et écriture pour convaincre ou en univers social - dans le cadre de l'étude de la situation de la femme depuis la Révolution tranquille ou dans La reconnaissance des libertés et des droits civils 2e secondaire)

Je dis muchas manos y un solo corazon para luchar !

...mais tout indique qu'on est loin de l'objectif, encore

Il y a deux ans, mes anciennes élèves avaient organisé un moment de commémoration des vies des 14 jeunes femmes assassinées à la polytechnique. Le 6 décembre, elles prévoyaient lire à l'intercom une brève description des événements du massacre de 1989 et lire le nom des jeunes femmes assassinées avant de demander une minute de silence. Comme pour toute activité, elles ont soumis leur texte à la direction. Le 5 décembre, on leur a annoncé qu'elles n'avaient pas le droit de lire la description des événements, mais qu'elles pouvaient lire le nom des femmes et demander une minute de silence. Nul besoin de dire que sans la description des événements et la compréhension du fait que ces femmes ont été tuées parce qu'elles sont femmes, l'exercice manque de sens. Les filles se sont pliées, mais elles pleuraient tellement de rage quand elles ont lu le message qu'on les comprenait mal et elles ont dû le répéter en après-midi. Elles sont venues me le raconter à la maison et j'ai appelé à l'école pour faire une crise en règle. On m'a répondu que la décision avait été prise parce qu'on craignait qu'un ou plusieurs élèves se sentent inspirés par les gestes de Lépine et tentent de les reproduire.

À l'école toujours, une élève de première secondaire arrive avec un t-shirt sur lequel on lit «sexy kitten». Je lui demande si elle sait ce que ça signifie. Elle me répond «non». Brillante occasion de traiter de l'hypersexualisation avec les élèves en classe (voir Réseau Éducation Médias pour des activités pédagogiques critiques sur la question et La meute contre la publicité sexiste pour des réflexions et une pléthore d'exemples). Les élèves en ressortent effervescents du pouvoir d'agir sur la situation de la femme ici et ailleurs. Le soir même, un appel de la maman de la petite au t-shirt : «c'est moi qui l'ai acheté ce t-chirt, je le trouve beau et il lui faisait plaisir».

Je ne regrette pas mon geste et je le répète annuellement pour les 4 prochaines années. Mes élèves érigent des kiosques d'informations (sur Ciudad Juarrez, entre autres), se promènent dans l'école en femmes-sandwichs, distribuent des rubans blancs, interviennent dans les classes contre la misogynie...

Qu'on arrête donc de me dire que ces sujets sont trop délicats pour les élèves et que les directions appuient les gestes d'élèves qui saisissent ces occasions de participation sociale et de citoyenneté !

(des textes de mise en situation ici et ici)

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